L'Ontario envisage de réduire la durée de la formation des enseignants


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Par La Presse Canadienne, 2024
TORONTO — Le gouvernement de l'Ontario envisage de réduire la durée de la formation des enseignants afin de remédier à la pénurie croissante d'éducateurs, selon des documents obtenus par La Presse Canadienne.
Une demande d'accès à l'information sur l'offre et la demande d'enseignants a mené à l'obtention de recherches et d'analyses juridictionnelles réalisées par le ministère de l'Éducation l'an dernier sur la question de l'offre et de la durée des programmes de formation initiale des enseignants.
Le résumé du document sur la formation des enseignants souligne que des programmes plus longs ne permettent pas de former de meilleurs enseignants.
«Il existe peu de preuves que la quantité de cours en formation initiale à l'enseignement ait une incidence sur l'efficacité des enseignants lorsqu'ils entrent dans la profession», indique le document.
L'expérience réelle en classe, en revanche, semble faire une différence.
«La recherche documentaire montre que les enseignants qui effectuent des stages plus longs se sentent mieux préparés et sont plus susceptibles de rester dans la profession», affirme le document. Les programmes de formation des enseignants de l'Ontario durent généralement deux ans, divisés en quatre semestres, mais cela n'a pas toujours été le cas.
Il y a dix ans, l'Ontario connaissait un surplus d'enseignants, avec un taux de chômage de près de 40 % pour les enseignants durant leur première année d'agrément.
En 2015, le gouvernement libéral de l'époque a porté la formation des enseignants à deux ans au lieu d'un, et les taux d'admission ont chuté, passant de plus de 7600 en 2011 à 4500 en 2021, selon l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario.
Aujourd'hui, le chômage en début de carrière est à des niveaux «statistiquement négligeables», selon l'Ordre, et la pénurie d'enseignants est largement reconnue et devrait s'aggraver.
Le coût, un facteur majeur
D'autres documents ministériels, obtenus précédemment par La Presse Canadienne dans le cadre d'une demande d'accès à l'information distincte, indiquaient que l'écart entre le nombre d'enseignants nécessaires et le nombre d'enseignants disponibles devrait se creuser à partir de 2027.
Une porte-parole du ministre de l'Éducation Paul Calandra a déclaré que son objectif sera d'assurer les meilleurs résultats possibles aux élèves, notamment en matière de dotation en personnel.
«Le ministre est bien conscient des changements apportés par le gouvernement précédent aux programmes de formation des enseignants et a demandé au ministère de lui faire un rapport sur la meilleure façon d'assurer la réussite des élèves», a écrit Justine Teplycky dans une déclaration.
Le Conseil des directeurs de l'Ontario et la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario font partie des groupes qui ont réclamé le retour aux programmes d'un an.
«Nous constatons que le coût est devenu un facteur, un obstacle pour de nombreuses personnes qui souhaitent s'engager sur une telle durée dans le programme», a pointé Karen Brown, présidente de la fédération des enseignants. «Avec un programme de deux ans, on n'apprend pas beaucoup plus… En réalité, les gens se demandent: "À quoi sert la deuxième année?"»
La Fédération, qui défend les intérêts des plus de 160 000 enseignants de la province, a publié l'an dernier un document sur les programmes de formation initiale des enseignants et a préconisé des changements fondés sur des données probantes, à la suite de consultations auprès des enseignants, sans toutefois exiger d'échéancier précis.
«En ce qui concerne la durée du programme, il convient de reconnaître que la durée de son exécution importe moins que l'atteinte des résultats souhaités que chaque enseignant diplômé devrait acquérir, a écrit la Fédération. Cela dit, nous croyons que la durée actuelle des programmes de formation initiale en enseignement de l'Ontario représente un obstacle important pour de nombreuses personnes.»
La Fédération s'est prononcée contre le passage à un programme de deux ans, estimant que trois semestres devraient être dispensés sur une période de 12 mois et inclure 100 jours de stage. Elle a averti que le programme de quatre semestres entraînerait une pénurie d'enseignants, en particulier dans les matières et les régions où les besoins sont élevés.
Dix ans plus tard, le ministère affirme qu'il existe une pénurie d'enseignants, notamment pour les enseignants de français, d'éducation technologique et d'éducation autochtone, ainsi que dans les régions du nord de la province.
Les documents du ministère énumèrent les principaux facteurs, comme une augmentation des inscriptions d'environ 180 000 élèves sur une période indéterminée, des taux de départs à la retraite croissants – environ 7800 enseignants devraient prendre leur retraite d'ici 2030-2031 – et «l'absence de changement immédiat dans la formation des enseignants en Ontario».
Six des 13 provinces et territoires du Canada offrent des programmes de quatre semestres, dont l'Ontario, indique le document. À l'échelle internationale, la fourchette se situe entre deux et quatre semestres.
Panser la pénurie d'enseignants
Toutes les provinces et tous les territoires du Canada, à l'exception des Territoires du Nord-Ouest, connaissent une pénurie d'enseignants, indique le document, et les provinces et territoires ont adopté diverses stratégies pour y remédier. Cela comprend le financement de programmes de bourses, l'augmentation des places en formation des enseignants, la reconnaissance des diplômes étrangers, l'exonération des prêts étudiants, les bourses d'études et la simplification des processus de certification.
Ces dernières années, l'Ontario a autorisé certains candidats à l'enseignement à travailler comme enseignants suppléants pour pallier les pénuries. Cependant, Karen Littlewood, présidente de la Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO), a déclaré que ce n'était pas une solution idéale ni à long terme.
«Nous aurons besoin de beaucoup de personnes pour occuper ces postes, mais elles ne devraient pas être en classe devant les élèves avant la fin de leur formation», a-t-elle insisté.
«Si le programme de formation doit être modifié, il doit l'être, mais nous mettons un pansement sur une solution et demandons à des personnes qui ne sont pas vraiment non qualifiées, mais qui ne le sont pas encore, de venir résoudre le problème, plutôt que de laisser le gouvernement examiner les problèmes en éducation.»
La FEESO et d'autres syndicats d'enseignants affirment depuis des années que les conditions de travail sont une cause de pénurie d'enseignants.
Le président-directeur général du Conseil des universités de l'Ontario a déclaré que les établissements postsecondaires s'efforcent de «comprimer et de simplifier» la formation des enseignants et a suggéré que les universités où les enseignants obtiennent leurs titres de compétences ne souhaitent pas voir leurs programmes raccourcis.
«Les compétences et les connaissances que les enseignants doivent développer pour répondre à l'évolution technologique, aux problèmes sociaux et de santé mentale, et pour favoriser la réussite des étudiants, ne font que devenir plus complexes, et non moins complexes», a écrit Steve Orsini dans un communiqué. «Tout ce qui réduirait la préparation de nos enseignants pourrait nuire à la qualité de l'éducation et à la réussite future des élèves», a-t-il ajouté.
Allison Jones, La Presse Canadienne