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Gilbert Rozon est incertain quant aux thérapies qu'il dit avoir suivies

durée 13h44
7 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Quelques dizaines de manifestantes se sont présentées tôt lundi matin devant le palais de justice Montréal pour dénoncer Gilbert Rozon, dont le contre-interrogatoire reprenait en marge de son procès au civil.

Neuf femmes poursuivent l’ex-magnat déchu de l’humour pour près 14 millions $, alléguant avoir été agressées sexuellement par le défendeur.

L’avocat des demanderesses, Me Bruce Johnston, est revenu sur une entrevue accordée à Josélito Michaud au cours de laquelle il a été longuement question de l’agression sexuelle d’une jeune croupière lors d’une fête au Manoir Rouville Campbell en 1998, agression pour laquelle il avait reconnu sa culpabilité à l’époque.

«Nuance» entre la parole et l'intention

Durant l’entrevue avec Josélito Michaud en 2011, Gilbert Rozon a dit: «Je paie pour celle-là, mais j’aurais pu payer pour bien d’autres avant ça.» Devant la juge Chantal Tremblay, il a maintenu qu’il faisait référence à des épisodes de conduite en état d’ébriété et qu’il n’avait d’aucune façon admis avoir commis de tels gestes. Depuis le début du procès, M. Rozon a répété à quelques reprises qu’il n’avait pas commis cette agression, que la jeune femme était consentante et qu’il avait plaidé coupable sous la pression de sa famille pour sauver l’entreprise Juste pour rire.

«Il y a une nuance entre ce que j’ai dit et ce que j’avais l’intention de dire. (…) Je n’étais pas coupable de cette infraction-là, mais j’ai fait d’autres conneries», a-t-il soutenu.

«Je ne suis pas un agresseur, je déteste la violence», a répété le témoin plus d’une fois, réaffirmant comme il l’avait fait plus tôt qu’il avait plaidé coupable dans le cadre d’un arrangement. «Me faire dire plus que ça c’est un jeu pour aller chercher des choses qui n’existent pas», a-t-il reproché à l’avocat des demanderesses.

Thérapie(s) ou pas?

Me Johnston a soulevé le fait qu’il avait déclaré à Josélito Michaud avoir suivi une thérapie durant cinq ans, alors qu’il a dit ne pas avoir suivi de thérapie lors des interrogatoires préalables. «J’ai vu des psy à plusieurs reprises pour essayer de comprendre ce besoin d’affection, de séduction, mais surtout pour passer au travers ma séparation», a-t-il alors avancé.

«J’ai peut-être dit que je faisais de l’auto-thérapie», a tenté d’avancer Gilbert Rozon qui, lorsque poussé plus à fond, a dit ne se souvenir d’aucun nom de thérapeute. «Mon plus grand thérapeute, je vais vous dire, ç’a été Pierre Marc Johnson», a affirmé le témoin, qualifiant l’ancien premier ministre de confident.

Il a aussi évoqué des curés sans les nommer, des chanoines, précisant qu’un chanoine dont il ne souvient plus du nom était «la personne qui m’a le plus aidé».

«Faux à 100 %»

Me Johnston l’a ensuite amené à s’expliquer sur un article publié dans La Presse en février 2018 où il est fait état d’un souper de tournée à Québec et d’une nuit mouvementée dans un hôtel de la Vieille Capitale. Dans cet article, un comédien raconte, sous le couvert de l’anonymat, que Gilbert Rozon s’est présenté à la porte de sa chambre, nu, avec une serviette sur l’épaule, disant vouloir le sodomiser et réclamant une fellation.

Auparavant, durant le souper, il aurait été, selon le même article qui cite, à ce sujet, la comédienne Dominique Pétin, «odieux avec le personnel du restaurant», se comportant comme «un grossier personnage».

«Tout ce qui est écrit là est faux à 100 %», a répondu M. Rozon. Sur le fait de se promener nu dans le corridor de l’hôtel, il réplique qu’«à un moment donné, il faut que ça fasse un peu de sens». Quant aux propos tenus à l’endroit du comédien – à qui il a maintes fois reproché son anonymat – il a affirmé «je n’ai jamais dit ça, je ne suis pas un homosexuel. Je ne parle pas comme ça, surtout après 1998 (NDLR, l’affaire du Manoir Rouville-Campbell), j’étais gêné. Une comédienne me draguait, je rougissais, je ne la regardais pas directement.»

Il a dit voir dans le mouvement #metoo une «espèce de guerre des femmes contre les hommes que je ne comprends pas du tout. J’étais un symbole», une affirmation qui est revenue à quelques reprises depuis qu’il témoigne.

Depuis le début de son témoignage, le fondateur de Juste pour rire a souvent affirmé que la notion de consentement a évolué au point où aujourd’hui, «oui ça ne veut pas nécessairement dire oui, s’il n’y a pas un document écrit, une vidéo» pour le prouver.

Les neuf poursuivantes sont Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charrette, Annick Charrette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy. Une première demande d’autorisation d’action collective contre l’homme d’affaires, déposée en 2017 par un groupe de femmes surnommé Les Courageuses, fut d’abord accueillie en première instance en 2018 puis rejetée en appel en 2020.

Parallèlement, 14 femmes avaient porté plainte à la police, mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’avait retenu que celle d’Annick Charrette. Gilbert Rozon a été acquitté en 2020 sur la base du doute raisonnable.

Patricia Tulasne, qui agissait comme porte-parole des Courageuses, a été la première à déposer une poursuite civile contre M. Rozon en avril 2021. Les huit autres femmes ont suivi et l’ensemble des poursuites ont été regroupées pour mener au procès qui s’est ouvert en décembre dernier et qui a été interrompu à maintes reprises en raison de débats sur des questions de droit.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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