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Le procès de Gilbert Rozon est perturbé par un échange d'insultes et des menaces

durée 12h47
26 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Le procès au civil de Gilbert Rozon, poursuivi par neuf femmes qui allèguent avoir été agressées sexuellement par l’ex-magnat déchu de l’humour, a été le théâtre d’un rare et spectaculaire esclandre, jeudi, lorsque la comédienne Danie Frenette, l’une des plaignantes, s’en est prise à M. Rozon au moment de la pause.

«Mais de quoi il est fait pour mentir de même? C’est un ostie de menteur. Un trou de cul», a-t-elle lancé en pleine salle de cour, après que Gilbert Rozon a nié en bloc durant son témoignage toutes les allégations le visant venant soit de Mme Frenette ou de sa belle-fille, la comédienne Salomé Corbo. «Pas de classe», a alors murmuré Gilbert Rozon en quittant la salle.

Menaces

Par la suite, une fois sorti de la salle d’audience, le conjoint de Mme Frenette et père de Salomé Corbo, Stefano Corbo, aurait d’abord tiré l’oreille de M. Rozon pour ensuite l’agripper à la gorge pour lui proférer des menaces. Passant en coup de vent devant les journalistes, Gilbert Rozon n’a pu s’empêcher de dénoncer le fait de «se faire insulter en pleine cour. Je fais mon témoignage, j’ai prêté serment, j’ai dit la vérité. Les allégations sont invraisemblables à leur face même».

Revenu devant la juge Chantal Tremblay, Gilbert Rozon a affirmé que M. Corbo lui aurait dit en lui prenant la gorge: «mon ostie, mon tabarnak, m’a t’étrangler, m’a t’étouffer». L'avocate de Gilbert Rozon, Me Mélanie Morin, témoin de l’incident, s’est dite troublée devant la magistrate.

La juge Tremblay a aussitôt appelé Stefano Corbo à la barre des témoins pour l’exclure de la salle et lui demander de suivre le procès à distance par voie électronique pour la suite des procédures. Elle a ensuite suspendu l’audience prématurément pour la pause du dîner, le temps que tous reprennent leurs esprits.

Glbert Rozon nie tout

Préalablement, Gilbert Rozon avait nié en bloc l’ensemble des allégations de Danie Frenette, qui allègue avoir été violée à deux reprises et d’avoir subi des attouchements du témoin, une première fois chez lui à l’occasion d’une fête à la fin de l’édition 1988 du Festival Juste pour rire. Mme Frenette avait été embauchée pour s’occuper du volet des arts de rue de l’événement.

Selon elle, il l’aurait emmenée dans un secteur boisé de sa propriété pour enlever son coupe-vent et la coucher par terre avant de la violer une première fois. Gilbert Rozon a qualifié de «complètement invraisemblable» la possibilité qu’il aurait commis de tels gestes devant des invités, ajoutant qu’«il n’y a jamais eu de boisé sur mon terrain» et qu’il n’avait même aucun souvenir de l’avoir vue à cette soirée.

Il a aussi nié s’être livré à des attouchements sur un banc de parc de l’île Sainte-Hélène, disant n’y être jamais allé avec elle et il a également nié le deuxième viol allégué, événement pour lequel Mme Frenette affirme qu’il s’est présenté chez elle en pleine nuit, la sommant de lui ouvrir la porte.

«Je ne suis jamais allé chez elle», a-t-il affirmé. «Je n’ai jamais eu de relation sexuelle avec elle», a-t-il déclaré en réponse à l’audition d’un enregistrement où elle affirmait avoir eu, plus tard, des relations consensuelles avec Gilbert Rozon.

Quant à Salomé Corbo, qui n’est pas plaignante dans ce dossier, mais qui a témoigné de faits similaires, la comédienne avait déclaré en cour qu’alors qu’elle n’était âgée que de 13 ans, Gilbert Rozon l’aurait coincée dans un escalier, également lors d’une fête de clôture du festival, et lui aurait glissé un doigt dans le vagin. Adolescente, elle avait obtenu son premier emploi en 1989 comme animatrice dans un kiosque du festival. «Mis mon doigt dans son vagin? C’est d’une grossièreté sans nom», a dit M. Rozon, qui l’a nié. Il a dit s’être demandé pourquoi elle aurait dit une chose pareille pour finalement conclure que c’était «parce que c’est la belle-fille de Danie Frenette».

Mme Corbo avait aussi affirmé devant le tribunal qu’environ 11 ans plus tard, en 2001, il l’avait traitée d’«ostie d’agace» lors d’une rencontre dans un bar après qu’une bretelle eut glissé sur son épaule. «Je ne parle pas comme ça», a tranché le témoin.

L'audience devait reprendre en après-midi.

Un long parcours judiciaire

Gilbert Rozon est poursuivi pour environ 14 millions $ au civil par neuf femmes qui lui reprochent de les avoir agressées sexuellement. La poursuite intentée par Patricia Tulasne, Lyne Charlebois, Anne-Marie Charrette, Annick Charrette, Sophie Moreau, Danie Frenette, Guylaine Courcelles, Mary Sicari et Martine Roy fait suite à une demande, en 2017, d’autorisation d’action collective contre l’homme d’affaires par un groupe de femmes surnommé Les Courageuses. D’abord accueillie en première instance en 2018, Gilbert Rozon a obtenu que cette demande soit rejetée par la Cour d’appel en 2020.

Parallèlement, 14 femmes avaient porté plainte à la police, mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales n’avait retenu que celle d’Annick Charrette. Gilbert Rozon avait été acquitté en 2020 sur la base du doute raisonnable.

Patricia Tulasne, qui agissait comme porte-parole des Courageuses, avait été la première à déposer une poursuite civile contre M. Rozon en avril 2021. Les huit autres femmes avaient suivi et l’ensemble des poursuites avaient été regroupées pour mener au procès qui s’est ouvert en décembre dernier et qui a été interrompu à maintes reprises en raison de débats sur des questions de droit.

Jusqu’ici 42 témoins ont été entendus en poursuite, incluant les neuf plaignantes et sept autres femmes, dont Julie Snyder, Salomé Corbo, Pénélope McQuade et l’ex-conjointe de Gilbert Rozon, Véronique Moreau, qui ont toutes soutenu avoir aussi subi des abus de nature sexuelle de la part du défendeur.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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