L'Ontario adopte une loi controversée visant à accélérer les projets miniers


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Par La Presse Canadienne, 2024
TORONTO — Le gouvernement du premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, s'est donné le pouvoir de suspendre les lois provinciales et municipales pour certains projets dans des zones qu'il juge importantes sur le plan économique.
Mercredi après-midi, la province a adopté le projet de loi 5, la Loi de 2025 pour protéger l’Ontario en libérant son économie, qui a suscité une vive colère parmi les Premières Nations.
La province a déclaré que ce projet de loi était nécessaire pour accélérer les grands projets, notamment miniers, face à la guerre commerciale menée par le président américain, Donald Trump.
Les huées de dizaines de membres des Premières Nations ont résonné à l'Assemblée législative lors de l'adoption du projet de loi. M. Ford ne s'est pas présenté au vote final.
Plus tôt dans la journée, M. Ford n'avait pas précisé s'il comptait utiliser la disposition de dérogation pour sauver le projet de loi 5 si celui-ci était contesté et jugé inconstitutionnel devant les tribunaux. Mais il a affirmé qu'il «traverserait le pont» s'il devait en arriver là.
Les Premières Nations estiment que le projet de loi bafoue leurs droits et ignore leurs préoccupations. Elles ont averti qu'elles pourraient bloquer des routes et des voies ferrées en signe de protestation.
Mais M. Ford a rétorqué mercredi que ce ne serait pas «très sage».
«On ne peut pas enfreindre la loi, a pointé M. Ford. C'est aussi simple que ça (…) Ils doivent passer à autre chose, sinon ils seront traités comme il se doit.»
Invité à clarifier ses propos, le premier ministre ontarien a déclaré qu'il ne dirigeait pas la police et que toute application de la loi relèverait de la Police provinciale de l'Ontario ou des services de police locaux.
Le projet de loi propose de créer des «zones économiques spéciales», où le gouvernement pourrait suspendre les lois afin d'accélérer des projets comme les mines.
Doug Ford a évoqué la nécessité d'agir plus rapidement sur les sites miniers, comme le Cercle de feu, dans le nord de l'Ontario, afin de renforcer l'économie de la province, alors qu'elle est attaquée par le président américain, Donald Trump.
Cette mesure fait partie d'un projet de loi omnibus qui apporte une série d'autres modifications, notamment la suppression des protections pour les espèces en voie de disparition et menacées qui, selon des groupes environnementaux et le zoo de Toronto, entraîneraient leur extinction. Les groupes de défense des libertés civiles sont furieux à l'idée de zones de non-droit et les syndicats ont averti que les lois du travail seraient menacées.
Nombreuses critiques
Les agriculteurs, qui soutiennent pourtant largement le gouvernement conservateur, se sont également prononcés contre le projet de loi. La Fédération de l'agriculture de l'Ontario a déclaré que les pouvoirs étendus «pourraient outrepasser les protections vitales des terres et des systèmes agricoles».
Plusieurs dirigeants des Premières Nations ont déclaré mercredi que le gouvernement ne pouvait rien faire pour corriger le projet de loi.
«Je crois qu'il est trop tard», a déclaré la grande cheffe adjointe Anna Betty Achneepineskum de la Nation Nishnawbe Aski, qui représente 49 Premières Nations, dont celles du Cercle de feu.
«Ils n'ont pas reconnu notre demande, nos revendications et notre volonté de repartir à zéro afin que nous puissions être présents en tant que peuple légitime de l'Ontario, signataire des traités.»
Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique de l'Ontario, Sol Mamakwa, qui représente la circonscription de Kiiwetinoong, dans le nord de l'Ontario, où vivent de nombreuses Premières Nations et inclut une partie du Cercle de feu, a déclaré que M. Ford n'était pas à l'écoute de leurs préoccupations.
«Ce n'est pas le Far West», a-t-il lancé, entouré de plusieurs personnes venues de diverses municipalités de sa circonscription.
«Nous sommes ceux qui vivent dans ces communautés, sur ces terres. Il n'y vit pas (…) On ne peut pas voter en imposant des lois à sa façon. Ce sont eux qui empêcheront ce bulldozer d'avancer vers le nord.»
Le gouvernement Ford a accéléré l'étude du projet de loi et limité le débat en troisième lecture. Alors que les partis d'opposition ont tenté de bloquer le projet de loi à l'étape du comité, celui-ci est revenu à l'Assemblée législative mercredi après-midi pour la troisième lecture et le vote final.
En réponse à la réaction croissante, le ministre des Affaires autochtones et de la Réconciliation économique avec les Premières Nations, Greg Rickford, ainsi que le ministre de l’Énergie et des Mines, Stephen Lecce, ont déclaré à la fin du mois dernier que la province modifierait le projet de loi 5 afin d'y inclure explicitement des dispositions sur l'obligation de consulter.
Cet amendement n'a finalement pas été retenu en raison des tactiques employées par les libéraux en comité.
Le premier ministre Ford a déploré que les partis d'opposition aient voulu «faire traîner les choses», mais que son gouvernement consultera les Premières Nations au cours des prochains mois.
«En ce qui concerne l'obligation de consulter, qui est très importante — et nous allons la respecter —, si elles ont un partenariat équitable, cela avance à toute vitesse», a-t-il déclaré.
Liam Casey et Allison Jones, La Presse Canadienne