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Des chercheurs canadiens font une grande avancée dans la recherche contre la SLA

durée 14h27
9 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

TORONTO — Debout dans une salle de contrôle de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) remplie de collègues chercheurs sur la sclérose latérale amyotrophique ou SLA, le Dr Lorne Zinman montre avec enthousiasme l'image du cerveau sur son téléphone.

Un point blanc apparaît sur l'image, exactement à l'emplacement du cortex moteur de Bill Traynor. Le patient de 70 ans est allongé sur le lit d'IRM, la tête à l'intérieur d'un dôme qui lui envoie des ultrasons focalisés lors de l'essai expérimental.

Ce point blanc indique que l'immunoglobuline que M. Traynor a reçue par voie intraveineuse a traversé la barrière hémato-encéphalique pour atteindre la zone précise souhaitée par les chercheurs.

Lors d'une entrevue accordée juste avant l'intervention, le Dr Zinman a évoqué l'importance de ce résultat dans la recherche d'un traitement contre cette maladie neurologique dévastatrice.

«Il s'agit d'une étape importante», a souligné mercredi le neurologue et directeur de la clinique de SLA du Centre des sciences de la santé Sunnybrook. «Maintenant que nous sommes capables d'ouvrir la barrière hémato-encéphalique pour cibler précisément le point de départ de la SLA, je suis très enthousiaste quant à l'avenir.»

Bill Traynor est le premier des six patients participant à un essai clinique de phase 1 visant à déterminer la sécurité de l'administration de médicaments par ultrasons non invasifs aux patients atteints de SLA. Il est le premier patient atteint de cette maladie au monde à recevoir un médicament de cette manière, a précisé le Dr Zinman, co-investigateur principal de l'essai.

Les chercheurs de Sunnybrook ont déjà étudié cette procédure expérimentale, appelée ultrasons focalisés, chez des patients atteints de la maladie d'Alzheimer et de tremblements essentiels, un trouble neurologique provoquant des tremblements incontrôlables.

«La barrière hémato-encéphalique est là pour nous protéger, elle maintient les virus, les bactéries et les toxines hors du cerveau», a expliqué le Dr Agessandro Abrahao, co-investigateur principal de l'essai clinique et neurologue de M. Traynor à la clinique SLA de Sunnybrook. Le problème est qu'elle bloque également l'accès au cerveau aux médicaments potentiellement efficaces contre la SLA.

Ouvrir temporairement la barrière hémato-encéphalique pour laisser passer ces médicaments est une solution, a déclaré le Dr Abrahao, soulignant qu'il est essentiel que cette barrière se referme après l'administration du traitement.

Un casque pour remplacer l'IRM

La journée de Bill Traynor a commencé par une perfusion intraveineuse d'immunoglobuline, un traitement par anticorps. Il a également reçu une injection de microbulles.

Les chercheurs ont ensuite placé un casque, inventé par le Dr Kullervo Hynynen, scientifique à Sunnybrook, sur la tête du patient. Ce casque est équipé de 4000 transducteurs qui délivrent des ondes ultrasonores focalisées provoquant la dilatation et la contraction des microbulles dans les petits vaisseaux sanguins d'une zone ciblée. Ces dilatations et contractions ouvrent la barrière hémato-encéphalique à l'endroit précis où les immunoglobulines circulant dans le sang doivent passer.

M. Traynor s'est allongé, la tête casquée, dans un appareil d'IRM afin que l'équipe de recherche puisse voir en temps réel que les ultrasons focalisés ciblaient la bonne partie du cerveau.

Lors de futurs essais, ils espèrent éliminer le recours à l'IRM en personnalisant un casque à ultrasons focalisés adapté au cerveau de chaque patient, dont les points cibles sont prédéfinis et qui rend l'imagerie IRM superflue pendant l'intervention.

«Les IRM sont parfois des ressources limitées. Elles sont également difficiles à utiliser pour les patients. Imaginez rester dans un minuscule tunnel pendant une longue période», a rappelé le Dr Abrahao.

Le patient a parfaitement supporté l'ensemble de l'intervention, se sont réjouis les Drs Abrahao et Zinman. Par la suite, sa barrière hémato-encéphalique s'est refermée comme prévu et il devait sortir de l'hôpital vendredi.

Une maladie mortelle

Les chercheurs ont souligné qu'il s'agissait d'un essai très précoce qui ne débouchera pas sur un traitement contre la SLA. Des essais plus avancés, avec davantage de participants, seront nécessaires. Mais c'est une étape importante, affirment-ils, car elle leur permettra de commencer à tester différents médicaments prometteurs.

Lorne Zinman et Agessandro Abrahao sont constamment rappelés à l'urgence de trouver un médicament. Leur clinique spécialisée dans la SLA prend en charge environ 700 patients. On estime leur survie entre trois et cinq ans après l'apparition des premiers symptômes.

«La SLA est une maladie neurodégénérative horrible, mortelle et incurable, qui entraîne le déclin progressif des motoneurones du cerveau et de la moelle épinière», a expliqué le Dr Zinman. «Malheureusement, nous enregistrons environ trois ou quatre décès par semaine rien que dans notre clinique, et c'est terrible. Des milliers de patients sont morts sous ma surveillance. J'y pense tous les jours et je me rends compte que nous n'avons pas encore eu d'interventions majeures pour changer cela», a-t-il ajouté.

Pour cet essai, ils ont décidé d'utiliser l'immunoglobuline, car elle supprime l'inflammation, a-t-il exposé.

«Nous savons que le système immunitaire n'est pas normal dans la SLA. Nous savons qu'il évolue vers une sorte d'état pro-inflammatoire où le système immunitaire contribue à la destruction de ces motoneurones», a-t-il précisé.

Des chercheurs ont effectivement testé l'immunoglobuline dans les années 1990 comme traitement potentiel de la SLA, mais cela n'a montré aucun effet, a-t-il précisé. Mais l'essai n'a pas été mené à bien, a-t-il pointé, car moins de 0,01 % d'une dose peut traverser la barrière hémato-encéphalique et atteindre le cortex moteur.

Les chercheurs rechercheront des biomarqueurs d'inflammation dans le sang et le liquide céphalorachidien de Bill Traynor afin de déterminer si l'immunoglobuline a eu un effet, a indiqué le Dr Abrahao.

Ils ont averti M. Traynor que cet essai ne devrait pas déboucher sur un quelconque traitement.

Cependant, le patient considère toujours cette étude comme une source d'espoir.

«C'est plutôt excitant d'être un cobaye», a-t-il confié.

Il a expliqué que son premier symptôme est apparu il y a environ 10 mois, alors qu'il marchait dans la rue avec son ex-femme.

«Elle m'a dit: 'Bill, ton pied droit, c'est comme si tu tapais le sol.' Et comme je suis un homme, j'ai répondu: 'Non, ce n'est rien. Ça va passer.'»

«Ça n'a pas disparu», a-t-il poursuivi, précisant qu'il utilise désormais des cannes pour marcher.

Recevoir un diagnostic de SLA a été perçu comme une «condamnation à mort», a raconté M. Traynor. Mais il est déterminé à poursuivre sa vie active et à ne pas abandonner. «Je suis de ceux qui sont super positifs.»

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La couverture médicale de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La PC est seule responsable de ce contenu.

Nicole Ireland, La Presse Canadienne

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