La police militaire cherche à éviter la surveillance civile, indique un rapport


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — L'organisme de surveillance de la police militaire affirme que les défis en matière surveillance civile indépendante au sein du bureau du Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) se sont «aggravés» l'an dernier.
La Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire (CPPM) a publié mardi un rapport accusant le GPFC – qui commande l'ensemble de la police militaire au Canada – de «rejeter» les plaintes sur la base «d'interprétations douteuses» de la Loi sur la défense nationale.
Dans son rapport, l'organisme de surveillance indique que le GPFC n'informe parfois pas les plaignants de leur droit de révision des décisions par la commission, comme l'exige la loi, et refuse systématiquement de répondre aux recommandations formulées dans les cas d’ingérence.
Les affaires d'ingérence surviennent lorsqu'un policier militaire dépose une plainte alléguant qu'un membre des Forces armées canadiennes ou un haut fonctionnaire du ministère de la Défense nationale a tenté d'influencer une enquête.
«(C)es problèmes ont non seulement persisté, mais se sont aggravés. En 2024, le GPFC a interprété la Loi sur la défense nationale de manière à éviter la surveillance civile indépendante. La situation est passée de la résistance au refus pur et simple de respecter le régime de la surveillance mandaté par le Parlement», indique le rapport de l'organisme de surveillance.
«Cela comprend le rejet de plaintes sans en avoir l’autorité, sur la base d’interprétations douteuses de la Loi sur la défense nationale, comme le détaille le présent rapport. Ces obstacles entravent la surveillance civile de la police militaire.»
La brigadière-générale Vanessa Hanrahan, Grand Prévôt des Forces canadiennes, a déclaré qu'elle prenait acte des critiques formulées dans le rapport de l'organisme de surveillance et qu'elle demeurait «pleinement engagée» envers le mandat de la commission.
«Le GPFC reconnaît que l'interprétation de ce cadre législatif diffère parfois de celle de la CPPM, notamment en ce qui concerne la divulgation de renseignements, a expliqué Mme Hanrahan dans une réponse par courriel. Toutes les recommandations de la CPPM sont examinées attentivement afin de déterminer leur bien-fondé, leur faisabilité et leur efficacité pour apporter des changements positifs au programme (de la police militaire).»
Le rapport accuse le GPFC de «mettre fin» aux plaintes sans mener d’enquête au motif d’une enquête criminelle. On indique pourtant que les plaintes sont censées être suspendues jusqu'à la conclusion d'une enquête criminelle et de toute procédure judiciaire. Mme Hanrahan a nié cette affirmation.
«Concernant les procédures criminelles en cours, cela n'est jamais utilisé comme un outil pour éviter les enquêtes sur les plaintes. Dans certains cas, une enquête criminelle peut être une manière plus appropriée de traiter une plainte reçue en vertu de la Loi», a-t-elle déclaré. «Si tel est le cas, la police militaire exige que les procédures criminelles soient conclues avant de procéder à une enquête en vertu de la partie 4 de la Loi sur la défense nationale.»
Tammy Tremblay, présidente de la CPPM, a décliné une demande d'entrevue, mais une porte-parole de la commission a ensuite envoyé un courriel qualifiant l'explication du GPFC d'«inexacte».
La conseillère en communication Annie Boucher a fait référence à un cas qui avait récemment fait l'objet d'une audience d'intérêt public, soulignant que le GPFC avait classé une plainte après avoir décidé d'ouvrir une enquête criminelle. Dans ce cas, elle n'avait pas suspendu la plainte ni choisi de la reprendre après la conclusion de l'enquête criminelle, a-t-elle déclaré dans le courriel.
Une réforme demandée
Le rapport préconise une réforme de la Loi sur la défense nationale afin de garantir que la commission ait accès à l'information nécessaire pour mener les enquêtes.
«Sans cette réforme législative, il existe un risque que les obstacles rencontrés par la CPPM dans l’exercice de son mandat continuent de diluer la volonté du Parlement d’établir un système de surveillance de la police militaire», avertit le rapport.
Le rapport indique également que les membres de la police militaire «respectent et comprennent» le mandat de l'organisme de surveillance et que le refus de surveillance civile provient de la haute direction.
Mme Hanrahan a déclaré que le GPFC demeure déterminé à mettre en place un processus équitable, transparent et indépendant pour traiter les plaintes du public.
Mme Hanrahan commande le GPFC depuis le mois de décembre, en remplacement du major-général Simon Trudeau, qui occupait ce poste depuis six ans et demi.
David Baxter, La Presse Canadienne