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Pourquoi ce nom bizarre de rivière Famine?

durée 04h00
28 février 2021
duréeTemps de lecture 162 minutes
Par
Pierre Morin

LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE SARTIGAN

Depuis le temps que tous se demandent pourquoi on a affublé cette rivière d'un nom aussi péjoratif, voici ce que l'histoire nous révèle. Les premiers occupants de Sartigan (nom original de Saint-Georges il y a 350 ans) furent différentes tribus indiennes (les Premières Nations), principalement les Algonquins, les Abénakis et les Hurons. Comme chaque tribu avait sa propre langue, ceux-ci lui donnèrent à tour de rôle des noms très imagés ayant souvent une signification décrivant une caractéristique de ce cours d'eau qui aboutissait dans la rivière Chaudière: Mesakkikkan (Méchatigan en langue abénakise), Mataka, Ohonradiche (langue huronne, plan 2 de 1760), Wastenemantik (langue algonquine, plan 3 de 1783), Manosaisibo... Les premiers européens arrivés dans la région furent les français dont le premier ayant exploré le territoire fut le Père Gabriel Druillettes qui y fit plusieurs grands voyages, notamment en 1646, 1650, 1652 et 1659. Il n'y avait pas de route sur ce vaste territoire sauvage, alors fallait utiliser les rivières pour parcourir cette nouvelle grande contrée. Des expéditions longues et difficiles, il partait généralement en mai et ne revenait qu'à l'été suivant. En 1646, il passa tout l'hiver avec les Abénakis et ne revint à Québec qu'à l'été 1647. À la suivante, en 1650, il parcourut en canot et souvent à faire du portage entre les lacs et les rivières environ 300 miles (480 km), une distance énorme qui lui prit des mois, guidé par des indiens, se rendant jusqu'à Augusta dans le Maine et aussi en Acadie. Mais les Français voulaient occuper tout le territoire (qu'ils prétendaient désormais appartenir aux premiers colonisateurs, soit à la France). C'est pourquoi, deux ans plus tard, en 1652, il est revenu à Sartigan (Saint-Georges) dans le but de trouver de nouvelles routes fluviales. Il projette alors se rendre sur la rivière Kennebec dans le Maine. Mais, par erreur ou pour trouver une nouvelle route, plutôt que de prendre la rivière Chaudière puis Du Loup, il emprunte la rivière Famine (ce n'était pas encore son nom), qui le mène vers des lieux inconnus (rivière Daaquam, rivière Aroostook, rivière Saint-Jean etc) dans d'interminables forêts. Ils réalisent trop tard qu'ils se sont trompés et qu'ils sont égarés. S'étant rendu compte de leur erreur, ils doivent rebrousser chemin. Voyage effroyable, par un détour énorme, puisqu'il leur a fallu refaire le trajet inverse pour aboutir à leur point de départ. Tous arrivèrent complètement épuisés et affamés à la rivière Famine. Pour survivre, le Père Druillettes a dû manger en chemin la cuir bouilli de ses souliers, de sa camisole en peau d'orignal et les cordes (babiche) de ses raquettes. Ce sont pratiquement des squelettes à l'agonie qui ont réapparu miraculeusement à Saint-Georges plusieurs semaines après leur départ. «On a vécu la pire des famines sur cette rivière», ont-ils dû déclarer. Cette scène apocalyptique a incrusté dans l'imagination populaire un lien durable entre cette rivière et une famine. Les origines de cette appellation remontent donc à cette époque, en 1652. On s'est mis à l'appeler la rivière de la famine, en référence à ces tristes événements, et ce nom est resté. Aujourd'hui, 368 ans plus tard, c'est la rivière Famine avec un grand «F», le nom officiel. Croyez-le ou non, le Père Druillettes a continué ses explorations pendant encore plusieurs années dans d'autres régions du Québec. On lui a consacré une plaque commémorative au Parc des Rapides du Diable à Beauceville (photo 4).

Photo 1 du fonds Claude Loubier. Plan 2 courtoisie de Gérard Jacques. Plan 3 courtoisie de Louis-Marie Poulin. Recherches de Pierre Morin, André Bisson et Gérard Jacques. Texte et photo 4 de Pierre Morin.


 Fondée en 1992, la Société Historique Sartigan est un organisme à but non-lucratif,
financé par les dons, dont la mission est la protection, l'interprétation, la valorisation
et la diffusion du patrimoine de Saint-Georges et de ses environs.

 


Centre culturel Marie-Fitzbach (4e étage)
250,18e Rue, CP 6
St-Georges (Qc) G5Y 4S9

418 227-6176
www.shsartigan.com  -  [email protected]

facebook.com/shsartigan

 

 

commentairesCommentaires

2

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  • SP
    Simon Poulin
    temps Il y a 3 ans
    Très bon article!
  • MAG
    Marc-André Giroux
    temps Il y a 3 ans
    Belle histoire , mais c’est quand même un peu difficile de s’imaginer de naviguer sur la rivière Famine avec un ou deux pieds de profondeur sur la plupart du parcours et en plus en amont à partir de la rivière chaudière !!!!