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Pier Dutil

Une race en voie d'extinction

durée 18h00
11 mars 2024
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Par Pier Dutil

Dans l’ère moderne de la politique au Canada et au Québec, peu de premiers Ministres se sont comportés en véritables chefs d’états. Sur cette courte liste, j’inclurais les Lester B. Pearson à Ottawa, Jean Lesage, Robert Bourassa et René Lévesque à Québec. Quant aux autres, ils se sont comportés avant tout en chefs de partis.

Alors que les premiers ont su prioriser les intérêts du pays ou de la province, les autres ont davantage travaillé à leur réélection.

Le décès de Brian Mulroney survenu le 29 février dernier a donné lieu à une véritable marée d’éloges en provenance de tous les milieux. Il est parfois étrange de constater comment un politicien tant contesté durant ses années au pouvoir peut faire l’unanimité ou presque lors de son décès.

Lorsque je scrute le bilan de Brian Mulroney, je crois qu’il peut prendre place dans la catégorie des chefs d’états.

La stature de l’homme

Né au sein d’une famille ouvrière de Baie-Comeau, après des études de droit, Brian Mulroney a su se hisser jusqu’au poste de premier Ministre du Canada.

Devenu chef du parti Progressiste-Conservateur à sa deuxième tentative en 1983, il mène son parti à la plus éclatante victoire dans l’histoire électorale du Canada, faisant élire 211 Députés sur un total de 282 et devient premier Ministre. Il sera réélu en 1988 avec une majorité largement suffisante, quoique moindre qu’en 1984. Il se retirera en 1993.

Partout où il est passé, Brian Mulroney a fait sa marque. Celles et ceux qui l’ont côtoyé se rappellent de lui comme d’un homme entier, rassembleur et respectueux des autres. 

Sur la scène nationale

Son élection en 1984 faisait suite au rapatriement de la Constitution mené par Pierre-Elliott Trudeau en 1982, sans l’approbation du Québec. D’ailleurs, 42 ans plus tard, tous les Gouvernements québécois, tant péquistes que libéraux n’ont jamais ratifié ce document.

Lors de la campagne électorale de 1984, Brian Mulroney s’était engagé à convaincre le Québec de se joindre à la Constitution avec «honneur et enthousiasme».

Dans les années qui ont suivi, Mulroney a tout tenté pour rapatrier le Québec, convainquant même le premier Ministre péquiste, René Lévesque, de collaborer en prenant ce que l’on a appelé à l’époque «le beau risque»

Grâce à ses talents de négociateur, Brian Mulroney est parvenu a faire adopter par les dix provinces les «Accords du Lac Meech» en 1987. Ces accords devaient être entérinés par chacune des dix provinces et, la résistance du Gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador et d’un Député autochtone du Manitoba ont finalement fait échouer le tout en 1990.

Une nouvelle tentative de réformer la Constitution suite à l’Accord de Charlottetown aboutit en un référendum canadien en 1992. Une fois de plus, cette tentative est rejetée par la population canadienne. Cela marquera à jamais la fin de toute tentative de moderniser la Constitution canadienne afin de permettre au Québec d’y adhérer.

Jamais un premier Ministre canadien aura autant fait que Brian Mulroney pour unifier le pays, cela même si ses efforts sont demeurés vains.

Sur la scène internationale

Le bilan de Brian Mulroney est marqué par deux initiatives d’importance au niveau international : l’accord de libre-échange avec les États-Unis et l’abolition de l’apartheid en Afrique du Sud.

Malgré l’opposition au sein de son parti et auprès du monde économique canadien, Brian Mulroney se lance dans une démarche visant à établir un pacte de libre-échange avec notre voisin américain. Le Président américain de l’époque, Ronald Reagan, n’est pas chaud à l’idée, mais, pourtant, après d’intenses négociations, Mulroney remporte son pari.

Avec les années, cette mesure, fortement contestée à son origine, a démontré sa grande efficacité et son importante contribution au développement des entreprises canadiennes. Même Jean Chrétien, qui avait promis de déchirer cet accord en prenant le pouvoir, a dû y renoncer suite aux nombreux bénéfices qu’en retiraient nos entreprises.

Quand Brian Mulroney a pris l’initiative de menacer le Gouvernement sud-africain de mesures de boycott si on ne mettait pas fin à la politique d’apartheid fortement ségrégationniste imposée par la minorité blanche à la majorité noire de ce pays, il faisait cavalier seul. 

Il avait même été pris à partie par la première Ministre britannique, Margaret Thatcher, qui s’opposait à toutes mesures menaçant le Gouvernement de l’Afrique du Sud.

Utilisant une fois de plus ses grands talents de négociateur, Brian Mulroney est parvenu à convaincre les dirigeants de nombreux pays à faire pression sur les dirigeants de l’Afrique du Sud, ce qui a mené à la libération de Nelson Mandela après 27 ans d’emprisonnement, à la fin de l’apartheid et à l’accession de Mandela à la Présidence de son pays.

Ce dernier a été à ce point reconnaissant à l’égard de Brian Mulroney que c’est au Canada qu’il a effectué son premier voyage à l’extérieur de son pays après son accession au pouvoir.

Je pourrais mentionner de nombreuses autres réalisations mises de l’avant par Brian Mulroney durant ses 10 ans au pouvoir, mais celles mentionnées précédemment dans cette chronique suffisent à démontrer l’envergure de l’homme.

Évidemment, le bilan de Mulroney n’est pas blanc comme neige. On se souvient aussi des débats soulevés par les révélations faisant état que Brian Mulroney avait touché des sommes au comptant de 225 000 $ à 300 000 $ sans prendre le soin de déclarer ces revenus au fisc. Divers recours judiciaires ont eu lieu et, en 2010, un tribunal concluait que Mulroney avait enfreint son code d’éthique. Finalement, Brian Mulroney reconnaîtra qu’il s’agissait de sa part d’une erreur.

Cette tache dans son dossier demeurera, mais cela ne sera pas suffisant pour ternir le bilan de cet homme politique qui a su s’élever au-dessus de ses intérêts personnels et se comporter, durant ses années au pouvoir, comme un chef d’état et non comme un simple chef de parti. 

Malheureusement, il s’agit là d’une race en voie d’extinction.

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