Santé mentale: les aliments ultra-transformés contiennent des microplastiques


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Les aliments ultratransformés peuvent être une source importante, et souvent insoupçonnée, d'exposition aux microplastiques et aux nanoplastiques, ce qui peut avoir un impact sur la santé mentale, rappelle un nouveau texte notamment signé par un chercheur canadien.
Au moment où les niveaux d'aliments ultratransformés, de microplastiques et d'effets néfastes sur la santé mentale augmentent simultanément, disent les auteurs, «il est impératif d'étudier plus avant cette association potentielle. Après tout, on est ce que l'on mange».
«Les aliments ultratransformés sont connus pour contenir de fortes concentrations de microplastiques, en grande partie dues aux procédures de transformation et d'emballage, écrivent le docteur Nicholas Fabiano, de l'Université d'Ottawa, et ses collègues.
«À la lumière des récentes découvertes qui ont mis en évidence des concentrations alarmantes de microplastiques dans le cerveau humain, nous proposons que les microplastiques puissent partiellement médier les effets néfastes sur la santé mentale de l'augmentation de la consommation d'aliments ultratransformés.»
Si les risques pour la santé des aliments ultratransformés, d'un côté, et des microplastiques, de l'autre, sont de mieux en mieux connus de la population, on réalise rarement que les premiers peuvent être une source d'exposition importante aux deuxièmes.
Pourtant, a cité le docteur Fabiano en exemple, si on compare des pépites de poulet à des poitrines de poulet, les pépites contiennent trente fois plus de microplastiques par gramme.
«On lance un appel à l'action pour que des recherches supplémentaires soient menées sur le sujet afin de déterminer si les microplastiques jouent un rôle, car nous pensons qu'il y a des mesures à prendre si nous voyons qu'il y a des implications au-delà du niveau de l'éducation individuelle, mais aussi au niveau politique», a dit le docteur Fabiano en entrevue.
Les aliments ultratransformés sont ceux qui ont été produits industriellement et qui contiennent des ingrédients que l’on ne trouve généralement pas dans une cuisine familiale, comme des émulsifiants, des agents de conservation, des colorants et des arômes artificiels.
Cette vaste catégorie comprend des produits tels que les boissons gazeuses, les nouilles instantanées et les croustilles, ainsi que des aliments moins évidents comme les yaourts aromatisés et les pains complets préparés dans le commerce.
Selon les données les plus récentes dont on dispose, les aliments ultratransformés représentent près de 45 % de l’apport énergétique quotidien des Canadiens de 20 ans et plus.
Les particules de micro et de nanoplastiques proviennent de la dégradation d’articles de plastique plus gros. La taille des microplastiques va d’un micromètre (soit un millionième de mètre) à environ cinq millimètres. On mesure la taille des nanoplastiques en milliardièmes de mètre. En guise de comparaison, la circonférence d’un cheveu humain est d’environ 70 micromètres.
Les particules de nanoplastiques sont tellement infimes qu’elles peuvent entrer dans la circulation sanguine (par exemple, en franchissant la barrière intestinale) et se rendre directement aux organes.
Impacts sur la santé
L’impact sur la santé humaine de ces particules est encore mal compris, mais elles interfèrent possiblement avec le fonctionnement de certains organes (dont le cerveau) et avec celui du système reproducteur. Elles pourraient aussi avoir des propriétés cancérogènes, être une source de stress oxydatif et imiter l’action de certaines hormones (ce qu’on appelle des perturbateurs endocriniens).
On sait aussi que les microplastiques peuvent causer de l’inflammation, ce qui aura comme effet «d’ouvrir» des barrières cellulaires qui resteraient autrement fermées — des barrières comme la barrière hémato-encéphalique censée protéger le cerveau des indésirables.
Une étude américaine publiée plus tôt cette année prévenait ainsi que le cerveau humain contient en moyenne une cuillerée de microplastiques et de nanoplastiques, et qu'on ne peut pas exclure que cela ait un lien avec l'explosion des cas de démence.
Cette quantité, ajoutaient les chercheurs américains, est de trois à cinq fois plus élevée chez les individus qui ont reçu un diagnostic de démence. Pire encore, on retrouve de sept à trente fois plus de microplastiques et de nanoplastiques dans le cerveau que dans n'importe quel autre organe.
On a constaté une hausse alarmante de 50 % des concentrations de microplastiques et de nanoplastiques dans le cerveau entre 2016 et 2024, ce qui correspond à l'explosion exponentielle de la quantité de particules de plastique dans l'environnement.
«En ce qui concerne le système nerveux central, les microplastiques et les nanoplastiques peuvent induire un stress oxydatif susceptible de provoquer des dommages cellulaires et d'accroître la vulnérabilité aux troubles neuronaux, expliquent les auteurs. En particulier, il a été démontré que les microplastiques influencent (des) neurotransmetteurs (...) qui sont couramment impliqués dans les troubles neuropsychiatriques.»
Une étude publiée récemment par The BMJ et citée par les auteurs prévenait que les plus grands consommateurs d'aliments ultratransformés augmentaient de 22 % leur risque de dépression, de 48 % leur risque d'anxiété et de 41 % leur risque de problèmes de sommeil.
En revanche, disent les auteurs du nouveau texte, «il a été démontré que les personnes qui adhèrent à un régime alimentaire riche en nutriments, composé principalement d'aliments non transformés, présentent un risque plus faible d'effets néfastes sur la santé mentale».
Protection possible
Il est toutefois possible de se protéger, du moins partiellement, des dangers des microplastiques. Par exemple, le simple fait de délaisser l'eau embouteillée pour l'eau du robinet pourrait voir notre ingestion de microplastiques passer de 90 000 particules par année à 4000 particules par année, disent des experts.
L'eau embouteillée peut, à elle seule, représenter une exposition annuelle aux particules de microplastiques équivalente à l'exposition générée par toutes les autres sources combinées.
On recommande aussi d'abandonner les contenants de plastique au profit des contenants d'acier ou de verre pour entreposer et/ou réchauffer la nourriture.
Certains récipients en plastique peuvent libérer jusqu'à 4,22 millions de particules de microplastiques et 2,11 milliards de particules de nanoparticules de plastique à partir d'un seul centimètre carré de surface plastique dans les trois minutes suivant le chauffage par micro-ondes, indique le texte publié par le docteur Fabiano et ses collègues dans le journal Brain Medicine.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne