Adopter un mode de vie plus lent peut contribuer à une meilleure qualité de vie


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Ralentir son mode de vie peut sembler une décision fort courageuse à prendre au cœur d’une société qui valorise la performance. Pourtant, ces téméraires qui adoptent un rythme plus lent améliorent leur santé physique et mentale, et entretiennent de meilleures relations interpersonnelles.
Le 21 juin marque la Journée de la lenteur, qui coïncide par le fait même avec la Journée internationale du yoga. Fondée en 2001 par la montréalaise Clémence Boucher et son collectif les Lents d’Amérique, cette initiative met en relief l’importance et les bienfaits d’un mode de vie moins pressé.
«C’est de remettre au centre cette idée de reprendre le contrôle de son temps, de se reconnecter avec ses valeurs et ses besoins fondamentaux, pour sortir chaque seconde, d’un monde ou d’un rapport productiviste au monde qui devient épuisant», explique la psychologue Natacha Godbout, enseignante à l’UQAM au département de sexologie.
Et si la société a tendance à voir de haut les personnes qui prennent leur temps, pour Mme Godbout, la lenteur est plutôt synonyme d’une meilleure qualité de vie.
Pour profiter de ces bienfaits, nul n'est besoin de réduire sa productivité au travail ni le nombre d'activités planifiées dans une journée. Elle propose plutôt de prendre une pause de cinq minutes entre des rendez-vous ou des transitions pour «être capable de se remettre dans un mode de présence pleine à soi, à l’autre et l'environnement».
Le simple fait de prendre quelques respirations dans sa voiture en sortant du travail avant de démarrer la voiture peut avoir un impact positif sur la santé, selon Mme Godbout.
«La personne qui prend le temps de respirer peut s’éviter des problèmes physiques parce qu’elle va prendre conscience de son corps et remarquer si elle a mal au cou, si sa position au bureau est optimale ou non, affirme la psychologue. À long terme, on s’évite des maux de dos, des bursites ou des tendinites.»
Mme Godbout recommande tout autant la pratique du yoga, qui, selon elle, est un sport complet, alliant la pleine conscience à l’activité physique, et qui nécessite peu de ressources.
Une meilleure relation à soi et aux autres
Pour réellement apprendre à connaître ses amis, ses collègues ou ses enfants, il faut savourer le temps passé en leur compagnie au lieu de le compter.
«Souvent, quand on est avec l’autre, on est aussi en train de texter sur son téléphone, de répondre à des courriels en déjeunant avec ses enfants», souligne Mme Godbout, qui recommande de choisir des moments pour entrer en contact avec nos proches sans aucune distraction.
«Mais ça demande un effort, c’est moins naturel dans un monde où on a le goût d’être efficace», fait-elle remarquer.
Pour les personnes qui ont traversé des épreuves traumatisantes durant leurs enfants ou à l’âge adulte, ralentir peut également s’avérer grandement thérapeutique, soutient Mme Godbout, qui étudie les traumas interpersonnels en enfance chronique.
Elle explique que, chez ces patients, l'amygdale — une partie du cerveau qui régule la peur (à ne pas confondre avec les amygdales)— devient hypersensible en grandissant.
«C’est des gens qui vont avoir plus tendance à surveiller les dangers et à s’attendre qu’une menace survienne», affirme-t-elle, ajoutant que cette hypervigilance peut engendrer de la fatigue chronique et des problèmes de digestion.
Apprendre à bien respirer et à pratiquer la pleine conscience permet de « rééduquer » le système nerveux afin qu’il se sente en sécurité dans son quotidien. Cela entraîne une amélioration de la qualité du sommeil, de la capacité de concentration, de l’aisance sociale et de la confiance en soi.
C’est en entamant la pratique du yoga — qu’elle cultive depuis près de sept ans — que Maëlann Bleau a ressenti ces bienfaits. Cette pratique l’a aidée à surmonter son anxiété et un trouble alimentaire durant la pandémie.
«Le yoga a vraiment été là pour m'aider à me sentir bien dans mon corps et à me rendre plus forte», explique la jeune femme de 25 ans, rencontrée lors d’un événement de yoga au parc Jarry.
Pour Marilew Demers, propriétaire de deux studios de yoga, ce sport physique et mental lui a permis d’améliorer sa capacité à respirer.
«Avant, j'avais le souffle plutôt coupé par moment dû au stress, à l'anxiété. Et puis le yoga m'a vraiment permis de mieux respirer, puis de gagner de l'espace dans mon corps», raconte Mme Demers, qui enseigne cette discipline ancestrale depuis 6 ans.
Selon Mme Demers, notre corps «accumule» les tensions, physique ou émotionnelle, que l’on traverse au fil des jours, pouvant causer des douleurs ou limiter les mouvements. Le yoga permet de «lâcher prise» sur les irritants quotidiens en «encourageant une posture de reconnaissance et de gratitude face aux épreuves de la vie», affirme-t-elle.
«Ce n’est pas rare des fois en fin de cours que des élèves se mettent à pleurer ou traversent des émotions et ils ne savent pas pourquoi. C’est parce que quelque chose a débloqué.»
Ralentir sans se presser
La capacité de ralentir devrait être perçue comme un privilège, selon Mme Godbout.
«Cinq minutes peuvent devenir, “Wow! j’ai cinq minutes”, et non pas “Oh non! il me reste cinq minutes”».
Cependant, il ne faut pas que «la lenteur devienne culpabilisante», avertit la psychologue. «Ralentir ne devrait pas prendre la forme d’une nouvelle norme de perfection à atteindre», précise-t-elle.
Prendre son temps est un art que chacun doit adapter à sa charge de travail quotidienne et à son milieu familial.
«Il s’agit de trouver les petits gestes qui fonctionnent pour nous et qui s’accordent avec nos valeurs»
Samira Ait Kaci Ali, La Presse Canadienne