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La Nouvelle-Écosse poursuit le fédéral en justice pour qu'il protège un isthme vital

durée 18h26
20 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

HALIFAX — Le gouvernement néo-écossais a soutenu mardi devant le tribunal qu'Ottawa est seul responsable des infrastructures qui protègent la bande de terre basse reliant la province au Nouveau-Brunswick.

La Nouvelle-Écosse affirme que le gouvernement fédéral devrait assumer la totalité des coûts de la modernisation des digues centenaires qui protègent l'isthme de Chignecto des inondations, un projet estimé à 650 millions $.

Ottawa a accepté de ne payer que la moitié de la facture. Dans un communiqué publié dans la journée, le ministère du Logement, des Infrastructures et des Collectivités du Canada mentionne que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse s’engageaient à verser 162,5 millions $ chacun, soit un total de 325 millions $ pour soutenir le projet.

Le fédéral soutient que les digues servent depuis longtemps à protéger les terres agricoles, ce qui signifie qu'elles sont couvertes par un article de la Constitution qui stipule que l'agriculture est une responsabilité partagée par les deux ordres de gouvernement.

Un avocat du gouvernement provincial a toutefois déclaré mardi à la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse que le vaste réseau de digues protège bien plus que des terres agricoles. Daniel Boyle a pointé que le pont terrestre comprend désormais une ligne du Canadien National, la route Transcanadienne, des câbles à fibres optiques enfouis et des lignes électriques aériennes.

L'avocat a aussi expliqué au comité de trois juges que les digues protègent les liens commerciaux et de communication interprovinciaux, qui relèvent exclusivement de la compétence fédérale. Il a ajouté que le gouvernement fédéral a l'obligation de protéger ces liens, de plus en plus menacés par les inondations causées par des tempêtes violentes et fréquentes et par la montée du niveau de la mer.

Daniel Boyle, qui représente le procureur général de la Nouvelle-Écosse, a également souligné qu'un tronçon de trois kilomètres de la voie ferrée fait partie du vaste réseau de digues, construites par des agriculteurs acadiens dans les années 1600. On compte aujourd'hui environ 35 kilomètres de digues qui contribuent à protéger les routes, les voies ferrées, les fermes et les collectivités.

«Une inondation pourrait séparer la Nouvelle-Écosse du reste du Canada», a-t-il averti.

Michael Wood, juge en chef de la Nouvelle-Écosse, a souligné que l'agriculture n'avait pas disparu de la région, ce qui, selon lui, soulevait des questions sur le partage des compétences. Mais Me Boyle a affirmé que les digues avaient une «importance beaucoup plus vaste», soulignant que la province ne pouvait agir seule pour protéger ce qui est devenu un «corridor commercial» essentiel, confronté à de graves risques.

L'avocat a souligné qu'une onde de tempête de huit mètres déborderait les digues et submergerait l'autoroute et la voie ferrée. À 12 mètres, «la Nouvelle-Écosse deviendrait une île», a-t-il ajouté. «C'est une réelle préoccupation.»

De telles inondations catastrophiques paralyseraient des échanges commerciaux d'une valeur de 50 millions $ chaque jour, a-t-il pointé, ajoutant que le port d'Halifax serait incapable d'utiliser les trains ou les camions pour expédier des marchandises vers le reste du Canada.

«Les provinces n'ont pas compétence sur le chemin de fer», a rappelé l'avocat. Il a ajouté que l'une des principales raisons pour lesquelles la Nouvelle-Écosse a rejoint la Confédération en 1867 était la promesse qu'un nouveau gouvernement national construirait un chemin de fer pour relier l'économie de la province à celle d'autres provinces en pleine croissance.

«Il ne s'agissait pas d'une seule infrastructure, a-t-il dit. C'était la promesse plus large de ce que cette infrastructure apporterait.»

À un moment donné, le juge David Farrar a demandé à l'avocat néo-écossais Jeremy Smith d'expliquer pourquoi la Cour était appelée à trancher ce qui est essentiellement un conflit politique de compétence. Me Smith a répondu que la décision de la Cour «fournirait des orientations et une forme de certitude aux deux ordres de gouvernement».

Lors d'une audience en mars, l'avocate fédérale Lori Ward a déclaré que les voies ferrées peuvent être surélevées et les lignes de transport d'électricité enterrées, suggérant que les digues ne sont pas essentielles à leur protection.

Elle s'est également demandé si l'on en savait suffisamment sur «quelle digue protège quoi» sur l'isthme, bien que Me Boyle ait soutenu mardi que les digues représentent un vaste réseau dont la solidité dépend de sa partie la plus faible. L'avocate fédérale a qualifié la cause de la Nouvelle-Écosse de tentative de «solliciter l'aide de la Cour» dans ce qui est en réalité un différend financier. Elle a affirmé que le comité devrait refuser de répondre à la question de la province concernant l'ordre de gouvernement responsable de la protection des infrastructures. Les trois juges prévoient traiter cette question ultérieurement.

Le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard appuient la cause de la Nouvelle-Écosse.

L'audience reprendra mercredi.

Michael MacDonald, La Presse Canadienne

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