Musique: quatre professionnels du Canada sur dix ont déjà pensé au suicide


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — La moitié des professionnels de l'industrie de la musique au Canada ont déjà estimé que la vie ne valait plus la peine d'être vécue, au point où quatre personnes sur dix ont déjà eu des idées suicidaires, prévient une nouvelle enquête.
Plus précisément, 42 % des participants ont répondu 'Oui' quand on leur a demandé s'ils ont déjà souhaité être morts ou s'ils ont déjà envisagé de mettre fin à leurs jours, comparativement à 12 % au sein de la population canadienne générale.
C'est notamment ce que révèleht les résultats préliminaires du sondage «En coulisse», une enquête sur la santé mentale dans l'industrie musicale canadienne menée par la firme Revelios en collaboration avec Unison et SOCAN.
«Je pense qu'il y a une croyance qu'ici, au Canada, c'est moins pire qu'ailleurs dans le monde, a dit Catherine Harrison, la présidente et fondatrice de la firme Revelios [La santé mentale à l’œuvre]. Mais les chiffres racontent une histoire complètement différente.»
L'enquête est axée exclusivement sur la santé mentale des travailleurs canadiens du secteur de la musique, notamment les artistes, les équipes de tournage, les producteurs, les gérants et les autres professionnels de l'industrie.
Quelque huit cents personnes y ont répondu jusqu'à maintenant, mais des réponses sont acceptées jusqu'au mois de septembre.
Les résultats préliminaires ont été dévoilés jeudi par Mme Harrison lors de la première édition du Departure Festival + Conference, à Toronto.
La quasi-totalité, soit 94 %, des personnes qui y ont répondu jusqu'à maintenant s'accordent pour dire que les problèmes de santé mentale sont récurrents dans l'industrie canadienne de la musique; 86 % des participants ont admis avoir été personnellement confrontés à des problèmes de santé mentale; et 95 % ont vu des collègues se retrouver dans de telles situations.
Les principaux symptômes rapportés par les participants au sondage sont un sentiment de culpabilité ou d'absence de valeur (66 %), une tristesse persistante (70 %), des troubles de sommeil (72 %), de la fatigue (74 %) et de l'anxiété (84 %). Huit personnes sur dix ont cité leur situation financière comme ayant un impact direct sur leur santé mentale.
«On dit qu'en ce moment, c'est le meilleur temps pour faire de la musique, que c'est facile de partager sa musique à travers le monde, a dit Mme Harrison. Mais en réalité, c'est très difficile pour les artistes, pour les gérants et pour les employés de gérer des changements rapides, par exemple en ce qui concerne les paiements ou la diffusion en continu.»
Huit participants sur dix ont aussi indiqué que leur environnement de travail n'est pas propice à la santé mentale, et 94 % d'entre eux sont d'avis que les leaders du secteur pourraient en faire plus.
Dans un même ordre d'idées, seulement 10 % des participants sont tout à fait d'accord pour dire que les dirigeants soutiennent activement la santé mentale au travail.
«Il n'y a pas de structure en place pour développer les aptitudes de leadership des gens qui sont en position de pouvoir, a dit Mme Harrison. Alors on a des environnements très vieux jeu, des structures de leadership militaire, de commandement et de contrôle, et ça créée encore plus de stress.»
Une majorité de femmes et d'individus non-binaires ont indiqué avoir été victimes de sexisme, contrairement aux hommes. Les participants blancs et hispaniques ont été les seuls à estimer que le racisme n'avait pas d'impact sur leur santé mentale. Les femmes et les participants non-blancs étaient nettement plus nombreux à déclarer des incidents de harcèlement. Et des expériences d'intimidation ont été rapportées par tous les groupes démographiques.
Et même si plusieurs grandes vedettes de la musique ont parlé ouvertement de leurs problèmes de santé mentale, a dit Mme Harrison, la réalité dans les tranchées demeure que le sujet est encore très difficile à aborder.
«Ça revient à la précarité du travail, a-t-elle expliqué. Si c'est un contrat, et si tu lèves la main pour admettre que tu as des problèmes de santé mentale, peut-être qu'on va donner le contrat à quelqu'un d'autre.»
On peut donc espérer que les données de l'enquête permettront de «créer des environnements de travail plus sains pour les professionnels de la musique à travers le pays», a conclu Mme Harrison, «pour qu'on arrête de penser que la seule solution est d'aller en thérapie ou de quitter le milieu».
L'enquête continuera à recueillir des réponses jusqu'au 30 septembre 2025. Un rapport final complet et une série de recommandations sont attendus pour le début de l'année 2026.
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Sur internet:
https://www.revelios.com/soundcheck/
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne