Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Une ministre israélienne refuse les enquêtes externes sur Gaza

durée 08h20
8 juillet 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Alors que le Canada intensifie ses critiques sur la manière dont Israël mène la guerre à Gaza, une ministre israélienne affirme que son gouvernement ne se soumettra pas aux enquêtes internationales sur le conflit, qui, selon elle, visent à saper la légitimité de l'État.

«Nous sommes une démocratie dotée d'un système de freins et contrepoids et d'un système judiciaire robuste», a souligné Sharren Haskel, vice-ministre israélienne des Affaires étrangères.

Mme Haskel est née à Toronto et son rôle au sein du cabinet israélien fait d'elle l'équivalent d'une ministre déléguée au Canada.

Lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne, elle a affirmé que le Canada devrait en faire davantage pour lutter contre les menaces posées par l'Iran à l'étranger et l'antisémitisme au pays.

«Je ne suis pas certaine que le Canadien moyen puisse vraiment comprendre ce que signifie lutter contre une organisation terroriste djihadiste radicale sur six fronts différents», a-t-elle soutenu.

Elle a déclaré que les Israéliens combattent l'Iran et ses alliés, comme le Hezbollah au Liban, le mouvement houthiste au Yémen et le Hamas dans les territoires palestiniens. Le régime iranien appelle depuis des années à la destruction d'Israël.

Mais le Canada exprime de plus en plus d'inquiétudes sur le nombre de victimes à Gaza, sur les tactiques israéliennes sur le territoire, ainsi que sur la manière dont les soldats d'occupation israéliens patrouillent en Cisjordanie.

Mme Haskel plaide qu'Ottawa devrait laisser Israël enquêter sur ces enjeux.

Le Hamas a attaqué Israël le 7 octobre 2023, provoquant le massacre de Juifs le plus meurtrier depuis la Shoah. Le Hamas et ses affiliés ont tué 1200 personnes en Israël et pris 251 autres en otage; ils en détiennent encore une cinquantaine.

L'attaque a incité Israël à bombarder Gaza. Les responsables du Hamas affirment que les actions militaires israéliennes, notamment les frappes contre des hôpitaux et des camps de réfugiés, ont tué près de 60 000 Palestiniens depuis.

Pressions du Canada

Le Canada a averti à plusieurs reprises qu'Israël pourrait violer le droit international humanitaire – une préoccupation exprimée avec une force croissante par le gouvernement du premier ministre Mark Carney depuis les élections fédérales d'avril.

En mai, M. Carney s'est joint à la France et au Royaume-Uni pour menacer Israël de «mesures concrètes» en raison des restrictions à l'aide humanitaire à destination de la bande de Gaza et de l'expansion des colonies illégales en Cisjordanie.

En juin, Ottawa s'est joint à l'Australie et d'autres pays pour sanctionner deux ministres israéliens d'extrême droite accusés d'avoir incité à la violence contre les Palestiniens.

Le gouvernement israélien a autorisé la nouvelle Fondation humanitaire de Gaza à distribuer de l'aide dans quelques endroits de Gaza, sous la supervision des troupes israéliennes, fermant ainsi des centaines de sites gérés par des agences internationales sur tout le territoire.

Israël affirme avoir dû prendre cette mesure pour empêcher l'aide d'atteindre le Hamas, qui vendait des fournitures vitales et de la nourriture pour payer ses combattants. La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a déclaré que cela équivalait à ce qu'Israël utilise la nourriture comme un outil politique.

Le gouvernement Carney s'est déclaré le mois dernier «profondément alarmé» par les informations faisant état de centaines de morts dans des «scènes de chaos et des conditions effroyables, alors que la population de Gaza tente d'accéder à une aide limitée».

Au cours des 18 derniers mois, le Canada a réclamé des enquêtes sur de multiples incidents impliquant des civils, notamment le meurtre, en avril 2024, du travailleur humanitaire canadien Jacob Flickinger, l'un des sept employés de World Central Kitchen tués par des frappes aériennes israéliennes alors qu'ils livraient de la nourriture.

