Les archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson permettent de remonter le temps


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Par La Presse Canadienne, 2024
WINNIPEG — Dyana Lavallee fixe une copie d'une photographie exposée au public aux Archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson à Winnipeg.
La femme d'origine métisse reconnaît rapidement qu'il s'agit de la même que sa grand-mère avait il y a des années.
«Voici ma famille», dit-elle en faisant référence aux personnages sur la photo. «Je tremble un peu.»
Ce n'est pas la première fois que Mme Lavallee visite les archives, mais c'est la première fois qu'elle voit cette photo parmi les milliers de documents historiques conservés aux Archives du Manitoba.
La collection, propriété de la province, comprend des pièces telles que le premier registre des procès-verbaux de la compagnie datant de 1671, des cartes historiques, des vidéos, des enregistrements audio et tellement de journaux intimes, de lettres et de notes de recherche que les documents textuels occupent à eux seuls plus de 1500 mètres linéaires d'espace de rangement.
La Baie d'Hudson a fait don de sa collection à la province en 1994.
Vendredi, les archives ont ouvert leurs portes au public pour célébrer le 355e anniversaire de la création de l'entreprise, alors que la plus ancienne société d'Amérique du Nord est menacée de disparition.
La Baie d'Hudson s'est placée sous la protection de ses créanciers en mars, incapable de payer ses factures en raison des effets de la pandémie de COVID-19, de l'intensification de la guerre commerciale et de la baisse de l'achalandage dans ses magasins.
Dans un contexte de liquidation des magasins et de recherche d'acheteurs pour l'entreprise et ses actifs, un juge ontarien a autorisé l'entreprise à vendre aux enchères les 4400 artefacts et œuvres d'art en sa possession, dont la charte royale vieille de 355 ans qui a lancé l'entreprise.
Aucun des articles des archives provinciales n'est inclus dans la vente aux enchères.
Depuis l'annonce du projet de vente aux enchères d'artefacts par La Baie, archivistes, historiens et groupes des Premières Nations réclament que les pièces soient restituées aux nations autochtones ou données à des institutions publiques où elles seront accessibles à tous.
Mme Lavallee, qui travaille au service de la culture et du patrimoine de la Fédération des Métis du Manitoba, partage cet avis.
«Il me semble insensé de conserver l'histoire de quelqu'un d'autre pour un usage personnel, a-t-elle déclaré. Cela aide les gens à renouer avec leurs ancêtres. Cela leur donne des réponses à leur passé.»
Elle a pu utiliser les Archives de la Compagnie de la Baie d'Hudson pour en apprendre davantage sur son ancêtre, James Bird, un haut gradé de la compagnie né en Angleterre et établi dans ce qui est aujourd'hui le Canada.
Kathleen Epp a compris l'importance de rendre les documents accessibles au public.
«Des questions différentes sont posées chaque année sur les documents, ce qui les maintient en vie d'une certaine manière», a expliqué Mme Epp, qui est la conservatrice des Archives provinciales de la Compagnie de la Baie d'Hudson.
Les gens posent des questions que l'entreprise n'aurait jamais imaginées lors de la création des documents, et ils trouvent de la valeur dans ce qu'ils étudient et dans les réponses qu'ils y trouvent.
Mme Epp a vu les documents utilisés non seulement pour retracer la généalogie, mais aussi pour étudier le changement climatique, car les postes de traite enregistraient souvent la météo, et les populations animales étaient suivies en visitant et en documentant les lignes de piégeage.
Elle et son équipe s'efforcent de donner un nouveau souffle aux documents de l'entreprise sur les peuples autochtones. Les archives comprennent des photographies du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest, et l'équipe tente d'identifier les personnes représentées sur ces photos historiques.
Il existe également des livres de comptes qui documentent les échanges commerciaux avec les peuples autochtones.
«Ces livres de comptes indiquent souvent les noms des personnes, mais il peut aussi s'agir du nom autochtone ou de l'évolution des noms au fil du temps, a-t-elle indiqué. Ils contiennent en fait une quantité considérable d'informations généalogiques permettant de retracer les familles, mais aussi les noms.»
Des groupes des Premières Nations ont demandé l'arrêt de la vente aux enchères afin que les objets culturels, cérémoniels ou sacrés de la collection de la Baie puissent être restitués à leurs communautés.
La Baie devrait revenir devant le tribunal ultérieurement pour préciser les objets non visés par la charte royale qu'elle souhaite vendre et le déroulement de la vente aux enchères.
Brittany Hobson, La Presse Canadienne