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L'histoire «tragique» de l'ancien maire Rob Ford racontée dans un documentaire

durée 08h01
16 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

Shianne Brown, originaire de London, se souvient encore de son incrédulité lorsqu'elle a appris, à l'autre bout du monde, que le maire de Toronto, Rob Ford, avait été filmé en train de fumer du crack.

«Que diable se passe-t-il à Toronto? C'est fou», avait pensé la cinéaste lorsque la nouvelle a éclaté en 2013.

Le défunt maire est rapidement devenu une vedette internationale, d'abord pour l'accusation choc qu'il a finalement admise, puis pour la série de scandales qui a suivi, notamment des allégations d'ivresse sur la voie publique et d'avoir renversé physiquement un conseiller municipal.

Plus de dix ans plus tard, Brown est la réalisatrice de «Trainwreck: Mayor of Mayhem», un nouveau documentaire de Netflix retraçant l'ascension au pouvoir de Ford et son mandat chaotique.

L'épisode, disponible mardi, fait partie de la série «Trainwreck» du service de diffusion en continu qui, selon une description, examine «certains des événements les plus désastreux jamais médiatisés».

«Je voulais vraiment m'inspirer de l'être humain qu'est Rob Ford, et non de la manchette politique qu'il incarne», a expliqué Brown lors d'un appel vidéo depuis London.

«Il y a un aspect de cette histoire où l'on aborde le scandale à bras le corps, mais cela ne semble pas rendre justice à l'histoire ni à Rob Ford, à ses nombreux partisans, à ses amis et à sa famille.»

Brown a demandé au frère de Ford, le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, de participer au film, mais celui-ci a «gentiment décliné».

«C'est une histoire tellement tragique en raison de la façon dont il est mort, et il faut absolument respecter les souhaits de la famille, surtout avec un projet comme celui-ci, où l'on aborde les scandales et le côté difficile de l'histoire», explique Brown. Ford est décédé d'un cancer en 2016 à l'âge de 46 ans.

S'adresser aux exclus

Le film mêle des images d'archives et des entrevues – avec des journalistes locaux, notamment Robyn Doolittle, et des proches de Ford, dont son ancien chauffeur Jerry Agyemang – pour retracer la vague populiste qui a porté Ford au pouvoir en 2010 et le démantèlement public qui l'a rendu tristement célèbre.

Brown a découvert que Ford – qui s'est bâti une base électorale majoritairement suburbaine grâce à son programme contre l'ordre établi et axé sur les réductions d'impôts – avait le don de «renforcer les exclus».

«Il était souvent celui qui s'adressait aux femmes de ménage, aux concierges, à ceux qui font vivre nos vies, mais qui n'obtenaient pas toujours un remerciement de la part de tous.»

Elle affirme que la rhétorique de Ford, qui défendait «le peuple» contre les «élites des quartiers populaires», résonne aujourd'hui, témoignant d'une évolution mondiale plus large dans la manière dont le pouvoir est conquis.

«C'est l'histoire d'un outsider. Je pense que nous l'avons constaté lors d'élections partout dans le monde», dit-elle, évoquant le référendum sur le Brexit au Royaume-Uni et la première élection présidentielle de Donald Trump aux États-Unis, deux événements initialement considérés comme improbables par beaucoup.

«Il faut écouter son entourage, pas seulement sa propre chambre d'écho, et comprendre les enjeux qui ont des effets sur tout le monde, pas seulement son propre microcosme (…) Je pense que l'histoire de Rob Ford nous ramène à 2025: cette idée d'écouter ceux qui se sentent exclus, marginalisés et ignorés.»

Relations hostiles avec les journalistes

Si certains politiciens privilégient la stratégie du «diviser pour mieux régner», explique Brown, «j'ai senti que Rob Ford n'était pas forcément quelqu'un de malveillant ou de vindicatif. Il semblait plutôt vouloir aider les gens, mais la moitié de la ville n'était tout simplement pas d'accord avec ses idées politiques.»

Parallèlement, Ford était «assez hostile envers les gens. Il s'en prenait aux médias», a-t-elle expliqué.

Le film illustre les relations souvent hostiles de Ford avec les journalistes locaux, le montrant s'en prendre sans cesse à ceux qu'il considérait comme des adversaires.

«Je pense que s'il avait simplement admis (avoir fumé du crack) dès le départ, cela aurait vraiment aidé sa cause. Les échanges incessants avec les médias, les traitant de menteurs – s'attaquer à un pouvoir aussi puissant que les médias – sont assez difficiles, et je pense que c'est en partie là qu'il a commis une erreur.»

Un homme en difficulté

Brown explique que plus elle creusait l'histoire, plus elle constatait à quelle fréquence les caméras filmaient Ford en train de sombrer dans un cycle de toxicomanie. Les vidéos virales de son comportement public étrange en faisaient une proie facile pour les émissions de fin de soirée de la télévision américaine. Il est même apparu comme invité dans «Jimmy Kimmel Live !» au milieu du scandale sur sa consommation de crack.

«Il s'agissait d'un homme aux prises avec une dépendance sur la place publique. C'est une maladie. Je voulais vraiment que l'on perçoive cet homme en difficulté et confronté aux médias au quotidien», a-t-elle souligné.

«Si cela devait arriver aujourd'hui, le résultat serait-il le même? Les médias réagiraient-ils de la même manière? (Ford vivait) une période charnière où les discussions sur la santé mentale n'étaient pas aussi répandues qu'aujourd'hui», a-t-elle indiqué.

Brown espère que le film amènera le public à réfléchir aux circonstances qui ont mené à la désormais célèbre vidéo sur la consommation de crack.

«Il faut réfléchir à sa situation à ce moment-là. Comment s'est-il retrouvé dans cette situation, avec des gens qui ne sont pas forcément ses amis? Qu'est-ce qui l'a conduit à ce moment-là?», a-t-elle affirmé.

«Ce n'est pas à nous de juger, et je raconte évidemment cette histoire, mais j'espère simplement que cela amènera les gens à réfléchir différemment à qui il était et à ce qui lui est arrivé.»

Alex Nino Gheciu, La Presse Canadienne

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