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Assurance médicaments et soins dentaires: Singh propose une rencontre à Dubé

durée 05h00
6 mars 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Face à l'accueil pour le moins froid du gouvernement du Québec à l'annonce de programmes nationaux d'assurance médicaments et de soins dentaires, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a écrit au ministre québécois de la Santé, Christian Dubé, et au député Vincent Marissal de Québec solidaire, pour leur proposer une rencontre.

«J’ai voulu rappeler à ces deux politiciens (…) la raison pour laquelle on est entré dans la vie politique: c'est pour améliorer la vie des gens, a-t-il expliqué mardi soir en entrevue avec La Presse Canadienne. On a maintenant une occasion en or avec ces deux mesures de faire exactement ça.»

Dans sa lettre transmise quelques heures plus tôt, et dont La Presse Canadienne a obtenu copie, M. Singh se désole que les deux élus envisagent de se rendre à Ottawa non pas pour collaborer à la mise en œuvre des programmes, mais bien pour réaffirmer les champs de compétence du Québec, un objectif que M. Marissal juge de surcroît «urgent».

Or, écrit Jagmeet Singh, «ce qui est réellement urgent à mes yeux» est que bon nombre de Québécois sont incapables de payer les soins dentaires et les médicaments dont ils ont besoin parce que cela leur coûterait trop cher.

Avant même l'annonce du programme d'assurance médicaments, jeudi, le gouvernement du Québec s'est empressé de dégainer son droit de retrait avec «pleine compensation, et ce, sans conditions» en expliquant que les soins de santé relèvent de sa compétence.

Dans sa lettre, Jagmeet Singh dit être «inondé» de messages de «reconnaissance», notamment d'aînés qui «se réjouissent de ne plus souffrir et d'économiser plus de 1000 $ annuellement». Le programme de soins dentaires, note-t-il, profitera à terme à 2,5 millions de Québécois. Et la province sera celle qui en tirera «le plus grand bénéfice».

Le chef néodémocrate implore le ministre Dubé et le député Marissal de ne pas bloquer «le progrès social», alors que la couverture universelle et gratuite de la contraception et des médicaments contre le diabète que propose Ottawa ferait «une différence inimaginable» dans la vie des Québécoises et des diabétiques.

Déconnectés

M. Singh, dont le parti s'est battu bec et ongles pour ces couvertures au point d'en faire des éléments de leur entente permettant au gouvernement minoritaire de Justin Trudeau de se maintenir au pouvoir, a déclaré en entrevue être «bouleversé» que MM. Dubé et Marissal «ne pensent pas aux gens» et préfèrent des batailles «académiques».

«Est-ce que les aînés parlent des champs de compétences ou est-ce qu'ils disent: "je veux soigner mes dents, ça coûte trop cher et je ne peux pas", a-t-il demandé. Dans ce cas spécifique, ils (le gouvernement Legault et Québec solidaire) ne sont pas connectés avec la réalité des gens au Québec.»

M. Singh n'a pas non plus mâché ses mots à l'égard du premier ministre du Québec, François Legault, qu'il a récemment qualifié de «conservateur».

«Il ferme la porte aux aînés au Québec pour les soins dentaires, il ferme la porte aux femmes au Québec pour les médicaments contraceptifs et il ferme la porte aux gens qui vivent avec le diabète», a soutenu le chef néodémocrate.

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, est pour sa part intraitable sur ses «objectifs communs» qu'il refuse mordicus de qualifier de conditions. Son projet de loi va cependant jusqu'à préciser que le financement ne sera versé que si les provinces offrent une couverture universelle dont elles couvrent entièrement les coûts.

Selon M. Holland, la prestation des soins de santé «n’est pas une question de juridiction». Il répétait en début de semaine que les Canadiens ne veulent pas «la chicane», mais bien «les résultats».

«Petit régime mal bidouillé»

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a poursuivi mardi sur X (anciennement Twitter) ses attaques à l'égard du «petit régime mal bidouillé» d'assurance médicaments qui ne vise qu'à «sauver la face» du NPD, sauver également «la majorité synthétique» des libéraux et «instrumentaliser l'hostilité contre le Québec qui fait recette au Canada».

M. Blanchet a affirmé que le régime québécois «offre déjà» ce que propose Ottawa. Or, le Québec a un régime hybride public-privé et il ne rembourse pas entièrement les produits contraceptifs et les médicaments contre le diabète.

D'ailleurs, celui qui est considéré comme le père du régime d'assurance médicaments du Québec, l'ancien ministre péquiste de la Santé Jean Rochon, jugeait en 2015 que le programme québécois est «mûr pour une transformation majeure». Il appelait Ottawa à adopter un régime «entièrement public» et mentionnait que «le leadership du gouvernement fédéral pourrait être décisif en la matière».

Le chef bloquiste a également reproché au NPD de «désavouer» son seul député au Québec, Alexandre Boulerice, lui qui répétait encore la semaine dernière haut et fort que son parti a tatoué sur le cœur sa «Déclaration de Sherbrooke». Le document affirme que le Québec devrait avoir un «droit de retrait avec compensation», et ce, sans «conditions ou normes».

Or, cette position tient toujours, a insisté M. Singh, qui se décrit comme un «fier allié de la nation québécoise», et qu'il ne demande qu'à s'asseoir pour discuter et trouver des solutions plutôt que de claquer la porte.

Un membre de son entourage à qui La Presse Canadienne a accordé l'anonymat parce qu'il n'était pas autorisé à parler publiquement a expliqué que la missive transmise mardi vise à «occuper l'espace» et «rediriger la conversation» publique sur «les vraies affaires», soit «les gens qui en arrachent».

Les libéraux sont «quasi absents» et manquent «de proactivité et de leadership», accuse cette source néodémocrate. «Ils ne mettent pas de pression présentement sur le gouvernement du Québec à dire assoyons-nous là, "let's go", on peut y arriver, on a négocié plein d'affaires ensemble, assoyons-nous, on peut arriver à ces objectifs-là, venez nous rencontrer.»

Le NPD est prêt à mettre de l'eau dans son vin, indique-t-on, et à encourager les libéraux à faire de même. Il y aurait, par exemple, de l'ouverture à ce que le gouvernement du Québec administre le programme de soins dentaires, évoque-t-on.

- Avec des informations de Caroline Plante, à Québec

Michel Saba, La Presse Canadienne