De plus en plus de non-fumeurs atteints d'un cancer du poumon


Temps de lecture :
5 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
TORONTO — Le médecin de famille de Katie Hulan pensait qu'elle souffrait d'asthme. Sa toux, apparue environ un mois et demi plus tôt, s'aggravait progressivement. On lui a donc prescrit des inhalateurs, mais sans succès.
«J'en arrivais au point où je ne pouvais plus parler au travail, a relaté cette responsable de marketing technologique de 37 ans. À la fin de la journée, j'avais mal rien qu'à cause des tremblements et de la toux.»
Son médecin lui a prescrit une radiographie qui a révélé une masse sur son poumon.
«(Mon médecin) m'a conseillé d'aller aux urgences, pensant à un caillot sanguin», s'est-elle souvenue.
Après environ six heures d'examens supplémentaires, on lui a annoncé qu'elle souffrait d'un cancer du poumon de stade 4.
«Ce fut l'un des moments les plus dévastateurs de ma vie, a-t-elle confié. Ma première réaction a été: "Je sais comment cette histoire se termine." Et pour moi, c'était comme une condamnation à mort.»
Elle était en bonne santé, était active et ne fumait pas.
«Recevoir un diagnostic de cancer a été un choc. Et puis, recevoir un diagnostic de cancer du poumon a été très déroutant pour moi», a déclaré Mme Hulan, qui a été diagnostiquée à Toronto fin 2020 et qui a depuis déménagé à Victoria où elle poursuit son traitement.
Elle fait partie du nombre croissant de non-fumeurs que les médecins voient pour un cancer du poumon. Bien que le tabagisme demeure le principal facteur de risque, la Société canadienne du cancer estime qu'environ le quart des cas de cancer du poumon au pays touchent des non-fumeurs.
Les femmes particulièrement touchées
De plus, ces cas chez les non-fumeurs sont plus nombreux chez les femmes que chez les hommes, et on ne sait pas exactement pourquoi, a indiqué Jessica Moffatt, vice-présidente des programmes et de la défense des droits à la Fondation pour la santé pulmonaire.
«L'une des théories est que les œstrogènes pourraient favoriser la croissance tumorale, mais ce ne sont que des théories pour l'instant», a-t-elle ajouté.
Ce que les scientifiques savent, c'est que les facteurs environnementaux contribuent au risque de cancer du poumon, en particulier le radon.
Selon Santé Canada, l'exposition à long terme au radon – un gaz radioactif invisible issu de la décomposition de l'uranium dans le sol et les roches – est la première cause de cancer du poumon chez les non-fumeurs. Le ministère affirme que le radon est présent à des degrés divers dans chaque foyer et il encourage chacun à se procurer une trousse de test de radon pour vérifier ses niveaux.
D'autres facteurs de risque comprennent l'exposition à la fumée secondaire, à l'amiante et aux particules fines présentes dans la pollution atmosphérique, a déclaré Mme Moffatt.
Alors que les feux de forêt font rage partout au pays, les effets de cette fumée sont «une préoccupation majeure» et font l'objet d'études pour déterminer le risque de cancer du poumon, a-t-elle ajouté.
La docteure Rosalyn Juergens, oncologue médicale à l'Université McMaster et au Centre des sciences de la santé de Hamilton, souligne que des études démontrent que les personnes vivant dans des zones où les taux de pollution atmosphérique sont élevés présentent un risque plus élevé de développer un cancer du poumon.
De plus en plus de cas
En près de 20 ans de pratique, elle a «certainement» constaté une augmentation du nombre de patients non-fumeurs atteints d'un cancer du poumon.
«À mes débuts, il était rare — pas impossible, mais peu fréquent — de voir une personne n'ayant jamais fumé. Et nous en voyons de plus en plus», a raconté la docteure, également présidente de Cancer pulmonaire Canada.
On ne sait pas si le nombre de non-fumeurs atteints d'un cancer du poumon est plus élevé ou s'ils représentent simplement une proportion plus importante de patients, car le nombre de fumeurs est plus faible que jamais, a-t-elle précisé.
Beaucoup de ses patients non-fumeurs sont des femmes, mais les gens ne sont tout simplement pas conscients que le cancer du poumon est un problème de santé féminin, a-t-elle ajouté. Lorsque les non-fumeurs se présentent à son cabinet, leur cancer est souvent à un stade avancé.
«Le cancer du poumon est plus fréquent chez les femmes que chez celles qui meurent du cancer du sein, de l'ovaire et du col de l'utérus réunis», a souligné la docteure.
«Une femme sur cinq n'a jamais touché à une cigarette de sa vie.»
Bien que des programmes organisés de dépistage du cancer du poumon soient en place en Colombie-Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse depuis 2022, ils ne ciblent que les fumeurs — les non-fumeurs ne bénéficient donc pas de cette détection précoce.
De plus, le cancer du poumon n'est souvent pas la première préoccupation des médecins lorsque des patients non-fumeurs consultent pour une toux, a indiqué Mme Juergens.
«Le problème avec le cancer du poumon, c'est que les symptômes sont généralement très subtils. Vos poumons ne possèdent pas de terminaisons nerveuses. Vous n'aurez donc pas mal. Vous ne sentirez jamais de grosseur», a-t-elle expliqué.
Une médecine de précision
Mais la bonne nouvelle pour de nombreux patients, selon Mme Juergens, est que le traitement du cancer du poumon a considérablement progressé depuis les années 1990, lorsque la chimiothérapie était souvent la seule option.
«Nous utilisons ce qu'on appelle le séquençage de nouvelle génération pour la grande majorité des cancers du poumon, ce qui nous aide à déterminer le type exact de cancer du poumon et à choisir les traitements appropriés», a-t-elle ajouté.
Cette médecine de précision a transformé l'espérance de vie initiale de Katie Hulan, de six mois, en une moyenne de cinq à six ans. Une biopsie a révélé que son cancer présentait une mutation génétique ALK, l'un des douze biomarqueurs permettant aux médicaments de cibler spécifiquement les cellules cancéreuses, et présent seulement dans environ 4 % des cas.
«Lorsque j'ai appris cette nouvelle, j'ai eu un véritable choc. J'avais la vie en main. J'avais de l'espoir. Mon oncologue m'a dit: "Vous avez gagné à la loterie, vous avez de belles années devant vous"», a-t-elle affirmé.
Près de cinq ans après son diagnostic, Mme Hulan continue de prendre un comprimé pour son traitement, n'a jamais eu recours à la chimiothérapie, se sent «magnifiquement bien» et est déterminée à vivre longtemps et pleinement.
Elle milite désormais pour chez Cancer du poumon Canada afin de réclamer un accès égal aux médicaments anticancéreux ciblés dans tout le pays et d'inciter les personnes à consulter un médecin si elles ont une toux qui dure plus de deux ou trois semaines.
«Je pense que la rumeur veut qu'on doive avoir fumé et ce n'est pas du tout le cas», a-t-elle soutenu.
« Toute personne ayant des poumons peut développer un cancer du poumon.»
–
La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.
Nicole Ireland, La Presse Canadienne