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Gilbert Rozon estime qu'il aurait dû simplement faire des chèques aux demanderesses

durée 18h42
9 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — «Je considère que ma vie est finie, moi. Ce qui est arrivé depuis huit ans, j'ai perdu l'entreprise de mes rêves. Mes employés ont été mis à la porte. Tous les gens qui avaient travaillé 30-40 ans à Juste pour rire. Juste pour rire n'était plus ce que c'était.»

C’est un Gilbert Rozon exaspéré qui a vidé son sac à la sortie du tribunal, mercredi, alors que son témoignage, qui s’est étendu sur une dizaine de journées plus ou moins complètes devant la juge Chantal Tremblay, a été mis sur pause bien qu’il soit presque complété.

Le magnat déchu de l’humour est poursuivi au civil pour près de 14 millions $ par neuf femmes qui allèguent qu’il les a agressées sexuellement.

«Fais un chèque»

Ces allégations, soulevées il y a près de huit ans, en octobre 2017 à la suite d’une enquête du Devoir et du 98,5 FM, ont visiblement usé l’homme d’affaires qui estime maintenant qu’il aurait été préférable de sortir son chéquier et de régler hors cour même s’il répète avec insistance depuis le début qu’il n’a rien à se reprocher.

«Moi, j'ai fait mon job. Je suis venu me défendre. J'aurais pu faire des chèques il y a huit ans. Je ne l'ai pas fait. Mais je vais vous le dire, vous l'avez noté, je le regrette. J'aurais été plus intelligent.

«Vaut mieux, sincèrement, si quelqu'un m'appelle demain matin, qui me menace, mais que ce n'est pas vrai, ce n'est jamais arrivé et que j'ai toutes les preuves, non, non, fais un chèque, fais un chèque. Ne va pas à la cour, tu vas tout perdre», a-t-il laissé tomber avec amertume.

«Est-ce qu'on va me redonner Juste pour rire? Est- ce qu'on va me redonner le droit de travailler? Est- ce qu'on va réengager les gens qui ont été foutus à la porte?»

L'argent et la cause

Après un autre après-midi où, cette fois, c’était au tour du Procureur général du Québec représenté par Me Michel Déom de remettre en question de nombreuses affirmations du témoin, Gilbert Rozon a attaqué les demanderesses, réaffirmant comme il le fait depuis le début qu’elles se sont regroupées pour obtenir de l’argent et faire avancer la cause féministe.

«Je considère que je suis devenu un symbole, a-t-il de nouveau affirmé. Je ne suis pas anti-#metoo, je ne suis pas anti-femmes. Je me suis entouré toute ma vie de femmes fortes et intelligentes. Et tout à coup, on fait de moi le gars qui serait contre #metoo? Je ne me suis pas contre #metoo.»

Il a également reproché aux journalistes ne pas avoir fait le travail d’enquête nécessaire qui aurait permis de démontrer son innocence. De plus, il n’apprécie guère que certains journalistes ne fassent pas la différence entre une cause civile et criminelle. «Quand vous arrivez au civil, au lieu d'employer le terme défenseur, et dans mon cas demandeur aussi, parce que j'ai des demandes, on emploie le terme accusé, victime, comme si de rien n'était, on n'est pas là», a-t-il rappelé aux représentants des médias massés autour de lui.

«Le fait d'être acquitté, est-ce que ça veut dire quelque chose pour vous? J'ai été acquitté», a-t-il martelé en référence au fait qu’un seul des dossiers l’impliquant, celui d’Annick Charrette, s’étaient rendu jusqu’à des accusations criminelles dont il avait été acquitté sur la base du doute raisonnable.

«Pression médiatique colossale»

Gilbert Rozon se dit confiant pour la suite des choses, mais il estime que la juge Tremblay a «une pression médiatique colossale sur les épaules. Je n'aimerais franchement pas être à sa place, je le dis avec beaucoup de sincérité. Ce n'est pas facile ce qu'elle a à rendre, parce qu'il y a tout le mouvement #metoo, les mouvements féministes, la pression médiatique.»

La cause fera relâche pour l’été et reprendra ses activités au mois d’août.

Les neuf poursuivantes sont Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charrette, Annick Charrette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy. Une première demande d’autorisation d’action collective contre l’homme d’affaires, déposée en 2017 par un groupe de femmes surnommé Les Courageuses, fut d’abord accueillie en première instance en 2018 puis rejetée en appel en 2020.

Parallèlement, 14 femmes avaient porté plainte à la police, mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’avait retenu que celle d’Annick Charrette. Gilbert Rozon a été acquitté en 2020 sur la base du doute raisonnable.

Patricia Tulasne, qui agissait comme porte-parole des Courageuses, a été la première à déposer une poursuite civile contre M. Rozon en avril 2021. Les huit autres femmes ont suivi et l’ensemble des poursuites ont été regroupées pour mener au procès qui s’est ouvert en décembre dernier et qui a été interrompu à maintes reprises en raison de débats sur des questions de droit.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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