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Des experts s'interrogent sur l'augmentation des quotas de morue à T.-N.-L

durée 17h27
19 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

ST. JOHN'S — Les scientifiques se disent surpris et «perplexes» par la décision prise mercredi par le ministre fédéral des Pêches de plus que doubler les prises de la pêche à la morue du Nord cette année à Terre-Neuve-et-Labrador.

Noel Cadigan a modélisé le stock de morue du Nord pendant des années en tant que scientifique à Pêches et Océans Canada. Il a déclaré que la décision d'augmenter les limites de prises cette année ne concorde pas avec l'approche de gestion de précaution que le ministère dit avoir adoptée pour le stock.

«Il n'est pas facile de réduire à nouveau ces quotas, a affirmé jeudi le professeur agrégé du Marine Institute de l'Université Memorial. Il faut s'assurer que ces augmentations seront durables à moyen terme.»

«Je n'en vois aucune preuve», a-t-il ajouté.

La ministre fédérale des Pêches, Joanne Thompson, a annoncé mercredi que le total autorisé des captures pour la pêche commerciale à la morue du Nord au large de la côte est de Terre-Neuve-et-Labrador serait de 38 000 tonnes cette année. Ce chiffre représente une augmentation par rapport aux 18 000 tonnes de 2024.

Pendant des siècles, la pêche à la morue du Nord a été l'épine dorsale du secteur de la pêche et de l'économie rurale de Terre-Neuve-et-Labrador. Mais le stock a commencé à s'effondrer et, en 1992, le gouvernement fédéral a imposé un moratoire sur la pêche.

Cette décision a entraîné l'un des plus importants licenciements massifs de l'histoire du Canada.

Ottawa a levé ce moratoire de 32 ans l'an dernier, suscitant les critiques de certains scientifiques qui affirment que le stock tente encore de se reconstituer.

L'évaluation du stock de morue du Nord réalisée par le ministère des Pêches plus tôt cette année était beaucoup plus optimiste que la précédente. Elle comprenait des estimations révisées de la taille du stock et du seuil à partir duquel il aurait du mal à survivre.

La probabilité que le stock dépasse ce seuil est supérieure à 99 %, a-t-il indiqué. Le ministère n'a pas encore déterminé le seuil à partir duquel le stock serait considéré comme sain.

Si le stock se situe entre les deux seuils, celui de la difficulté et celui de la santé, il est considéré comme étant dans la zone de «prudence». M. Cadigan a souligné que, selon les directives du ministère, «la pêche doit être progressivement réduite» sur les stocks de cette zone.

L'évaluation indiquait également un risque modéré à modérément élevé de déclin du stock au cours des prochaines années, même en l'absence de pêche. M. Cadigan a ajouté que la ministre Thompson semblait parier sur l'impossibilité de cette éventualité.

Tyler Eddy, chercheur au Marine Institute, a indiqué que l'évaluation prévoyait également que, si les niveaux de pêche doublaient cette année, il n'y avait que 4 % de chance que le stock retombe sous le seuil de menace d'ici 2026.

Mais M. Cadigan a insisté sur le fait qu'il fallait éviter ce précipice à tout prix.

«Il s'agit d'un faible risque de catastrophe», a-t-il souligné.

Sherrylynn Rowe, également chercheuse au Marine Institute, a indiqué que les données de la dernière évaluation des stocks rendaient la décision de Mme Thompson surprenante. Le communiqué de presse du ministère des Pêches publié mercredi indiquait que le stock était stable depuis 2017. Mme Rowe a également précisé que cela signifiait qu'il n'avait pas connu de croissance significative.

Elle a toutefois indiqué que les responsables subissent de fortes pressions de la part de l'industrie locale de la pêche pour augmenter les quotas et les prises. De ce point de vue, la décision du ministre n'est pas aussi choquante, a-t-elle ajouté.

«C'est un défi au Canada, a-t-elle déclaré en entrevue. Au sein du ministère des Pêches, le mandat est double: protéger les océans et les stocks de poissons, mais aussi promouvoir les pêches (…) La pondération des différents objectifs n'est pas toujours claire lorsqu'il prend ce type de décision.»

Sarah Smellie, La Presse Canadienne

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