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Moratoire réclamé sur l'exploitation minière dans les océans

durée 13h29
30 avril 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — La Deep Sea Conservation Coalition (DSCC) réclame un moratoire mondial immédiat sur l'exploitation minière en eaux profondes, après qu’une compagnie canadienne eut demandé le premier permis d’exploitation minière dans l’océan à un gouvernement que la coalition qualifie d'«État voyou»: les États-Unis.

La DSCC, formée de plus de 130 organisations qui tentent de protéger les océans, condamne fortement l’entreprise canadienne The Metals Company (TMC) et l’administration Trump, pour leur démarche visant à exploiter des mines dans le plancher océanique.

«La décision de TMC, suite au décret présidentiel de l'administration Trump la semaine dernière sur l'exploitation minière en mer profonde, remet en cause le cadre juridique mondial régissant les fonds marins internationaux, va à l'encontre de l'opposition mondiale à cette industrie et menace la santé de l'un des derniers écosystèmes intacts de la planète», peut-on lire dans un communiqué publié par la Deep Sea Conservation Coalition.

«Alors que l'humanité est confrontée à une triple crise planétaire, la communauté internationale doit agir de toute urgence et avec détermination contre cette tentative inconsidérée d'exploitation minière industrielle des océans» et «nous appelons tous les États à adopter d'urgence un moratoire sur l'exploitation minière des grands fonds marins avant que des dommages irréversibles ne soient causés», a déclaré Sofia Tsenikli, directrice de campagne de la DSCC.

«Aucune entreprise ni aucun pays ne peut à lui seul décider du sort des grands fonds marins, patrimoine commun de l'humanité», a pour sa part fait valoir Emma Wilson, conseillère politique de la DSCC.

Une minière canadienne demande un permis à Trump

Lundi, l’entreprise canadienne TMC a annoncé que sa filiale américaine avait déposé des demandes pour exploiter les fonds marins auprès de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), une agence dirigée par le gouvernement américain.

Cette demande a été déposée moins d'une semaine après la publication par le président américain Donald Trump d'un décret ordonnant au secrétaire au Commerce d'accélérer l'examen et la délivrance des permis d'exploration et d'exploitation commerciale des fonds marins, entre autres.

«Grâce à ces demandes, nous offrons aux États-Unis une voie toute tracée vers de nouvelles sources abondantes de nickel, de cuivre, de cobalt et de manganèse, des métaux essentiels pour l'énergie, les infrastructures et la défense», a déclaré Gerard Barron, président-directeur général de The Metals Company, dans un communiqué.

Les États-Unis: «un État voyou»

Dans les eaux internationales, c’est l’Autorité internationale des fonds marins, dont fait partie le Canada, qui est chargée d'établir des règles qui permettraient, ou non, l’exploitation minière.

«Les décisions concernant l'avenir des fonds marins internationaux doivent être prises collectivement par toutes les nations, fondées sur la science, dans des conditions équitables et pacifiques, et non dictées par les ambitions inconsidérées d'acteurs voyous», a déclaré Emma Wilson, conseillère politique de la DSCC.

«Alors qu'un État voyou comme les États-Unis pose des défis sans précédent à la mise en œuvre et à l'application de nombreux traités et même du droit international coutumier codifié (la CNUDM), le Canada doit continuer à soutenir un moratoire», a pour sa part indiqué Sabaa Khan, directrice Climat et directrice générale pour le Québec et l’Atlantique à la Fondation David Suzuki.

Selon cette avocate, membre du Barreau du Québec, un moratoire sur l'exploitation minière des grands fonds marins est nécessaire, notamment en raison «des lacunes importantes dans notre compréhension scientifique de cet environnement et de l'absence d'un cadre réglementaire pour l'exploitation minière des grands fonds marins».

Détruire ce qu'on ne connaît pas

L'océan profond, situé à 200 mètres de la surface, est, selon les scientifiques du Deep-Ocean Stewardship Initiative (DOSI), le plus grand habitat du monde.

Il est essentiel à la régulation du climat mondial, car il garde en réserve le dioxyde de carbone et la chaleur et maintient la biodiversité.

L’organisation canadienne «Deep-Ocean Stewardship Initiative» estime que 28 000 espèces animales ont été nommées et identifiées dans l’océan profond, mais qu’environ 2,2 millions d'autres espèces marines sont inconnues des scientifiques.

L’extraction de minerai dans le plancher de l’océan détruirait donc l’habitat d’espèces que nous ne connaissons pas et dont on ignore le rôle dans l’équilibre de la biodiversité.

La Deep Sea Conservation Coalition a souligné que l'exploitation minière en eaux profondes causerait des dommages irréversibles à des écosystèmes qui ont évolué au fil de millions d'années.

«Il est totalement absurde de poursuivre une industrie aussi destructrice et spéculative, qui menace de causer des dommages permanents à travers l'océan, des pêcheries et de la biodiversité aux cultures et aux communautés côtières», a déclaré Matthew Gianni, conseiller politique de la DSCC.

Une trentaine de permis d'exploration

Depuis des années, les membres du conseil de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) débattent de l'opportunité et des modalités d'autorisation de l'exploitation minière en eaux profondes.

L'Autorité internationale des fonds marins a été créée en 1994 par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, ratifiée par plus de 165 pays, mais pas par les États-Unis.

Selon l’Associated Press, jusqu'à présent, l'AIFM n'a délivré que des permis d'exploration, la majeure partie de l'activité d'exploration étant concentrée dans la zone de fracture Clarion-Clipperton, qui couvre 4,5 millions de kilomètres carrés entre Hawaï et le Mexique. Au moins 17 des 31 permis ont été délivrés pour cette zone, l'exploration se déroulant à des profondeurs allant de 4000 à 6000 mètres.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne

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