La méditation change la donne (1e partie)
Article paru intégralement dans le journal médical « L’Actualité Médicale » en date du 2007-01-10, p. 50. Reproduit avec permission.
La méditation occupe une place de plus en plus grandissante tant en médecine clinique qu’en recherche. Le nombre de gens qui s’y adonnent croit sans cesse comme en témoigne ce numéro du Time représenté par l’illustration.
Il y a dix ans, quand le Dr Robert Béliveau commença à animer un atelier de gestion du stress basé sur la méditation de pleine conscience (mindfulness) dans un centre bouddhiste, ses collègues s’interrogèrent à son sujet. Depuis 2004 qu’il l’offre au Centre EPIC de l’Institut de cardiologie de Montréal, ses confrères sont maintenant rassurés. Que s’est-il passé entre-temps alors que son intervention n’a pas changé?
La méditation est devenue « mainstream ». Le feu couvait sous la cendre depuis plusieurs années comme en témoigne la parution de plusieurs études sérieuses dont celle réalisée au Québec par Herron et Hillis. Peu de médecins savent que la RAMQ ouvrit ses archives entre 1981 et 1994 pour permettre une recherche sur cette discipline. L’étude révéla en 2000 une réduction moyenne annuelle des coûts de santé de 13.78% pendant une période de six ans chez 1418 pratiquants de la méditation par rapport à un groupe de contrôle. De nouveaux résultats tirés de la même source dévoilèrent récemment que, pour les participants de 65 ans et plus, la réduction cumulative des coûts avait été de 70% sur une période de cinq ans.
Le Dalaï Lama
On avança qu’un facteur décisif ayant marqué le tournant survint en mars 2000 lors d’une rencontre où le Dalaï Lama, en compagnie d’un groupe de scientifiques, enjoignit le Mind and Life Institute d’organiser des recherches sur des méditants expérimentés avec ce que la science et la technologie avaient de mieux à offrir. Les résultats d’une recherche menée auprès de gens sains s’étant adonné à la pratique du programme MBSR (mindfulness-based stress reduction) pendant huit semaines furent communiqués lors de cette assemblée, cela trois ans avant leur publication officielle; délai occasionné en partie par le refus de plusieurs journaux scientifiques de même soumettre l’article à la révision des pairs.
On connaissait l’asymétrie de l’activité électrique du cortex préfrontal (CPF) et un lien avait été établi entre ce phénomène et un style affectif particulier; une prépondérance d’activité électrique au niveau du CPF gauche étant associée à des émotions positives. De plus, à cette époque, une prévisibilité de la réponse immunitaire reliée à ces paramètres avait déjà été signalée puis confirmée par la suite. L’article de Davidson, Kabat-Zinn et coll. démontra qu’un court programme de méditation avait augmenté de façon significative l’activité électrique du CPF gauche, diminué le niveau d’anxiété, amélioré l’humeur et amené une hausse relative du taux d’anticorps contre l’influenza; ce proportionnellement à l’activation du CPF gauche. Ces changements demeurant persistants quatre mois après la fin de l’intervention.
Ironie du sort, à peine plus d’un mois après la sortie de cet article, se tenait à Cambridge, MA la conférence « Investigating the Mind 2003 : Exchanges between Buddhism and the Biobehavioral Sciences on how the Mind Works » supportée en partie par le McGovern Institute for Brain Research at MIT. Si cette convention n’avait pas réussi à prouver autre chose, elle démontrait qu’investiguer des pratiques comme la méditation était devenu scientifiquement respectable. Mais tel ne fut pas le cas. Cette conférence réunissant plusieurs scientifiques de renom autour du Dalaï Lama se tint à guichet fermé devant 1,200 participants et ses répercussions engendrèrent dans les deux années qui suivirent une série d’événements que l’auteur de cet article résume par l’expression « l’après MIT 2003 ». Un livre, The Dalai Lama at MIT, édité par Anne Harrington et Arthur Zajonc, publié en septembre 2006 par Harvard University Press, relate ce moment mémorable.
Claude Fournier, MD.
Courriel : [email protected]
Claude Fournier est clinicien au Centre de santé et de services sociaux de Beauce où il enseigne le qigong et le taijiquan. Un partenariat avec la Fondation du cœur Louis-Georges Fortin et Accueil-Sérénité lui permet de transmettre ces enseignements à des personnes respectivement atteintes de maladies cardiaques et pulmonaires et de cancer.
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