Les automobilistes veulent qu'on répare les routes avant d'en construire d'autres


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Les automobilistes québécois estiment que Québec devrait mettre toute nouvelle construction d’infrastructure routière sur la glace et consacrer les budgets qui y sont destinés à réparer les routes existantes.
C’est à tout le moins l’avis de huit membres du CAA sur 10 (79 %) qui se sont dit «favorables à la suspension temporaire de tout projet de développement routier (ajout de routes et de structures) jusqu’à ce que l’ensemble des infrastructures existantes soient en bon état». Le sondage a été mené en ligne à la fin de mars auprès de 1609 membres du CAA.
«L'état des routes, c'est un sujet de conversation au Québec qui est très populaire», explique le porte-parole du CAA, Simon Bourassa, en entrevue avec La Presse Canadienne à l’occasion de la publication, jeudi, du palmarès annuel des pires routes du Québec.
Réparer avant de construire
«Les automobilistes, les usagers de la route paient des montants assez importants en droits et taxes pour l'entretien du réseau routier, pour son développement également, mais là, ce qu’on se demande, c'est si on ne devrait pas mettre sur pause le développement de nouvelles routes. L'argent ne pousse pas dans les arbres et les ressources financières sont limitées. Est-ce qu'on ne devrait pas faire un moratoire ou du moins mettre sur pause le développement pour entretenir ce qu'on a déjà?»
Si l’entretien n’a pas le même attrait politique que l’annonce d’une nouvelle route, il n’en demeure pas moins une nécessité qui s’appuie sur une logique financière incontournable. «Ça coûte très cher refaire des routes. L'entretien des routes coûte cher aussi, mais ça coûte encore plus cher quand il faut les refaire parce qu'on les a mal entretenues», souligne Simon Bourassa.
Incontournable et pourtant contournée, faut-il croire, puisque le palmarès des pires routes du Québec préparé par la CAA en est à sa dixième année et «on ne note pas d'amélioration marquée honnêtement. Si on le prend sur 10 ans, je pense que c'est pire», se désole Simon Bourassa, qui pointe du doigt le déficit de maintien d'actifs: «Ce sont 22,5 milliards $ qui manquent présentement pour entretenir la base de ce qu'on a.»
La palme à un minuscule chemin
Quant aux pires routes du Québec, c’est un minuscule chemin à La Tuque, en Haute Mauricie, le chemin du Contour-du-Lac-à-Beauce, qui remporte la palme cette année. Les quatre positions suivantes sont occupées par les chemins Klock, Notch, Cook et Pink, tous en Outaouais et les positions de 6 à 10 inclusivement sont également de petites routes dans des régions rurales à travers la province. Ce constat n’étonne nullement M. Bourassa : «Ce n'est pas parce qu’une route est située plus loin des grands centres que les gens qui l’empruntent doivent se buter à une route qui est mal entretenue ou qui est difficilement carrossable, voire qui n'est pas sécuritaire. Et ce qu'on remarque souvent, c'est que dans les milieux qui sont davantage ruraux, les gens sont un petit peu plus loquaces quand c'est le temps de se manifester pour dénoncer une route.»
Dans le cas du «gagnant» de ce palmarès, le chemin du Contour-du-Lac-à-Beauce, Simon Bourassa souligne que «c'est sur le territoire de la ville de La Tuque. Mais visiblement, La Tuque n’a pas d'argent pour le refaire. Les villes font ce qu'elles peuvent avec l'argent qu'elles ont et les ressources aussi sont limitées au niveau municipal.» Cette réalité s’applique probablement à toutes ces petites routes municipalisées. «On peut être pas mal certain que les municipalités, les villes en attendent davantage en termes de soutien financier de la part du gouvernement provincial pour les aider à entretenir leur réseau routier. Je doute fort qu'elles puissent y arriver seules.»
Les grandes routes ne sont pas mieux
Cela ne veut pas dire que les grandes routes sont en meilleur état, si l’on regarde le palmarès plus en profondeur, par région. Ainsi, on retrouve notamment dans la liste, les routes 117 et 113 en Abitibi, la route 132 dans le Bas-Saint-Laurent, l’autoroute 40 à Québec, la route 116 et l’autoroute 20 dans Chaudière-Appalaches, la route 138 sur la Côte-Nord, la route 202 en Estrie, les autoroutes 40 et 640 dans Lanaudière, la 640 et la 117 encore, dans les Laurentides, le boulevard de la Concorde à Laval, la route 116 et l’autoroute 30 en Montérégie, l’autoroute métropolitaine à Montréal, pour ne nommer que celles-là.
«Les routes qui sont sous l'égide du ministère des Transports sont souvent aussi pas mal dénoncées, dépendamment des régions. Ce sont sans doute les priorités du gouvernement et c'est correct ainsi, mais ça veut pas dire non plus que les gens, les payeurs de taxes, les contribuables, les citoyennes et citoyens des villes qui circulent sur des artères de moins grande importance n’ont pas droit d'avoir des routes qui sont bien entretenues», fait valoir M. Bourassa.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne