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Il faut mieux former les policiers sur la violence conjugale, recommande un coroner

durée 15h59
17 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Un rapport du Bureau du coroner du Québec soulève des doutes quant à la capacité des policiers à reconnaître des indices de contrôle coercitif en matière de violence conjugale dans le cas d'un homme qui a tué ses jumeaux de trois ans peu après son arrestation, puis sa libération, pour harcèlement présumé de son ex-conjointe.

Le coroner André Cantin affirme qu'Ian Lamontagne a fait preuve d'un contrôle coercitif envers la mère des enfants avant de tuer les jeunes garçons, puis de se suicider en août 2023.

«Il traquait la mère des enfants, se présentait chez elle, lui envoyait de façon répétée des messages texte et des appels fréquents», a écrit le coroner dans un rapport publié lundi soir.

Lamontagne a été arrêté devant le domicile de la femme en août 2023 pour harcèlement criminel, puis libéré sous promesse de comparaître en cour à une date ultérieure. Le rapport ne mentionne pas le dépôt d'accusations. Environ deux jours plus tard, Lamontagne a utilisé de l'hélium pour étouffer Antoine et Tristan Lamontagne, âgés de trois ans, à son domicile de Notre-Dame-des-Prairies, au Québec, au nord de Montréal.

Les tentatives répétées d'un agresseur potentiel de contrôler un partenaire ou un ex-partenaire constituent des facteurs de risque de violence conjugale et d'homicide, a souligné le coroner dans son rapport. Il s'est également demandé si un médiateur ayant conseillé la famille ou la police ayant répondu à la plainte de la mère auraient pu déceler ces signes.

«L'ensemble de tous les éléments énoncés dans la plainte pour harcèlement criminel en contexte de violence conjugale portée par la mère des enfants constituait des facteurs de risque importants, a-t-il mentionné. Les policiers pouvaient considérer ces facteurs de risque pour mieux évaluer la dangerosité de la situation et édicter des conditions plus contraignantes pour assurer un filet de sécurité pour les enfants.»

Les rapports du coroner n'attribuent pas de blâme ; ils formulent plutôt des recommandations visant à prévenir de futures tragédies.

Des facteurs de risque présents

Un expert en violence conjugale a déclaré à La Presse Canadienne après le décès des jumeaux qu'il existe plusieurs facteurs de risque d'homicide conjugal : la séparation du couple ; l'escalade de la violence ; l'expression de la peur ; et un partenaire présentant des signes de dépression, des idées suicidaires ou un comportement obsessif.

Le rapport de M. Cantin indiquait que Lamontagne avait été traité pour trouble dépressif et anxiété généralisée, et qu'il avait tenté de se suicider en 2018 et 2022. Le rapport indiquait également que Lamontagne et sa conjointe s'étaient séparés à plusieurs reprises avant de se séparer définitivement en février 2023.

Après la séparation, Lamontagne appelait et envoyait des textos à son ex-conjointe, lui disant qu'il savait où elle se trouvait, selon le rapport. Elle a ensuite trouvé un téléphone caché dans sa voiture.

La mère a appelé la police le 24 août après que ses voisins ont signalé avoir vu Lamontagne circuler régulièrement en voiture autour de son immeuble. Les policiers, arrivés sur les lieux pour prendre la déclaration de la mère, ont constaté que Lamontagne était revenu dans la cour de l'immeuble et l'ont arrêté. Il a été libéré à la condition de ne pas contacter son ex-conjointe, sauf pour l'échange de la garde de ses jumeaux.

Le lendemain soir, il a appelé pour souhaiter bonne nuit à ses enfants. La mère des jumeaux a accepté l'appel, mais a ensuite contacté la police après qu'il eut tenu des propos inappropriés. Les policiers lui ont ensuite dit qu'ils avaient appelé Lamontagne pour lui rappeler des conditions apparaissant à la plainte formulée contre lui.

Plus tard dans la soirée, le coroner a rapporté que Lamontagne avait demandé à un voisin de lui prêter une arme à feu, car il disait craindre pour sa sécurité. Le voisin avait refusé. C'était la dernière fois que Lamontagne a été vu vivant.

Tristan et Antoine Lamontagne ont été retrouvés morts sur un lit le lendemain, le 26 août, sous une tente recouverte d'un grand sac en plastique attaché à un tuyau relié à une bonbonne d'hélium. Leur décès a été qualifié d'homicide.

Ian Lamontagne a été retrouvé mort sur les lieux, et son décès a été qualifié de suicide.

André Cantin affirme que le ministère de la Sécurité publique de la province ainsi que l'École nationale de police du Québec devraient veiller à ce que les policiers actuels et futurs reçoivent une formation plus poussée sur la façon de reconnaître les situations potentiellement dangereuses au sein des familles. Ceux-ci devraient bénéficier d'une journée d'actualisation en matière de violence familiale, a-t-il ajouté.

De plus, il a suggéré au ministère de la Justice d'élaborer un protocole permettant aux médiateurs de mettre fin aux séances de médiation lorsqu'ils constatent un contrôle coercitif et de recommander aux victimes potentielles de se tourner vers les ressources appropriées.

Morgan Lowrie, La Presse Canadienne

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