Lutte à la criminalité: les priorités du gouvernement Carney attendues


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Après une élection où les conservateurs ont mené une campagne très axée sur la lutte à criminalité, alors que les libéraux avaient promis des mesures plus sévères pour les infractions, comme le vol de voitures avec violence, le nouveau gouvernement minoritaire libéral doit mettre en oeuvre une série de nouvelles mesures s'attaquant à la criminalité.
Lisa Kerr, professeure agrégée à la faculté de droit de l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario, estime que les propositions sont «en général, plus sévères à l’égard des crimes, mais de manière ciblée sur les délinquants les plus graves».
Elle a nuancé toutefois qu’ils «préserveraient probablement encore le pouvoir discrétionnaire des procureurs de la Couronne et des juges pour répondre de manière appropriée aux cas individuels».
Les propositions comprennent des lignes directrices plus sévères en matière de remise en liberté sous caution et de détermination de la peine pour certains crimes, ainsi que la création de nouvelles infractions pénales impliquant l’intimidation dans les écoles et les lieux de culte, ainsi que l’exploitation sexuelle en ligne.
Justin Piché, professeur de criminologie à l’Université d’Ottawa, a déclaré que cela lui rappelle le moment où Bill Clinton est devenu président des États-Unis et a présenté des lois pour accroître le recours aux services policiers et aux prisons et imposer des peines plus sévères.
«Je ne pense pas nécessairement que c’est parce qu’il croyait en eux. Je pense que c’était parce qu’il ne voulait pas être dépassé par la droite sur ces questions et perdre le pouvoir et la capacité de gouverner plus largement», a-t-il déclaré.
Selon M. Piché, les libéraux ne voulaient pas que l'enjeu de la criminalité soit un problème pour eux.
Le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a passé une grande partie de la dernière campagne électorale fédérale à critiquer des politiques de justice pénale qu'il juge trop clémentes du gouvernement libéral précédent. Il a promis de contrer ces politiques par des mesures plus musclées, comme l’emprisonnement à perpétuité obligatoire pour les personnes reconnues coupables d'infractions multiples.
Lorsque les experts ont dit qu’un certain nombre de ces politiques seraient inconstitutionnelles, M. Poilievre a répliqué qu’il serait prêt à utiliser la clause dérogatoire pour les rendre légales.
Les libéraux ont présenté une liste de leurs propres politiques pour combattre la criminalité, y compris la promesse de «prendre des mesures énergiques» pour appliquer des lois plus strictes sur la remise en liberté sous caution pour un certain nombre d’infractions.
Ils se sont engagés à rendre la libération sous caution plus difficile à obtenir pour les personnes accusées de vols de voitures impliquant des actes de violence ou celles qui ont été menées pour le compte d’une organisation criminelle, ainsi que pour les cambriolages et certaines infractions liées à la traite de personnes et à la contrebande.
Mme Kerr a souligné que ceux qui prennent des décisions dans les tribunaux «sont déjà attentifs à la sécurité publique dans ces cas, et nous avons vu des taux plus élevés de détention en attendant le procès, notamment en Ontario depuis des décennies».
Des mesures déjà appliquées par les tribunaux
Michael Spratt, un avocat de la défense en droit criminel basé à Ottawa, a souligné que les personnes ayant des antécédents judiciaires et qui étaient en liberté sous conditions lorsqu’elles ont été arrêtées ou celles qui ont utilisé des armes pour commettre des crimes «font déjà face à une bataille ardue» pour obtenir une libération en versant un cautionnement.
«La promesse de sévir ou de traiter ces cas ignore sérieusement le fait que nos tribunaux le font déjà», a-t-il déclaré.
M. Spratt a donné l’exemple d’une promesse électorale des libéraux exigeant que les tribunaux interdisent aux individus de posséder des armes à feu ou des armes s’ils sont accusés d’une infraction avec violence ou d’une infraction impliquant une organisation criminelle. Il note que c'était pourtant déjà le cas.
L'avocat affirme que ces promesses sont «beaucoup moins dommageables pour nos institutions démocratiques que le marteau que les conservateurs et Pierre Poilievre voulaient utiliser pour sévir contre la criminalité en affaiblissant et en outrepassant les protections de la Charte».
La plateforme électorale du Parti libéral du Canada (PLC) promettait également des lignes directrices plus sévères en matière de peines pour les voleurs d’automobiles récidivistes ainsi que les crimes violents et organisés. Ils ont promis de permettre des peines consécutives pour certains cas de vol de voiture et d’infractions graves et violentes.
Les libéraux se sont également engagés à ériger en infraction criminelle le fait d’entraver intentionnellement l’accès aux lieux de culte, aux écoles et aux centres communautaires, ou encore d’intimider ou de menacer des personnes à ces endroits.
C’est une question que les conservateurs ont souvent utilisée pour attaquer les libéraux. Les libéraux ont été accusés par certaines organisations juives de ne pas en faire assez pour protéger les communautés juives des actes de violence et de haine.
Le chef libéral, Mark Carney, a également promis de faire de la distribution d'hypertrucages sexuels non consensuels une infraction pénale et d’introduire un projet de loi pour protéger les enfants contre l’exploitation sexuelle en ligne et l’extorsion.
Pour Mme Kerr, cet engagement est «juste une réponse raisonnable à l’évolution de la technologie». M. Spratt l’a appelée un exemple de «réforme positive de la justice pénale qui est vraiment nécessaire pour suivre le rythme des temps modernes».
Ces engagements des libéraux seront du ressort du nouveau ministre de la Justice, Sean Fraser. Il n’est pas clair quelles politiques promises seront des priorités du gouvernement. M. Carney a publié une seule lettre de mandat pour tous ses ministres et elle ne mentionne pas les politiques en matière de justice.
Le premier ministre a acquiescé d'un signe de tête à l’importance des questions criminelles pour son gouvernement en nommant Ruby Sahota au nouveau poste de secrétaire d’État pour la lutte contre le crime.
Anja Karadeglija, La Presse Canadienne