Le responsable de l'aide étrangère du Canada souhaite accroître la visibilité


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le député Randeep Sarai, responsable de l'aide étrangère, affirme que le Canada doit adopter une approche plus efficace et plus visible en matière de développement et d'aide humanitaire, afin de justifier le maintien des dépenses d'aide alors que les États-Unis se retirent.
«Ceux qui maintiennent le cap doivent faire preuve de plus de souplesse et de polyvalence», a déclaré M. Sarai, secrétaire d'État au développement international, lors de sa première entrevue importante depuis son entrée en fonction.
M. Sarai a dit que ses priorités à ce poste sont de s'assurer que l'aide canadienne est dépensée efficacement et de donner aux Canadiens et aux bénéficiaires une meilleure idée de la destination de l'argent.
«Cela ne signifie pas qu'un sac de céréales doit arborer une feuille d'érable», a-t-il affirmé.
Si l'image de marque peut jouer un rôle, a ajouté M. Sarai, le gouvernement peut également diffuser son message par l'intermédiaire des médias sociaux, de campagnes de sensibilisation dans les pays bénéficiaires et, possiblement, de manuels scolaires approuvés par les gouvernements provinciaux.
«Les Canadiens seraient plus heureux, et je pense que ces bénéficiaires auraient une plus grande valeur, un plus grand respect et une plus grande admiration pour le Canada et son aide, a-t-il soutenu. C'est donc manifestement une priorité.»
M. Sarai a déclaré que les Canadiens devraient savoir comment leur aide financière est utilisée, par exemple pour protéger les zones inondables exposées aux catastrophes naturelles ou pour fournir aux agriculteurs des cultures résilientes aux changements climatiques.
«Une semence de pomme de terre provenant de l'Île-du-Prince-Édouard et destinée à une région reculée des Philippines peut permettre à une famille de passer d'une situation où elle subvenait à peine à ses besoins à une situation où elle peut non seulement se nourrir, mais aussi envoyer ses enfants à l'école», a-t-il déclaré.
M. Sarai a travaillé comme avocat à Surrey, en Colombie-Britannique, avant de se présenter aux élections fédérales de 2015, lorsque les libéraux de Justin Trudeau ont remporté un gouvernement majoritaire. Il est devenu secrétaire parlementaire de la ministre des Anciens Combattants à l'automne 2023.
Bien que son rôle actuel ne soit pas un portefeuille ministériel complet, il lui confère la responsabilité de superviser le budget de l'aide canadienne et lui permet de participer à certaines réunions du Cabinet.
Ottawa a dépensé 12 milliards $ en aide étrangère au cours de l'exercice financier qui s'est terminé au printemps 2024, le dernier exercice entièrement déclaré par Affaires mondiales Canada.
La moitié de cette somme était consacrée aux dépenses de base en aide étrangère, tandis que 2,6 milliards $ étaient destinés aux prêts et au financement du développement, principalement en Ukraine.
Une somme de 2,6 milliards $ supplémentaires a été consacrée aux services aux réfugiés arrivant au Canada, tandis que le reste a été en grande partie destiné à des projets mondiaux tels que les appels humanitaires des Nations unies et les projets de santé préventive.
M. Sarai a raconté que le fait d'avoir fait du porte-à-porte pendant la campagne électorale du printemps l'avait convaincu que peu de Canadiens savent où va leur aide financière.
«C'est ma priorité: comment communiquer et partager cela? Et comment obtenir le meilleur rapport qualité-prix, le moyen le plus efficace d'acheminer notre aide à ceux qui en ont le plus besoin», a-t-il expliqué.
La bureaucratie du système canadien
M. Sarai a déclaré que le premier ministre Mark Carney lui avait demandé de «simplifier la bureaucratie» et de poursuivre la réforme en cours d'Affaires mondiales Canada concernant la bureaucratie utilisée pour financer les projets de développement et d'aide humanitaire.
Les organismes de bienfaisance affirment depuis longtemps que le système d'aide canadien est plus lourd que celui de ses pairs, avec des exigences administratives volumineuses qui retardent l'octroi des subventions et excluent les petits groupes d'aide.
