La cheffe de l'APN demande le retour rapide du projet de loi sur l'eau potable


Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Les parlementaires «joueront avec la vie des enfants des Premières Nations» s'ils ne présentent et n'adoptent pas rapidement une loi garantissant l'accès à l'eau potable pour les Premières Nations, a déclaré lundi la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations (APN).
Alors qu'ils étaient encore sous la direction du premier ministre Justin Trudeau, les libéraux ont proposé une loi qui aurait garanti le droit à l'eau potable des Premières Nations, mais celle-ci n'a pas été adoptée avant la prorogation du Parlement et le déclenchement d'élections fédérales.
«Chaque député canadien qui siégera à la Chambre a l'obligation de penser à tous les enfants de ce pays, et honte à ceux qui ont fait semblant, qui ont fait pression sur les autres, se sont renvoyé la balle et se sont blâmés mutuellement, même pendant les élections», a déclaré la cheffe nationale, Cindy Woodhouse Nepinak, lors d'une conférence de presse, lundi. «Vous aviez tous une obligation. Vous avez tous eu l'occasion de soutenir cela.»
Après une longue étude du projet de loi en comité et un débat incessant qui a paralysé le gouvernement pendant des mois, les libéraux ont tenté de le renvoyer au Sénat par une motion de consentement unanime, mais celle-ci a été rejetée par les conservateurs.
Les conservateurs ont ensuite présenté la même motion, mais y ont ajouté un libellé condamnant les actions des libéraux dans ce dossier. Cette motion a également été rejetée et le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque Justin Trudeau a prorogé le gouvernement en janvier.
Engagement de Carney
Le premier ministre Mark Carney a indiqué que son gouvernement présenterait à nouveau le projet de loi, connu lors de la dernière législature sous le nom de projet de loi C-61, après avoir discuté avec les communautés autochtones. Mme Woodhouse Nepinak a prévenu M. Carney qu'elle lui ferait tenir cette promesse.
La cheffe de l'APN a fait ses commentaires lundi aux côtés d'autres dirigeants des Premières Nations, qui ont exposé leurs attentes pour les 100 premiers jours du nouveau gouvernement.
Ils ont déclaré que les Premières Nations doivent avoir leur mot à dire alors que le Canada s'efforce de développer son économie, en pleine tension commerciale avec les États-Unis. Ils ont aussi souligné le fait que certains électeurs de l'Ouest canadien flirtent avec un mouvement souverainiste.
«Plus de 560 milliards $ de projets sont prévus sur nos terres traditionnelles au cours de la prochaine décennie. Les bénéfices potentiels se chiffrent en milliers de milliards de dollars, a rappelé Cindy Woodhouse Nepinak. Mais ils ne progresseront pas sans le soutien des Premières Nations.»
En réponse au projet de loi présenté par la première ministre de l'Alberta, Danielle Smith, qui faciliterait la tenue de référendums sur divers sujets, dont la séparation de la province avec Canada, Mme Woodhouse Nepinak a avancé que le gouvernement fédéral devrait entreprendre une révision constitutionnelle de l'Accord sur le transfert des ressources naturelles, signé en 1930.
Elle a affirmé que cet accord viole les traités et les protections des peuples autochtones, qui sont maintenant inclus dans la Constitution, mais qui n'ont pas été pris en compte lors des négociations du gouvernement fédéral avec les trois provinces des Prairies. Elle a ajouté que l'imposition «unilatérale» de cet accord porte atteinte à ces droits et à ces traités.
«Il est temps de démontrer au monde que nous pouvons gagner en étant inclusifs et en respectant les droits et les traités», a fait valoir la cheffe de l'APN.
Police et protection de l'enfance
Le chef Gerald Toney, de la Première Nation d'Annapolis Valley, en Nouvelle-Écosse, a dit souhaiter des changements dans le fonctionnement de Pêches et Océans Canada sur son territoire. Il a appelé le gouvernement à honorer son engagement d'examiner un incident survenu au début de l'année dernière, lorsque deux pêcheurs micmacs ont été détenus puis relâchés loin de chez eux par des températures glaciales, sans vêtements adéquats ni téléphone portable.
Justin Trudeau avait également promis que son gouvernement présenterait une nouvelle loi sur les services de police des Premières Nations en 2020, après des années d'appels de la part des dirigeants autochtones. Le projet de loi n'a jamais vu le jour, malgré les déclarations publiques répétées des ministres concernant son dépôt imminent.
Cindy Woodhouse Nepinak a indiqué que les chefs étaient unis dans leur appel à faire avancer ce projet de loi et à réformer le système de protection de l'enfance «raciste».
Mark Carney a affirmé qu'il remettrait sur la table un accord de 47,8 milliards $ pour réformer le système de protection de l'enfance des Premières Nations – un accord que les chefs ont rejeté à deux reprises après une bataille judiciaire de plusieurs décennies qui a conclu que le Canada pratiquait une discrimination envers les enfants des Premières Nations.
La cheffe nationale de l'APN a également souligné le déficit croissant en matière d'infrastructures dans les communautés autochtones, dont la correction, selon l'APN, coûtera 350 milliards $ et que Justin Trudeau s'était engagé à combler d'ici 2030. Les niveaux d'investissement actuels ne manqueront pas de repousser cette échéance.
«Pour propulser ce pays au premier rang des pays du G7, il doit investir dans les Premières Nations, a fait valoir Mme Woodhouse Nepinak. Nous ne pouvons pas laisser tomber.»
Alessia Passafiume, La Presse Canadienne