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Ottawa dit qu'un système bancaire ouvert sera mis en place «dès que possible»

durée 12h05
17 juin 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le gouvernement fédéral affirme qu'il présentera un projet de loi visant à mettre en œuvre un système bancaire ouvert «dès que possible», alors que certains défenseurs du projet préviennent que son élan pourrait être freiné.

Le système bancaire ouvert, ou les «services bancaires pour les gens», comme l'appelle Ottawa, vise à permettre aux Canadiens et aux entreprises de partager en toute sécurité leurs données financières avec des tiers autres que leurs banques.

Le système bancaire ouvert pourrait permettre aux Canadiens possédant plusieurs comptes auprès de différentes banques de consulter l'ensemble de leur situation financière sur un seul tableau de bord pratique. Il pourrait également aider les locataires à améliorer leur cote de crédit simplement en payant leur loyer à temps chaque mois.

D'autres pays ont mis en œuvre des systèmes bancaires ouverts, et les libéraux fédéraux ont adopté l'année dernière une première loi inaugurant un système bancaire ouvert au Canada.

Mais en arriver là – et maintenir la pression pour que la deuxième partie de ce projet de loi soit déposée – a été un véritable calvaire, a confié Alex Vronces, directeur général de Fintechs Canada.

«Je ne pense pas que le gouvernement ait vraiment compris au départ ce qu'était un système bancaire axé sur les clients», a-t-il déclaré.

Après des années d'études, Ottawa a lancé le projet de loi sur le système bancaire ouvert il y a environ un an, avec la loi d'exécution du budget fédéral de 2024.

Ce projet de loi a confié à l'Agence de la consommation en matière financière du Canada le mandat de piloter le cadre national du système bancaire ouvert. Une loi est toujours nécessaire pour mettre en œuvre un plan d'accréditation des fournisseurs de services et établir les règles communes que les institutions financières devront suivre.

Le gouvernement libéral a déclaré dans l'énoncé économique de l'automne 2024 qu'il envisageait la mise en œuvre du système bancaire ouvert pour le début de 2026.

Le Canada a toutefois connu des élections fédérales depuis l'élaboration de ces plans. Bien que les libéraux aient été reconduits au pouvoir avec un autre gouvernement minoritaire, aucune référence aux services bancaires axés sur les clients n'a figuré dans le programme électoral du parti.

De plus, le gouvernement du premier ministre Mark Carney n'a pas déposé de budget au printemps, alors qu'il l'utiliserait normalement pour définir ses priorités législatives.

La protection de la vie privée préoccupe

Natacha Boudrias, responsable de la stratégie de système bancaire ouvert de la Banque Nationale du Canada, a déclaré que le secteur manquait de «clarté» quant à la forme future des services bancaires axés sur les clients. Elle a affirmé que les élections du printemps ont probablement bloqué l'avancement du dossier.

«Nous espérons vivement que le gouvernement lancera les travaux le plus tôt possible afin d'éviter de nous retrouver coincés dans une boucle de consultations», a-t-elle fait valoir.

Un représentant du ministère des Finances du Canada a déclaré dans un communiqué de presse que le gouvernement restait déterminé à offrir des services bancaires axés sur les clients.

«Les éléments restants du cadre des services bancaires axés sur les clients seront introduits dès que possible, afin de garantir que les consommateurs et les entreprises canadiennes puissent bénéficier en toute sécurité d'outils qui les aident à réduire leurs coûts et à améliorer leurs résultats financiers», indique le communiqué.

Plutôt que d'attendre Ottawa, la Banque Nationale a mis en place son propre cadre bancaire ouvert qui permet aux entreprises de technologie financière qui développent des applications pour les Canadiens et les entreprises («fintechs») de se connecter à leurs bases de données pour partager des informations en toute sécurité avec la permission des utilisateurs.

