Déficience intellectuelle: la recherche s'allie au réseau pour offrir des services


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Des familles avec un enfant autiste ou avec une déficience intellectuelle bénéficient de services qui sont parfois difficilement accessibles dans le réseau public grâce aux travaux de la Chaire William-Barakett de déficience intellectuelle et troubles du comportement (DITC) de l'UQÀM.
Ces travaux permettent non seulement des projets de recherche novateurs — par exemple sur les femmes avec une déficience intellectuelle qui se retrouvent dans les refuges pour femmes victimes de violence conjugale — mais ils offrent aussi des services concrets pour outiller les familles et les intervenants.
«On travaille vraiment en recherche pour créer des capacités dans le réseau. Donc, oui, on est là pour les soutenir, mais le but, éventuellement, c'est que [les familles] soient autonomes à desservir l'intervention sans nous. Tout est pensé comme ça. C'est la recherche participative. On réfléchit déjà en amont avec les gestionnaires et les intervenants pour que l'intervention soit pérenne», explique Mélina Rivard, cotitulaire de la chaire de recherche DITC.
Le programme E-PAtS (Early Positive Approaches to Support) en est un exemple. Développé au Royaume-Uni puis adapté au Québec, il vise à soutenir les parents à travers huit rencontres de groupes, animées par un intervenant et un parent partenaire.
Marianne Laforte et Julie Turgeon font partie des parents partenaires présents lors de ces rencontres. Elles interviennent notamment au niveau de la prévention de la santé mentale et en vulgarisant certaines notions scientifiques.
Briser l'isolement des parents
Il existe une grande solitude chez les parents qui ont des «enfants différents», souligne Mme Laforte. Sa collègue, Mme Turgeon, fait valoir que les rencontres de groupes permettent de briser l'isolement. «Ça nous redonne de l'espoir, ça nous donne le goût d'aller de l'avant, de se réimpliquer, de se réinvestir aussi, donc c'est vraiment un cercle vertueux», dit-elle.
«Là où c'est innovateur, poursuit Mme Laforte, c'est que, dans le passé, ces groupes-là étaient souvent animés par un professionnel, puis tous les parents n'étaient comme pas au même niveau. Le fait que ce soit cofacilité par un autre parent, on est là pour dire: ''c'est normal ce que vous vivez. J'ai vécu la même chose avec mes cocos quand ils étaient plus jeunes''.»
Les huit rencontres sont «montées en crescendo», explique Mme Turgeon. L'ordre spécifique est pensé en fonction des besoins des parents. La première rencontre est de les rassurer qu'on va trouver les ressources; la deuxième est sur l'importance de prendre soin de soi; la troisième est sur le sommeil, etc.
Le sommeil vient aussi tôt dans l'ordre puisqu'un enfant avec des difficultés neuro-développementales a plus de chance d'avoir des troubles du sommeil que la moyenne des «enfants typiques».
«C'est plein de petites choses pour aider la famille à faire son évaluation, puis de se donner des outils pour être capable de gérer au quotidien ces enjeux-là, parce qu'il y a beaucoup de parents épuisés», soutient Mme Laforte.
Entre 30 et 40 % des personnes présentant une déficience intellectuelle auraient un trouble du comportement, et cette proportion est estimée entre 60 à 94 % chez les enfants autistes, ce qui comprend aussi d'autres troubles concomitants, comme des troubles anxieux.
Le bien-être des familles est mis à mal et cela augmente la détresse psychologique des parents et de la fratrie. De 30 à 50 % des parents répondent aux critères d’un trouble de santé mentale, un taux plus élevé que chez les parents d’enfants ayant toute autre condition.
C'est dans ce contexte que les professeures au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal (UQÀM), Diane Morin et Mélina Rivard, et cotitulaires de la Chaire William-Barakett, s'efforcent de mieux comprendre les besoins des parents et des intervenants pour les aider à naviguer dans le quotidien des enfants autistes ou avec une déficience intellectuelle.
Élargir les services au Québec
Depuis 2008, la chaire de recherche a permis de réaliser plusieurs projets porteurs pour les familles concernées. La nouvelle phase des travaux de recherche s'échelonnera jusqu'en 2030, grâce à un don de 1,5 million $ sur cinq ans de la Fondation Sandra et Alain Bouchard, qui a un souci de soutenir les personnes vivant avec une déficience intellectuelle.
Plusieurs projets ont déjà été mis en branle, mais l'argent servira entre autres à les déployer à plus grande échelle. Le programme E-PAtS, dont font partie Mmes Turgeon et Laforte, est offert présentement au CIUSSS de l'Est dans Montréal, au CIUSSS Mauricie-Centre-du-Québec et au Centre de réadaptation Marie Enfant au CHU Sainte-Justine. Déjà, 200 familles y ont eu accès.
«Ce qu'il va y avoir de nouveau, c'est qu'on veut l'élargir, qu'il fasse vraiment partie de l'offre de services dans les autres régions, aussi dans les CISSS et CIUSSS, notamment en lien avec le programme Agir tôt», détaille Mme Rivard.
Agir tôt est un programme gouvernemental qui s’adresse aux enfants de 0 à 5 ans et à leur famille dans le but d'identifier le plus rapidement possible les indices de difficultés dans le développement d’un enfant afin de l’orienter vers les bons services rapidement.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne