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Avec la balance du pouvoir dans les comités, le Bloc se frotte les mains

durée 05h00
21 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — L'échec vraisemblable du Nouveau Parti démocratique (NPD) à obtenir le statut de parti reconnu à la Chambre des communes sonne comme de la musique aux oreilles des députés du Bloc québécois, qui constatent qu'ils détiendront la balance du pouvoir dans les comités parlementaires, des incontournables du processus législatif.

En entrevue avec La Presse Canadienne, leur nouvelle leader parlementaire, Christine Normandin, se frotte littéralement les mains en détaillant la situation dans son bureau de l'Édifice de l'Ouest. «Le non verbal parle», rigole-t-elle.

L'excitation de celle qui savoure le rapport de force de sa formation politique dans ce parlement minoritaire contraste avec celle de son bébé qui était dans les vapes après avoir bu son biberon et qui dort dans sa poussette installée dans un coin.

Il y a une grande différence entre la situation actuelle du Bloc et celle qui prévalait avant les élections générales, explique-t-elle: «on est un parti reconnu et le NPD ne l'est pas».

Un parti doit compter au moins 12 députés pour être «reconnu». Le NPD, lui, n'a fait élire que sept candidats le mois dernier. Et le premier ministre Mark Carney a signalé la semaine dernière qu'il n'est pas chaud à l'idée d'accorder une exception, malgré que le parti ait fait valoir que les libéraux se trouveraient avec un seul tiers parti dans les comités parlementaires.

C'est que la composition de ces comités est proportionnelle à la représentation des partis reconnus à Chambre des communes et seuls les membres issus de ces groupes parlementaires y ont un droit de vote.

Les travaux de la Chambre, dont sa période des questions parfois spectaculaire, ont beau retenir généralement l'attention, les projets de loi doivent obligatoirement passer par les comités parlementaires où se fait le travail de fond.

Ainsi, les libéraux auront besoin de négocier avec les bloquistes s'ils veulent faire cheminer une pièce législative en comité. Il en va de même pour les conservateurs s'ils veulent l'amender.

Le Bloc aura aussi un poids déterminant sur le choix des thèmes qui seront étudiés par les comités et «il y a de fortes chances» qu'il s'allie avec les conservateurs pour déterminer l'ordre du jour advenant qu'un scandale explose, a dit Mme Normandin.

«On va être facilement parlables»

Les bloquistes jurent qu'ils travailleront «de façon constructive», qu'ils étudieront les propositions «au mérite» et que, «pour la première année à tout le moins», ils seront «facilement parlables».

«On sera peut-être un peu moins rapide sur la gâchette à dire: “ouais ben là, ça commence à faire beaucoup qu'on accumule, qui nous déplaît”. On donne un peu une chance au coureur dans la première année», a expliqué Mme Normandin.

Le Bloc tend donc «une branche d'olivier», dit-elle à quelques heures de son assermentation devant sa famille et ses proches.

Du même souffle, Mme Normandin prévient qu'il y a tout de même «des conditions (...), des non négociables».

Le gouvernement libéral doit renoncer à se mettre «en mode "marcher sur les intérêts du Québec, essayer de nous passer sur le corps"», les «laisser tranquilles avec les questions de langue, de laïcité et cies» et respecter les champs de compétences des provinces, une en particulier.

Le Bloc ne projette pas conclure d'entente à long terme, comme l'a fait le NPD lors de la dernière législature. Il préfère plutôt négocier «à la pièce».

Mais bien que les néo-démocrates n'aient pas droit de vote en comité, ils détiennent néanmoins eux aussi la balance du pouvoir à la Chambre des communes et c'est vers là que le gouvernement pourrait se tourner s'il est incapable de s'entendre au comité.

Cependant, Mme Normandin souligne qu’il présente plusieurs inconvénients. «Ça rallonge le processus. On rouvre des débats. (...) On se complique beaucoup la tâche. (...) Ça peut devenir extrêmement lourd.»

Le triple défi

Il est certain que, dans la situation actuelle, la session parlementaire sera «du “stock”» pour le Bloc, prédit celle qui vient d’être élue députée de Saint-Jean, en Montérégie, pour un troisième mandat, et qui est maintenant responsable de coordonner les activités de son parti à la Chambre.

En succédant à Alain Therrien, un vétéran de la politique, elle dit avoir «des grosses chaussures à remplir».

Et avec un bébé qui est né dans les derniers mois, ce sera un double défi? «À la limite triple», renchérit Mme Normandin.

«Je suis maman solo, donc maman sans conjoint, mais avec un bon réseau autour. Maman parlementaire et avec un titre comme officière en plus. Il y a peut-être une couple de petits plafonds de verre là qu'on va casser à gauche à droite. Tant mieux si ça peut montrer à d'autres par la suite que c'est faisable. Moi, je me dis: on va prendre le défi une bouchée à la fois.»

Comme si elle n'allait pas avoir suffisamment de pain sur la planche, la bloquiste a un petit projet «sur la bande» qu'elle souhaite faire avancer durant la session: pousser à la mise en place d'une halte-garderie sur la colline qui serait gérée par le Parlement.

«(Lors)qu'on siège jusqu'à minuit passé, ben la garderie qui ferme à 17 h, elle n'est plus utile pantoute pour personne», insiste-t-elle.

Mme Normandin a dit croire qu'une halte-garderie avec des horaires atypiques serait une alternative pour les députés et leurs employés, contribuerait à la conciliation travail-famille et attirerait plus de gens en politique.

Michel Saba, La Presse Canadienne

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