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Relocalisation à Rouyn-Noranda: une opportunité mais aussi des peurs et de l’angoisse

durée 07h00
17 mars 2023
La Presse Canadienne, 2023
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2023

ROUYN-NORANDA, Qc — L’annonce de la relocalisation de 200 familles a provoqué une onde de choc dans le quartier Notre-Dame à Rouyn-Noranda. Si certains citoyens y voient une occasion de quitter un secteur où les émissions d'arsenic de la Fonderie Horne sont associées à un risque estimé accru de cancer, d’autres appréhendent les prochains mois avec tristesse et angoisse.

Depuis qu’elle a appris, mercredi, qu’elle devra quitter le quartier où elle vit depuis 30 ans, Ginette Bédard est passée par toute la gamme des émotions.

La consternation des premières heures a fait place aux pleurs et à la peur.

«Ça ne fait pas mon affaire pantoute, ou est-ce que je vais aller moi, à mon âge, retraité? » se demande l’ancienne préposée aux bénéficiaires en retenant ses larmes.

Dans le quartier de madame Bédard, La Presse Canadienne a constaté que la neige, à plusieurs endroits, est saupoudrée de particules noires. 

Le CISSS de l'Abitibi-Témiscamingue a indiqué il y a quelques jours que des analyses sont en cours et selon Glencore, propriétaire de la fonderie, il s’agirait de poussières de concentré de cuivre.

«Depuis longtemps on sait qu’il y a des problèmes avec les retombées de la fonderie» et «ça sent, il y a de la poudre sur les chars, les pelouses, les toitures» a expliqué Ginette Bédard en faisant référence aux émissions de la fonderie qui abîment le mobilier urbain.

Malgré les risques pour la santé, surtout liés à l’arsenic, malgré l’odeur et le bruit des grandes cheminées, Ginette Bédard est très attachée au quartier Notre-Dame où vivent également ses petits-enfants.

«J’étais bien ici , j’étais tranquille ici, j’étais heureuse, j’ai mes habitudes» mais «présentement, je suis dans la noirceur totale, je suis découragée, je suis bien triste».

Son loyer lui coûte 550$ par mois.

«Je ne réussirai jamais à trouver un autre logement à ce prix-là et où on va aller, il n’y a pas de logement en ville», s’inquiète madame Bédard en s’interrogeant :

 «ll y en a des pires que moi dans le quartier, des pauvres qui ont de la misère, qu’est-ce qu’ils vont faire?».

En conférence de presse jeudi, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest a expliqué que les 200 familles visées par la relocalisation «pourront habiter leur demeure jusqu’à ce que leur nouvelle habitation soit prête».

Une somme de 58 millions $ devrait notamment servir à créer de nouvelles habitations afin de relocaliser les citoyens du secteur Notre-Dame. Mais la Ville et le gouvernement ignorent où et quand ces habitations seront érigées.

La ministre a également expliqué qu'une aide financière sera disponible pour les locataires qui se trouveront une habitation dont le coût du loyer est plus élevé que ce qu'ils paient actuellement.

Mais Ginette Bédard est sceptique, inquiète et confie ne pas faire confiance aux élus.

«Ils disent ben des affaires, mais les paroles s’envolent…».

La Ville de Rouyn-Noranda et le gouvernement du Québec sont conscients de la tâche délicate qui les attend.

«Le conseil veillera à ce que les citoyennes et les citoyens du quartier touché par la zone tampon soient informés et soutenus tout au long du processus», a déclaré la mairesse Diane Dallaire jeudi.

Si certains résidants du quartier Notre-Dame sont désemparés depuis l’annonce de la relocalisation, d’autres voient dans ce processus, une occasion de quitter un quartier qu’ils jugent dangereux pour leur santé.

C’est le cas d’Audrey-Anne Dostie, la voisine de Ginette Bédard.

«J’ai pensé plusieurs fois de partir», a expliqué la jeune femme qui a l’intention un jour d’avoir des enfants, «mais pas ici».

Elle a expliqué que si elle et son conjoint n’ont pas encore quitté le quartier, c’est en partie en raison du coût élevé des loyers ailleurs et de la pénurie de logements.

L’appréhension de négocier avec la multinationale

Le gouvernement du Québec et la Ville vont aider les locataires à se reloger, les propriétaires, eux, devront négocier avec la multinationale Glencore.

Celle-ci fera l’acquisition des immeubles de la «zone tampon», avant de les démolir.

Comment la multinationale déterminera-t-elle la valeur des bâtiments?

«En ce moment, les détails ne sont pas complétés», a répondu la représentante de l'entreprise Marie-Élise Viger, jeudi.

Marie-Ève Duclos, propriétaire d’un immeuble de quatre logements, entrevoit la vente de sa propriété avec une certaine appréhension.

«Jusqu’à quel point, moi, comme citoyenne, je vais être suffisamment outillée une fois assise en face d’une multinationale comme Glencore pour négocier quelque chose?», se demande la propriétaire en expliquant qu’elle s’inquiète de «sortir perdante de cette situation».

Marie-Ève Duclos se dit également très préoccupée par ce qui attend ses locataires.

«J’ai des locataires qui n’ont pas de voiture, ils ne peuvent pas être relocalisés en dehors de la ville, ici, ils sont à côté de tous les services, l’hôpital, les écoles, la pharmacie, c’est leur quartier, leurs liens sont ici, ça me préoccupe», a expliqué la femme en soulignant l’ampleur de la tâche qui attend les autorités.

«Il y a autant de situations à prendre en compte qu’il y a de personnes dans le quartier», a-t-elle résumé.

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a promis jeudi «qu’une équipe d’intervention en soutien psychosocial sera disponible en tout temps» pour ceux qui seront relocalisés.

La Ville de Rouyn-Noranda demande aux citoyens du quartier Notre-Dame de transmettre leurs coordonnées à la Ville, par le biais de son site Internet, ou d’appeler au (819) 797-7111 pour être tenus informés des différentes étapes.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne