Une Néo-Écossaise qui a passé 16 jours en «cellule sèche» règle sa poursuite civile


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Par La Presse Canadienne, 2024
HALIFAX — Une femme qui affirme avoir subi une peine cruelle et inhabituelle dans une prison de la Nouvelle-Écosse a conclu un règlement à l'amiable dans une poursuite civile qu'elle avait intentée contre le procureur général fédéral, il y a près de cinq ans.
Lisa Adams a intenté cette poursuite après avoir été placée en isolement dans ce qu'on appelle communément une «cellule sèche» pendant 16 jours.
Les «cellules sèches» sont dépourvues de toilettes et d'eau courante. Elles servent à surveiller les détenus afin de déterminer s'ils ont ingéré des produits de contrebande ou s'ils les ont cachés dans une cavité corporelle.
L'avocat de Mme Adams, Mike Dull, a publié une brève déclaration confirmant le règlement, mais il a affirmé qu'il ne pouvait en divulguer les termes ni les détails concernant l'indemnisation financière.
«Le plaidoyer de Mme Adams relativement à l'utilisation des cellules sèches dans les établissements correctionnels canadiens – une pratique invasive, dégradante et illégale – a entraîné un changement national. Grâce à son courage, cette pratique néfaste est désormais interdite partout au Canada», a indiqué M. Dull dans un communiqué, lundi.
Dans une déclaration déposée en novembre 2020 à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, Mme Adams affirmait avoir été enfermée dans une «cellule sèche» après que des agents correctionnels de l'Établissement Nova pour femmes de Truro l'aient accusée à tort d'avoir caché de la drogue dans son vagin dans des «paquets ressemblant à des ballons».
Elle y souligne que les conditions de détention étaient «dures, humiliantes et néfastes».
Dans une autre affaire judiciaire, un juge de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a statué en novembre 2021 que les droits constitutionnels de Mme Adams avaient été violés et a ordonné à Ottawa de réformer les dispositions du droit correctionnel discriminatoires à l'égard des femmes.
Dans sa décision, le juge John Keith a estimé que la loi ne tenait pas compte du fait qu'une substance soupçonnée d'être cachée dans le vagin d'une femme ne serait pas nécessairement expulsée pendant la détention. Il a déclaré que cela créait un risque que les femmes soient injustement détenues.
Comme il s'agissait d'un recours fondé sur la Charte qui répondait à une question de droit, Mme Adams n'a pas reçu d'indemnisation.
Des problèmes de santé mentale exacerbés
Dans sa déclaration de 2020 relative à sa poursuite civile en dommages-intérêts, Mme Adams affirmait avoir été incarcérée à la prison de Truro après avoir été accusée d'avoir consommé de la méthamphétamine en cristaux («crystal meth») dans un centre résidentiel communautaire du Cap-Breton le 2 mai 2020.
La déclaration indique que ses antécédents bien documentés de problèmes de santé mentale ont été exacerbés par son long séjour en «cellule sèche».
«Le premier jour de son placement (le 6 mai 2020), le chef par intérim des services de santé de la prison a exprimé sa crainte qu'un séjour prolongé dans un tel environnement entraîne une détérioration de sa santé mentale», indique la déclaration, ajoutant que Mme Adams a nié à plusieurs reprises avoir possédé des objets de contrebande.
Elle a commencé à avoir des pensées suicidaires à mesure que sa santé mentale déclinait, selon un agent de santé, dont les observations ont été ignorées par le personnel pénitentiaire, indique la déclaration.
La requête mentionne aussi que Mme Adams a été placée en «cellule sèche» sans justification légale et soumise à des conditions inacceptables, notamment une exposition constante à des lumières vives, une surveillance constante de toutes les douches et toilettes, le refus de tout contact humain, le refus de privilèges extérieurs et une observation constante derrière une paroi vitrée.
La poursuite allègue que le Service correctionnel du Canada avait un devoir de diligence envers Mme Adams, mais qu'il a fait preuve de négligence en ne protégeant pas ses besoins physiques et émotionnels et en «autorisant des châtiments cruels, inhabituels et excessifs». Selon la poursuite, les autorités pénitentiaires ont également ignoré les preuves médicales de préjudice grave.
Dans une déclaration de défense, le procureur général du Canada a rapporté qu'un échantillon d'urine prélevé après le placement de Mme Adams en «cellule sèche» indiquait qu'elle avait ingéré des méthamphétamines après son arrivée à la prison.
Le document précise également qu'elle a bénéficié d'un accès raisonnable à un avocat et à des soins médicaux, et qu’elle a refusé les examens des cavités corporelles et les radiographies les 12 et 13 mai 2020.
La déclaration indique toutefois que le gouvernement fédéral «reconnaît que le confinement de la plaignante en cellule sèche dans les circonstances de cette affaire était regrettable».
En avril 2022, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il interdirait le placement en «cellule sèche» pour les détenues soupçonnées de transporter des objets interdits dans leur vagin.
En octobre 2024, Ottawa a adopté un règlement visant à limiter la durée des détentions en «cellule sèche», à améliorer la surveillance des détenues et à commencer à utiliser des scanners corporels pour détecter les objets interdits.
Michael MacDonald, La Presse Canadienne