Un chef autochtone affirme avoir informé la police des manifestations à venir


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Un chef régional de la Première Nation Anishinabek a indiqué avoir informé la Police provinciale de l'Ontario jeudi de ce à quoi il faut s'attendre lorsque les Premières Nations descendront dans la rue pour protester contre des lois provinciales et fédérales visant à accélérer les grands projets.
Scott McLeod a mentionné avoir été invité par un coordonnateur des relations avec les Autochtones à informer les agents du quartier général de la Police provinciale de l'Ontario à Orillia des raisons pour lesquelles les Premières Nations s'opposent à ces lois et considèrent ces projets de loi comme une violation des traités conclus avec la Couronne.
«Ces territoires n'attendent pas que vous veniez y exploiter les ressources. Ce sont des établissements d'enseignement. Ce sont des épiceries. Ce sont des pharmacies pour nos médicaments», a expliqué M. McLeod lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne.
«Les dirigeants des Premières Nations de l'Ontario ont toujours dit que nous ne sommes pas contre le développement, mais que celui-ci doit se faire dans l'esprit et l'intention du traité. (…) Il ne s'agit pas simplement de nous envoyer vers les sociétés minières pour obtenir des ententes sur les répercussions et les avantages», a-t-il ajouté.
Les gouvernements fédéral et provinciaux ont présenté des projets de loi visant à accélérer le développement en réponse à des relations commerciales de plus en plus incertaines avec les États-Unis sous la présidence de Donald Trump.
L'Ontario et le gouvernement fédéral ont tous deux présenté des projets de loi à procédure accélérée. L'Assemblée législative de l'Ontario a adopté le projet de loi 5 la semaine dernière, et le gouvernement du premier ministre Mark Carney prévoit d'accélérer l'adoption de son propre projet de loi C-5 à la Chambre des communes d'ici la fin de la semaine prochaine.
La loi ontarienne créerait des «zones économiques spéciales» où la province pourrait suspendre les lois provinciales et municipales. Le gouvernement de Doug Ford devrait désigner le Cercle de feu, dans le nord de l'Ontario, comme la première zone de ce type, malgré des années de résistance de la part des Premières Nations.
Le projet de loi fédéral comporte deux parties: l'une visant à éliminer les obstacles fédéraux au commerce intérieur et l'autre à accélérer le traitement des grands projets. Il établit cinq critères pour déterminer si un projet est dans l'«intérêt national».
Début des manifestations
Des chefs ontariens ont organisé des manifestations devant Queen's Park pour s'opposer à la loi provinciale, qui, selon eux, viole leurs droits. Entre-temps, les dirigeants des Premières Nations ont averti Ottawa qu'il s'attendait à se retrouver devant les tribunaux s'il ne consultait pas adéquatement les Premières Nations sur sa propre législation.
Selon M. McLeod, «la paralysie de l'économie ontarienne n'était pas exclue» et si la police voulait «éviter un autre Dudley George», elle devait comprendre la position des Premières Nations.
Dudley George a été tué par balle lors de la crise d'Ipperwash en 1995, lorsque des membres de la Première Nation de Kettle et Stony Point et leurs partisans ont occupé un parc provincial construit sur des terres qui leur avaient été confisquées en 1942.
M. McLeod a précisé avoir déclaré à la police que les Premières Nations respectaient leurs propres lois en manifestant contre les lois, tandis que les gouvernements violaient leurs obligations découlant des traités.
«Ce n'est pas un hasard si nous recevons ces projets de loi presque identique», a avancé M. McLeod. Il n'y a aucun honneur à ce que la Couronne se soumette à ces processus. Et cela va non seulement déclencher le mouvement Idle No More 2.0 en Ontario, mais aussi un mouvement national Idle No More».
Idle No More était un mouvement de protestation de 2012 contre le projet de loi omnibus C-45, présenté par le gouvernement de Stephen Harper, alors premier ministre.
Les dirigeants autochtones ont déclaré que ce projet de loi, destiné à accélérer l'exploitation des ressources, bafouerait leurs droits tout en donnant aux gouvernements et aux entreprises davantage de pouvoir pour exploiter les ressources sans évaluations environnementales approfondies.
Les dirigeants alliés au mouvement Idle No More ont organisé des manifestations, des rassemblements et des barrages sur les voies ferrées et les autoroutes, obtenant ainsi un large soutien partout au pays.
D'après M. McLeod, en expliquant à la police les relations fondées sur les traités que les gouvernements, selon lui, brisent, «ils ressemblaient à des cerfs pris dans les phares».
«Tout le Canada repose sur les traités. Ne pas tenir compte de ces traités revient à mépriser le Canada lui-même», a-t-il soutenu.
La Police provinciale de l'Ontario n'a pas immédiatement répondu à une demande de réaction.
M. McLeod a affirmé que la diplomatie des chefs avait échoué et que les opérations étaient désormais entre les mains de la base.
«Ce sont nos soldats sur le terrain qui représenteront la résistance ultime à tout développement sur nos territoires, et ils ont clairement indiqué que la paralysie de l'économie ontarienne n'était pas exclue, a-t-il avancé. Cela signifie les autoroutes, les chemins de fer, tout ce qui est tenu pour acquis sur nos territoires.»
Alessia Passafiume, La Presse Canadienne