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Les libéraux doivent jongler avec des hausses d'impôt et des réductions de dépenses

durée 16h48
14 mars 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Par La Presse Canadienne, 2023

OTTAWA — Alors que le gouvernement fédéral prépare son budget du printemps, des experts soutiennent que les libéraux devraient envisager des règles de dépenses plus strictes et des hausses d'impôts afin d'améliorer l'état des finances publiques.

Ce budget, prévu dans deux semaines, arrive à un moment où le gouvernement libéral subit des pressions pour limiter les dépenses afin de ne pas ramer à contre-courant des initiatives de la Banque du Canada pour juguler l'inflation.

La banque centrale a augmenté de manière musclée les taux d'intérêt au cours de la dernière année dans le but de freiner les dépenses des consommateurs et des entreprises. Une relance budgétaire excessive du gouvernement pourrait annuler une partie de ces efforts.

Le Canada pourrait également connaître cette année une récession qui affecterait les recettes fiscales du gouvernement. Face à ces défis, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a assuré que son gouvernement était attaché à la responsabilité budgétaire. «Je suis très consciente que nous préparons ce budget à un moment de contraintes budgétaires importantes», déclarait-elle la semaine dernière, quelques jours avant d'annoncer que le budget serait déposé le 28 mars.

Mais les experts admettent que pour être réellement responsables en matière de finances publiques, les libéraux devront faire des choix difficiles qui pourraient bien ne pas être politiquement opportuns ou avantageux à court terme.

L'ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page affirme qu'il existe un parti pris politique qui pousse les gouvernements à préférer les déficits aux hausses d'impôts. Il croit que le gouvernement actuel a été «à juste titre critiqué pour avoir mené une politique budgétaire relativement souple», résistant aux pressions pour la mise en place de cibles budgétaires plus strictes.

Ces cibles budgétaires, ou ancrages, sont des règles de dépenses qui guident les décisions du gouvernement en matière de finances publiques. M. Page, qui dirige actuellement l’Institut des finances publiques et de la démocratie, à Ottawa, explique que ces points d'ancrage budgétaires aident à protéger les gouvernements contre la tentation d'emprunter toujours plus.

Le point d'ancrage budgétaire du gouvernement actuel à moyen terme consiste à réduire le montant de la dette par rapport à la taille de l'économie — le «ratio de la dette au PIB». Le gouvernement libéral s'est également engagé à réduire ses dépenses liées à la pandémie.

Robert Asselin, vice-président principal des politiques au Conseil canadien des affaires, estime que l'ancrage budgétaire du gouvernement actuel n'est pas adéquat. Il préconise plutôt de plafonner le financement de la dette publique en fonction d'un pourcentage du PIB.

Hausses ou baisses d'impôts ?

Le chef conservateur, Pierre Poilievre, critique l'ampleur des dépenses du gouvernement libéral, qu'il accuse d'être à l'origine de l'inflation. À l'aube du prochain budget, il demande aux libéraux de plafonner les dépenses en s'engageant à faire correspondre chaque nouveau dollar de dépenses à des réductions ailleurs dans les finances publiques.

Le chef de l'opposition conservatrice souhaite par ailleurs des réductions d'impôts, qui creuseraient encore le déficit si le gouvernement ne réduisait pas en même temps ses dépenses.

Interrogé sur ce qui devrait être coupé dans les dépenses de programmes, M. Poilievre a cité le budget de CBC/Radio-Canada, le recours aux consultants privés et le rachat promis par le gouvernement de ce que les libéraux considèrent comme des «armes à feu de type assaut».

Mais certains experts en politiques publiques préconisent plutôt des hausses d'impôts ou de taxes, puisque les recettes du gouvernement font partie de l'équation en matière de responsabilité budgétaire.

Un budget fictif récemment publié par l'Institut C.D. Howe en arrive à cette même recommandation, en suggérant une augmentation de la TPS. «L'un des principaux motifs sous-jacents à ce budget fictif est de s'assurer que les Canadiens qui ont bénéficié des dépenses fédérales massives liées à la pandémie devraient aider à les payer», indique le rapport du groupe de réflexion économique.

Robert Asselin, qui a été directeur du budget de l'ancien ministre libéral des Finances Bill Morneau, soutient que depuis une vingtaine d'années, les gouvernements successifs ont hésité à augmenter les impôts.

Mais le gouvernement fédéral ne peut pas continuer à financer ses dépenses en affichant des déficits, estime-t-il. «À un certain moment, soit il réduit ses dépenses, soit il augmente ses recettes.»

Compte tenu des défis à long terme liés à la transition verte et aux autres priorités de ce gouvernement, M. Page pense lui aussi qu'il serait peut-être temps de commencer à parler de hausses d'impôts.

Le gouvernement fédéral devrait annoncer dans ce budget des investissements majeurs vers la «transition verte». Ces mesures visent à maintenir la compétitivité du Canada à l'échelle mondiale à la lumière des investissements importants faits par les États-Unis l'été dernier dans le cadre de la Loi sur la réduction de l'inflation.

«En tant que gouvernement, nous croyons vraiment qu'il existe actuellement une fenêtre historique qui s'ouvre au Canada pour bâtir l'économie industrielle canadienne du 21e siècle», déclarait la ministre Freeland la semaine dernière.

Bien que ces mesures puissent impliquer d'importants engagements de dépenses, les économistes notent généralement que de tels investissements peuvent rapporter des dividendes pour l'économie.

Kevin Page prévient toutefois que ces investissements devraient être séparés des autres décisions de dépenses, étant donné qu'ils ont des effets différents sur l'économie et l'inflation.

Nojoud Al Mallees, La Presse Canadienne