Le statu quo en matière de partage de données financières est la «capture de données d'écran» ou «grattage d'écran», un processus qui consiste généralement à partager ses identifiants bancaires avec un tiers pour accéder aux informations nécessaires au fonctionnement d'une application.

Mme Boudrias a toutefois déclaré qu'il n'y avait aucun contrôle sur la quantité de données partagées par le biais de la capture de données d'écran : c'est tout ou rien, ce qui en fait un cauchemar potentiel en matière de protection de la vie privée.

Le système bancaire ouvert, idéalement, prend ce flux de données et le restreint, permettant aux utilisateurs de contrôler les informations consultées par une entreprise de technologie financière et la durée pendant laquelle elle peut y accéder.

«Il s'agit d'instaurer la confiance», a indiqué Mme Boudrias.

Un système qui arrive à un «moment charnière»

La commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada, Shereen Benzvy Miller, a abordé les risques du grattage d'écran dans les notes de son discours d'ouverture à l'Open Banking Expo de Toronto, mardi.

Mme Benzvy Miller a indiqué que les Canadiens partagent déjà largement leurs données avec des entreprises de technologie financière, mais qu'ils ne sont peut-être pas bien informés des risques encourus en matière de protection de la vie privée. Elle a ajouté qu'une partie de la mission de l'agence consistera à sensibiliser les consommateurs au système bancaire ouvert afin de renforcer la confiance.

«Nous envisageons un avenir – pas si lointain – où les consommateurs pourront partager leurs données financières en toute sécurité avec des fournisseurs dignes de confiance en appuyant sur un bouton, recevoir des conseils personnalisés en temps réel et passer d’un service à l’autre aussi facilement qu’ils changent d’appli», peut-on lire dans une copie de son discours disponible en ligne.

L'Agence de la consommation en matière financière du Canada sera chargée de créer et de valider un registre public des entreprises de technologie financière auxquelles les Canadiens et les fournisseurs de services financiers pourront faire confiance pour gérer leurs données en toute sécurité. Ces entreprises se verront attribuer un logo visuel pratique pour marquer leur accréditation.

Mme Benzvy Miller a indiqué que l'agence collabore également avec Finances Canada à l'établissement de règles communes pour le système et qu'elle attend avec impatience les modifications législatives proposées par le ministre des Finances.

Si ce projet de loi final n'est pas déposé prochainement, a dit Alex Vronces, l'agence sera coincée dans un «purgatoire réglementaire».

«Ils auront un mandat, mais ils ne pourront rien en faire», a-t-il déclaré.

En arriver là a été un long chemin pour M. Vronces, qui fait du lobbying au nom des entreprises de technologie financière canadiennes depuis environ sept ans.

Il a des raisons de croire que M. Carney sera un défenseur des services bancaires axés sur le client. M. Carney était gouverneur de la Banque d'Angleterre lorsque le Royaume-Uni a introduit un tel système en 2017.

La mise en œuvre du système bancaire ouvert arrive à un moment charnière, a soutenu M. Vronces, alors que M. Carney cherche à restructurer l'économie canadienne et à améliorer la productivité face aux bouleversements du commerce mondial.

Le système bancaire ouvert pourrait mettre le feu aux poudres dans le secteur financier canadien, a-t-il ajouté, car les grandes banques seraient contraintes de diversifier leurs services et de concurrencer le secteur plus vaste des technologies financières.

M. Vronces a déclaré que les premières discussions avec le gouvernement fédéral lui laissent espérer que la deuxième partie du projet de loi sera bientôt déposée, possiblement en même temps que le budget fédéral à l'automne.

Il a comparé le dossier du système bancaire ouvert à un magazine dont les articles et la mise en page sont déjà préparés, et dont il ne reste plus que quelques finitions à apporter.

«Ce n'est vraiment pas beaucoup de travail pour le gouvernement de tenir sa promesse, a-t-il affirmé. Il ne reste plus qu'à l'imprimer.»

Craig Lord, La Presse Canadienne

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