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La prise du veau au lasso et le terrassement des bouvillons auront lieu à Saint-Tite

durée 17h45
14 mai 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — L’épreuve de prise du veau au lasso et les épreuves de terrassement du bouvillon pourront avoir lieu lors du Festival Western de Saint-Tite, le week-end prochain.

Le juge Patrick Ouellet, de la Cour supérieure, a rejeté la demande d’injonction provisoire présentée par la Communauté Droit animalier Québec (DAQ) et le vétérinaire Jean-Jacques Kona Boun. Ceux-ci lui demandaient d’ordonner au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) d’empêcher la tenue de l’épreuve de prise du veau au lasso et de s'assurer du bien-être et de la sécurité des bouvillons utilisés pendant les épreuves de terrassement du bouvillon.

Les demandeurs invoquaient la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (LBESA) et l’article du Code civil selon lequel «les animaux ne sont pas des biens. Ils sont plutôt des êtres doués de sensibilité».

Questions en suspens

Le juge Ouellet ne s’est toutefois pas prononcé sur le bien-être et la sécurité des animaux comme tels, mais bien sur le fait qu’il faut absolument que quatre critères soient remplis pour délivrer ce type d’injonction, concluant que deux des critères ne sont pas remplis. Cependant, il reconnaît que des questions demeurent pour l’instant en suspens par rapport aux connaissances scientifiques sur ces deux activités et que le fond de la question n’est pas encore résolu.

La prise du veau au lasso implique de relâcher un veau dans l’arène où le compétiteur, à cheval, le pourchasse afin de lui passer un lasso au cou pour le projeter au sol et ensuite descendre de sa monture et lui attacher trois pattes le plus rapidement possible. Le terrassement du bouvillon – un bœuf adolescent – consiste à pourchasser la bête à cheval, descendre de la monture, attraper le bouvillon par les cornes et le projeter au sol pour que sa tête et ses quatre pattes pointent dans la même direction.

Études toujours en cours

En 2018, le MAPAQ avait créé un groupe de travail sur le bien-être et la sécurité des animaux dans les rodéos. Celui-ci avait remis son rapport en 2022, mais n’avait pu tirer de conclusions définitives en raison notamment d’un manque de données.

Le rapport recommandait tout de même de cesser la prise du veau au lasso, mais formulait aussi plusieurs recommandations pour en atténuer l’impact. Quant au terrassement des bouvillons, les auteurs du rapport y voyaient la possibilité d’impacts psychologiques et, sans recommander son interruption, formulaient là aussi une série de recommandations pour en atténuer l’impact. Le Festival Western a mis en place l’ensemble de mesures recommandées qui relevaient de sa compétence.

Bien que le MAPAQ ait le pouvoir d’interrompre ces activités, il a plutôt choisi en 2023 de faire appel à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal et à l’École polytechnique pour mener des recherches plus approfondies sur divers aspects de la pratique de prise du veau au lasso.

Détresse et anxiété

Malgré l’implantation des mesures recommandées par le rapport, le docteur Kona-Boun a dit avoir constaté un état de détresse et d’anxiété des animaux lors des deux épreuves tenues à l’occasion de l’édition 2024 du Festival Western de Saint-Tite. En compagnie de DAQ, le vétérinaire a déposé le 25 mars dernier au MAPAQ un signalement de plus de 1000 pages comprenant 26 annexes et 47 extraits vidéo totalisant 13 heures d’écoute.

Devant le juge, les représentants du MAPAQ ont fait valoir que l’ampleur de la plainte faisait en sorte que le ministère n’avait pas eu le temps de répondre. Aussi, le MAPAQ a argué le besoin d’approfondir ses études afin de combler les lacunes du rapport original, une démarche qui implique que les épreuves doivent avoir lieu pour permettre à ces études d’aboutir.

«Compte tenu des modifications apportées par le Festival à ses pratiques, écrit le juge Ouellet, notamment en adoptant la forte majorité des recommandations du Rapport MAPAQ, et compte tenu des limitations inhérentes à ce rapport, telles qu'identifiées par ses auteurs, le Tribunal est incapable de conclure à une forte apparence de démonstration de violations de la LBESA dans le cadre du Festival. La preuve ne permet pas de conclure que l'édition du Festival devant avoir lieu le 17 et 18 mai 2025 reproduira les manquements identifiés lors des années antérieures.»

Ce sera au MAPAQ de trancher

«Le MAPAQ pourrait conclure qu'il doit exercer son pouvoir d'ordonnance à la suite de son analyse du signalement, mais le Tribunal doit lui laisser le temps nécessaire pour procéder à son analyse exhaustive», précise-t-il, rappelant que ce n’est pas au tribunal de dicter au MAPAQ ce qu’il doit faire puisque le pouvoir discrétionnaire d’imposer une ordonnance au Festival appartient au MAPAQ. «Rien n'indique que le MAPAQ refusera de traiter le signalement et d'y donner suite, si une telle suite s'impose», souligne le juge.

Surtout, rappelle le juge, que le MAPAQ, «ayant constaté que le groupe de travail avait rencontré de nombreuses limitations, tant pour l'évaluation du volet physique que du volet psychologique du bien-être animal, le MAPAQ devait faire un choix d'ordre politique. Soit il exerçait immédiatement ses pouvoirs d'ordonnance, malgré le fait que les conclusions du Rapport MAPAQ étaient basées sur des données incomplètes, soit il continuait à étudier la question pour élaborer un cadre réglementaire complet.

«Il s'agit là d'un délicat exercice d'équilibrisme qu'il est préférable de voir exercer par le MAPAQ, considérant sa spécialisation dans le domaine, que par le Tribunal, indique le juge. Le MAPAQ a exercé sa discrétion et a choisi la seconde option. Le Tribunal n'a pas à se demander s'il aurait pris la même décision que le MAPAQ, mais bien si la décision prise faisait partie des options raisonnables. Le Tribunal est d'avis que c'est effectivement le cas.»

Ainsi, «malgré l'importance de la protection du bien-être et de la sécurité des animaux, force est de constater que la balance des inconvénients penche en faveur du refus de la demande d'injonction. Le MAPAQ a décidé qu'il en allait de l'intérêt public de continuer à récolter des données afin d'élaborer un cadre réglementaire le plus robuste possible. Émettre les ordonnances recherchées risquerait de créer un effet boule de neige et empêcher la collecte de ces informations.»

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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