Les négociations sur la protection de l'enfance avec l'APN bloquées, selon Ottawa


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Le gouvernement fédéral a affirmé au Tribunal canadien des droits de la personne que les négociations avec l'Assemblée des Premières Nations (APN) sur la réforme du système de protection de l'enfance sont au point mort et que les demandes de l'APN sont «déraisonnables».
Dans un mémoire déposé auprès du Tribunal le 15 mai, Ottawa a indiqué avoir déployé des «efforts intensifs et significatifs» pour réformer le système depuis 2016, année où le Tribunal a conclu que le gouvernement fédéral avait fait preuve de discrimination envers les enfants des Premières Nations en sous-finançant le système de protection de l'enfance dans les réserves.
Mais Ottawa a expliqué au Tribunal que les négociations avec l'APN «ne fonctionnent plus» et qu'il n'y a aucune «utilité pratique» à les poursuivre.
«Le Canada a respecté ses obligations en vertu des ordonnances de consultation du Tribunal, qui ne l'obligent pas à consulter indéfiniment ou jusqu'à ce que les plaignants obtiennent les résultats variables qu'ils recherchent», indique le mémoire.
Cindy Blackstock, qui dirige la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations et a contribué au dépôt de la plainte initiale en matière de droits de la personne contre le gouvernement fédéral, s'est dite «déçue» par le dépôt.
«On dirait un gouvernement qui refuse d'assumer la responsabilité des préjudices causés aux enfants et qui tente de rejeter la faute sur les autres», a-t-elle soutenu mardi.
«Et cela ne concorde pas avec les promesses du premier ministre Carney pendant la campagne électorale, à savoir revenir à la table des négociations de bonne foi et mettre fin à la discrimination au Canada, afin d'empêcher que cela ne se reproduise.»
Services aux Autochtones Canada n'a pas immédiatement répondu lorsqu'on lui a demandé pourquoi le gouvernement fédéral n'avait pas alerté les dirigeants des Premières Nations de son intention de suspendre les négociations.
Les chefs ont rejeté à deux reprises une proposition fédérale visant à réformer le système de protection de l'enfance, affirmant qu'elle n'allait pas assez loin pour protéger les enfants de la discrimination.
Ottawa a déclaré que cet accord, d'une valeur de 47,8 milliards $, dépassait la portée de l'ordonnance du tribunal. Il accuse l'APN et la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations d'avoir formulé «d'importantes demandes supplémentaires».
Les chefs de l'Ontario, frustrés par le rejet de l'accord par d'autres régions, ont conclu leur propre accord avec le gouvernement fédéral plus tôt cette année.
Dans son document, Ottawa affirme qu'au lieu de poursuivre des «consultations improductives», il est dans l'intérêt des enfants des Premières Nations de «procéder à la mise en œuvre de réformes à long terme, en commençant par la motion conjointe (des Chefs de l'Ontario et de la Nation Nishnawbe Aski) visant à approuver l'accord définitif de l'Ontario».
Le gouvernement fédéral affirme également que la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations a imposé des «conditions déraisonnables aux négociations» et a encouragé les dirigeants des Premières Nations à rejeter l'accord.
«La Société de soutien a publiquement critiqué les réformes qu'elle avait acceptées auparavant, plaidant en faveur de sa nouvelle approche de réforme, a indiqué le gouvernement dans son document. Plutôt que d'aller de l'avant avec une réforme à long terme, l'approche de la Société de soutien a conduit les progrès dans l'impasse en raison de ses demandes fluctuantes et de son refus de faire des compromis.»
Mme Blackstock a allégué que la Société de soutien est restée constante sur sa position depuis plus d'un an et que, si de meilleures informations étaient disponibles, elle pourrait changer.
Interrogée sur l'allégation selon laquelle elle aurait encouragé les dirigeants à rejeter l'accord, Mme Blackstock a souligné avoir fait preuve de diligence raisonnable en analysant l'offre, tout comme les chefs.
Mme Blackstock n'a pas exclu de retourner devant les tribunaux.
«S'ils ne s'assoient pas de bonne foi, comme le premier ministre l'a promis, et s'ils ne s'engagent pas à conclure une entente qui mette fin à leur discrimination et empêche qu'elle ne se reproduise, alors oui, ils retourneront devant les tribunaux, a-t-elle déclaré. Nous y sommes allés plus de 30 fois, et les jeunes continuent de gagner parce que les faits sont tellement irréfutables contre le Canada.»
Alessia Passafiume, La Presse Canadienne