Le ministère a soutenu qu'il s'efforçait de fournir des directives plus claires afin de continuer à prévenir le détournement de l'aide tout en permettant aux organisations canadiennes d'élargir leur portée en s'associant à des groupes locaux plus petits.
Les groupes d'aide ont critiqué Ottawa pour avoir considérablement réduit son travail de développement en Afghanistan depuis la reprise du pays par les talibans en août 2021.
Plusieurs alliés du Canada ont accordé des exemptions générales aux règles sur le financement du terrorisme afin de permettre aux travailleurs du développement de rémunérer leur personnel local sans être accusés de financer le terrorisme par le biais des impôts sur les salaires des talibans.
Ottawa a plutôt opté pour un système de permis complexe, largement critiqué.
M. Sarai a indiqué que les réformes plus vastes entreprises par son ministère garantiront aux organisations canadiennes l'accès au financement qu'Ottawa alloue à des projets à l'étranger.
L'impact des États-Unis
Les organismes sans but lucratif canadiens se préparent à une situation encore moins favorable depuis que les États-Unis ont commencé à réduire leur budget d'aide.
Au nom du président américain Donald Trump, le milliardaire Elon Musk a mis en congés payés des milliers d'employés de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et gelé les paiements et les envois d'aide dans le monde entier.
Les organismes sans but lucratif canadiens affirment que nombre de leurs projets étaient gérés par des systèmes de l'USAID ou des agences des Nations unies, qui dépendaient d'importants financements américains.
Le secteur de l'aide humanitaire a été encore plus démoralisé par l'issue du récent Sommet du G7, organisé par le Canada. Les dirigeants mondiaux présents n'ont pris aucun engagement conjoint majeur de dépenses pour aider les populations confrontées aux conflits et à la faim dans des pays comme le Soudan, le Myanmar et les territoires palestiniens.
Le Canada a promis au G7 de dépenser 391,3 millions $ «pour catalyser des capitaux privés vers des projets de croissance économique et de développement dans le monde entier». Ottawa n'a pas encore précisé où et quand ces fonds seront utilisés.
Le gouvernement fédéral a également déclaré avoir affecté «jusqu'à 544 millions $» en prêts à «de nouveaux financements pour le développement en Amérique latine et dans les Caraïbes».
Lors des élections du printemps, M. Carney a déclaré qu'il ne suivrait pas l'exemple des États-Unis ou de certains pays européens en réduisant l'aide. Il a affirmé que l'approche du Canada consiste à «se montrer généreux et efficace dans son soutien aux plus vulnérables du monde».
M. Sarai a dit que la décision de M. Carney de maintenir l'aide reconnaît que les maladies ne connaissent pas les frontières, que la faim et la pauvreté entraînent des vagues de réfugiés et que les pays bénéficiaires de l'aide canadienne sont plus ouverts au commerce canadien.
Il a ajouté que le message de M. Carney est probablement que l'aide canadienne doit «être plus souple et plus créative, afin que nous puissions faire plus avec le même montant». Le gouvernement n'a toujours pas publié de budget indiquant si le flux d'aide restera stable, augmentera ou diminuera.
M. Sarai est à Bruxelles cette semaine pour un sommet sur les promesses de dons avec Gavi l'alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation. Ottawa n'a pas annoncé de nouveau financement pour l'alliance lors du sommet. Il se rendra ensuite en Espagne pour une conférence des Nations unies sur le financement du développement avec le secteur privé et la société civile.
Il prévoit participer le mois prochain à la réunion des ministres du Développement du G20 en Afrique du Sud, et peut-être à un sommet aux Îles Salomon consacré à l'adaptation aux changements climatiques.
M. Sarai a déclaré que ses entretiens avec les ambassadeurs à Ottawa et les dignitaires en visite l'avaient surpris de la profondeur et de l'étendue de la réputation internationale du Canada en matière de multilatéralisme.
«Le monde voit toujours le Canada sous un très bon jour. Notre histoire n'a pas été marquée par la colonisation d'autres pays», a-t-il déclaré.
«Nous avons joué un rôle important par le passé, et nous devons continuer à le faire.»
Dylan Robertson, La Presse Canadienne