Le Canada a également exigé des réponses concernant la démolition, en juillet 2024, par des soldats israéliens d'une importante installation d'approvisionnement en eau dans une zone de la bande de Gaza où l'aide canadienne est souvent acheminée.

En mai, la ministre Anand a convoqué l'ambassadeur d'Israël après que sa force d'occupation en Cisjordanie eut tiré des coups de feu à proximité de diplomates canadiens et d'autres diplomates lors d'une évaluation humanitaire du camp de réfugiés de Jénine.

Les pertes civiles sont «involontaires»

Israël a résisté aux appels visant à instaurer une enquête internationale sur ces incidents et n'a pas fourni ses propres conclusions à Ottawa.

Le gouvernement israélien n'autorise pas non plus les journalistes à se rendre à Gaza, sauf s'ils sont intégrés aux soldats israéliens – une pratique sans précédent dans les guerres modernes, selon Reporters sans frontières.

Sharren Haskel a déclaré que tout incident impliquant des civils blessés ou tués par des soldats israéliens est involontaire. Elle a ajouté qu'Israël s'efforce de respecter le droit humanitaire en avertissant et en évacuant les populations avant les opérations militaires.

Elle a reconnu que des «erreurs» se produisent à Gaza, car il s'agit d'un territoire densément peuplé, où le Hamas s'incruste parmi les civils. Et, selon elle, il le fait intentionnellement, car les morts civiles accentuent la pression internationale sur Israël pour qu'il cesse de combattre le Hamas.

Le Canada change de cap

Mme Haskel soutient que les Nations unies ciblent injustement Israël tout en accordant moins d'attention aux actions des dictatures brutales – une position que le Canada a reprise pendant des années, rejetant la plupart des motions de l'ONU critiquant Israël.

Cette position a changé en décembre 2023, lorsque le Canada a commencé à s'abstenir, voire à approuver, les motions dénonçant Israël.

Bob Rae, ambassadeur du Canada auprès de l'ONU, a exprimé ses inquiétudes concernant les politiques israéliennes qui compromettent la vision d'Ottawa, qui prône depuis des décennies la coexistence pacifique d'un État palestinien aux côtés d'Israël.

M. Rae a voté le mois dernier en faveur d'une motion de l'ONU exigeant un cessez-le-feu, affirmant qu'«il est incontestable et indéniable que la situation humanitaire à Gaza est intolérable» et accusant Israël de tuer un nombre «odieux» de civils en bloquant l'aide humanitaire.

La paix, en neutralisant les menaces

La ministre Haskel a assuré qu'Israël souhaite la paix avec ses voisins, mais elle soutient qu'il doit neutraliser les menaces qui pèsent sur l'existence du pays. Elle a expliqué que c'est la raison pour laquelle Israël a lancé des frappes aériennes contre l'Iran – la République islamique enrichit de l'uranium, mais insiste sur le fait qu'elle ne fabrique pas d'arme nucléaire.

L'Iran a riposté par des frappes contre Israël. Mme Haskel dit avoir dû installer ses trois filles, dont l'aînée n'a que quatre ans, dans un abri antiaérien pendant cette campagne de 12 jours.

Elle affirme avoir modifié une commode pour créer un lit superposé improvisé dans l'abri, afin qu'elles puissent y dormir toute la nuit au lieu de s'y réfugier à répétition. Elle a dit qu'elle chantait parfois à ses enfants pour les distraire du bruit des explosions.

«Comment expliquer cela aux bébés? Les voir commencer à avoir peur à chaque fois qu'ils entendent l'alarme, sachant que les missiles et les roquettes arrivent», a-t-elle relaté.

«La seule chose qui nous est venue à l'esprit, en tant qu'Israéliens, c'est qu'en ce moment, nous assurons leur avenir et les protégeons d'une véritable Shoah nucléaire.»

Dylan Robertson, La Presse Canadienne

app-store-badge google-play-badge