Un appel à encadrer l'étiquetage des «lingettes jetables» dans la toilette


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Un mémoire du Réseau Environnement recommande d’encadrer et de certifier l’étiquetage des lingettes dites «jetables» dans les toilettes, car ces produits, souligne le réseau, représentent un fléau pour les réseaux d'égouts municipaux, causent de la pollution et coûtent une fortune aux municipalités.
Le rejet de ces lingettes dans les toilettes provoque «des impacts environnementaux, économiques et infrastructurels majeurs» pour les municipalités québécoises, souligne un mémoire du Réseau Environnement, qui regroupe des experts des domaines publics, privé et universitaire.
Les lingettes obstruent les égouts et les stations de pompage, accélèrent l’usure des équipements et augmentent les interventions de maintenance.
Le mémoire souligne d’ailleurs que l’Association canadienne des eaux potables et usées (ACEPU) estime à 250 millions $ par an les coûts pour les municipalités pour retirer les amas qui obstruent les égouts.
Conséquences environnementales
Les lingettes, dont plusieurs contiennent de grandes quantités de plastique, se coincent dans les tuyaux et collectent la graisse, davantage de lingettes et d'autres saletés.
Le résultat: des amoncellements gigantesques de graisses (appelés fatbergs en anglais) qui ne se désintègrent pas d'eux-mêmes.
Le mémoire du Réseau Environnement souligne également qu’en raison de leur composition, souvent à base de plastique non biodégradable, les lingettes contribuent à la pollution des sols et des océans et ont une longévité préoccupante dans les milieux naturels.
Les obstructions causées par les lingettes peuvent également causer des débordements du réseau et créer des déversements d'eaux usées non traitées dans l'environnement, selon le mémoire.
Le rejet d'eaux usées dans des lacs et rivières peut entraîner plusieurs conséquences, dont une diminution significative des niveaux d’oxygène dissous.
«Cette baisse peut atteindre un seuil critique, provoquant l’asphyxie et la mort des espèces aquatiques», souligne le mémoire du Réseau Environnement.
Des lingettes qui ne sont pas jetables dans les toilettes
Le Réseau Environnement souligne que des lingettes identifiées par les manufacturiers comme étant «jetables dans les toilettes» ne le sont pas en réalité.
Le mémoire fait référence à plusieurs études, dont une menée par l’Université Ryerson il y a quelques années et qui a révélé que 23 sortes de lingettes étiquetées comme «jetables dans des toilettes» ne l’étaient pas.
Selon les experts du Réseau Environnement, seuls «les produits ayant subi des tests rigoureux prouvant leur biodégradabilité et leur innocuité pour les infrastructures» doivent être considérés comme «jetables dans les toilettes».
Ainsi, le réseau recommande au Québec d’adopter un règlement qui obligerait l’apposition des logos créés par l’International Water Services Flushability Group (IWSFG) sur tous les emballages de lingettes.
L’IWSFG a créé un logo «flushable» pour identifier les produits ayant passé le test standard de désintégration dans la toilette et un logo «non flushable» pour les lingettes qui ne peuvent pas être disposées à la toilette.
«La confusion autour des étiquetages trompeurs serait réduite, voire éliminée, et les efforts de sensibilisation de Réseau Environnement et des municipalités aux impacts des lingettes “non flushables” sur les infrastructures seraient renforcés par l’adoption des logos», peut-on lire dans le mémoire.
Le mémoire souligne qu’actuellement, plusieurs fabricants apposent «des mentions ambiguës sur leurs emballages» qui induisent les consommateurs en erreur.
Certaines lingettes sont étiquetées comme «biodégradables» ou «jetables», alors qu’elles ne répondent pas aux critères rigoureux de désintégration et risquent d’abîmer les systèmes d’égouts.
Un sondage mené par Réseau Environnement auprès de ses municipalités membres montre que «90 % des répondants soutiennent que les lingettes créent une usure prématurée des équipements, 60 % affirment qu’elles doivent augmenter leur entretien préventif et 30 % affirment que les mauvais fonctionnements entraînaient un remplacement des équipements par des équipements plus onéreux».
La «capacité des infrastructures à fournir les services essentiels prévus» est donc mise à l’épreuve par le rejet de lingettes dans les égouts, selon le mémoire, qui souligne que «le secteur du traitement de l’eau représente un service essentiel ayant des impacts directs sur la santé publique» et que «maintenir un haut niveau de qualité des services est donc impératif».
Réseau Environnement recommande également la mise en place de «campagnes de sensibilisation nationales» pour réduire l'impact négatif des lingettes.
Le réseau appelle aussi à une action concertée de la part des municipalités, gouvernements, industries, manufacturiers de lingettes et citoyens pour «limiter les dommages actuels», mais aussi pour «prévenir de futures crises liées à la gestion des déchets sanitaires dans les infrastructures d’eau».
Stéphane Blais, La Presse Canadienne