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L'utilisation problématique du téléphone intelligent ressemble à une dépendance

durée 13h54
8 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

EDMONTON — La dépendance au cellulaire est un problème émergent, selon un chercheur ayant dirigé une étude mondiale sur les habitudes d'utilisation des téléphones intelligents.

Jay Olson, chercheur postdoctoral au département de psychologie de l'Université de Toronto, a dirigé cette étude en 2023 auprès de plus de 50 000 personnes sur leurs habitudes d'utilisation des cellulaires.

«L'utilisation normale d'un téléphone intelligent devient problématique lorsqu'elle commence à affecter négativement votre vie quotidienne et de différentes manières, a affirmé M. Olson. Cela peut vous rendre déprimé. Cela peut perturber votre sommeil ou votre concentration.»

Certains jeunes adultes présentent des symptômes d'utilisation problématique du cellulaire, a expliqué M. Olson, car ils n'ont jamais connu un monde sans téléphone ou ont passé la majeure partie de leur vie avec ces appareils.

«Les cellulaires intelligents ont commencé à gagner en popularité vers 2009, a-t-il déclaré. De nombreux jeunes du monde entier en ont acquis. Nous commençons donc à comprendre quels pourraient être certains de leurs effets.»

Il est plus difficile pour les générations plus âgées de comprendre l'ampleur du problème et comment l'utilisation du téléphone peut devenir une habitude bien ancrée, a ajouté M. Olson.

«Ils n'ont pas grandi en utilisant les téléphones intelligents et les réseaux sociaux pendant la majeure partie de leur temps libre», a-t-il indiqué.

Anita Hagh n'arrêtait pas d'appuyer sur le coin de l'écran de son téléphone, là où se trouvait l'application Facebook. Il y a environ cinq ans, elle avait supprimé le réseau social de son téléphone.

C'était comme une sorte de mémoire musculaire, dit-elle, après avoir cliqué sur l'application d'innombrables fois pour parcourir des groupes en ligne aléatoires pendant des heures.

Elle s'est rendu compte qu'elle manquait de sommeil en faisant défiler l'écran et a pris la décision difficile de supprimer l'application.

«Après l'avoir supprimée, j'avais vraiment l'impression qu'elle était toujours là, un peu comme un membre fantôme», a déclaré la chercheuse postdoctorale de 28 ans au département d'études intégrées en éducation de l'Université McGill.

Mme Hagh, qui étudie la nature addictive des réseaux sociaux, pense souffrir probablement de ce qu'on appelle une «utilisation problématique du cellulaire», ou dépendance au téléphone.

Un phénomène répandu

Venture Academy, une école privée pour adolescents en difficulté, implantée à Barrie, en Ontario, et à Red Deer, en Alberta, offre des traitements pour des problèmes tels que la «dépendance électronique».

Gary Su, thérapeute clinicien à l'école, a déclaré lors d'une entrevue à Calgary que l'utilisation du téléphone intelligent a complexifié la vie de bon nombre de ses jeunes clients.

«Nous observons un phénomène tout à fait unique, a-t-il déclaré. La situation semble beaucoup plus instable ou plus extrême. Les enfants sont exposés à des choses beaucoup trop tôt pour leur âge. Et c'est plus difficile à retracer, car tout ce qui se passe en ligne est anonyme.»

Il a ajouté que certains élèves utilisent tellement leur téléphone qu'ils ont du mal à socialiser. Certains restent dans leur chambre pendant des heures, occupés à envoyer des textos après l'école, a-t-il ajouté.

M. Su a affirmé que les téléphones empêchent les autres de passer du temps avec leur famille, et que le harcèlement en ligne est devenu monnaie courante.

Certains partagent également des photos et des détails intimes dès leur plus jeune âge, ce qui continue de les hanter des années plus tard en raison de la permanence du monde en ligne, a-t-il indiqué.

«Je vois beaucoup de familles venir me voir simplement à cause d'une dépendance au téléphone ou d'une utilisation problématique du téléphone, a déclaré M. Su. Je compatis avec les parents. La plupart d'entre nous ne sont pas des génies de la technologie.»

Une dépendance encore à définir

L'utilisation problématique du cellulaire n'est pas officiellement classée comme une dépendance dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), l'ouvrage de référence utilisé par les professionnels de la santé mentale du monde entier.

«Il n'y a pas de consensus parmi les chercheurs pour l'instant», a précisé M. Olson, ajoutant que cela s'explique par la nouveauté du problème.

Cependant, il a indiqué qu'il existe un certain consensus sur le fait que l'utilisation problématique du cellulaire présente des similitudes avec différentes dépendances comportementales.

«Souvent, les gens rapportent cette compulsion, comme lorsqu'ils se réveillent, ils doivent consulter leur téléphone immédiatement, a rapporté M. Olson. Ils ne peuvent pas s'en empêcher.»

M. Su a déclaré que certains de ses patients pourraient être classés comme des accros au téléphone.

«La dépendance, c'est quand on fait quelque chose dont on sait qu'il y a des conséquences négatives et qu'on ne peut s'empêcher de l'utiliser», a-t-il affirmé.

«Je vois beaucoup de jeunes avec qui je travaille entrer dans cette catégorie. J'ai tendance à ne pas les étiqueter, car cela ne sert à rien.»

M. Olson a déclaré qu'il faut discuter davantage des habitudes d'utilisation des téléphones intelligents.

L'interdiction des téléphones cellulaires dans les écoles canadiennes est un bon début, a ajouté M. Olson, mais les gouvernements doivent en faire davantage, notamment en imposant des limites d'âge sur les plateformes de médias sociaux.

«Je pense certainement que c'est un facteur important du déclin de la santé mentale que nous constatons», a-t-il soutenu.

Mme Hagh a indiqué qu'elle surveille ses habitudes d'utilisation des téléphones intelligents, car elle est toujours présente sur les médias sociaux pour ses recherches.

«C'est très addictif. Ces plateformes ont été optimisées pour capter un maximum d'attention et sans doute même créer une dépendance», a-t-elle dit.

Fakiha Baig, La Presse Canadienne

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