Anand adopte des approches différentes pour créer des ponts avec la Chine et l'Inde


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, se rendra en Inde et en Chine dans les prochaines semaines. Elle prévoit y adopter deux approches distinctes pour renouer les liens tendus avec les deux pays les plus peuplés du monde.
«Je ne pense pas qu'il soit judicieux de regrouper des pays d'une même région du monde, et certainement pas ces deux-là», a mentionné Mme Anand à La Presse Canadienne.
«Nos relations avec chacun de ces pays sont distinctes et nous les abordons très différemment», a-t-elle ajouté.
Mme Anand s'est exprimée lundi après la semaine de haut niveau de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, où elle a passé plusieurs jours à rencontrer ses homologues étrangers afin de définir la politique étrangère du Canada.
Ces rencontres ont permis à Mme Anand de distinguer l'approche du gouvernement du premier ministre Mark Carney en matière de politique étrangère de celle de son prédécesseur, Justin Trudeau.
Mme Anand poursuit une politique étrangère davantage axée sur le renforcement de la sécurité et de la résilience économique du Canada dans un contexte mondial instable.
Cette approche comprend le rétablissement des liens avec l'Inde et la Chine.
«À l'heure où les pays optent pour une voie plus protectionniste, mon objectif en tant que ministre est de bâtir des ponts partout où cela est possible, a souligné Mme Anand. À une époque où nous voyons des pays défendre leurs propres intérêts souverains, il existe des points communs. Il existe des moyens de coopérer et il y a tout lieu de continuer à soutenir les institutions multilatérales.»
Mme Anand se rendra en Chine et en Inde à la mi-octobre. Elle a indiqué que les deux étapes seraient très différentes.
Renouer avec l'Inde
Elle a rencontré lundi le ministre indien des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, à l'ONU, après que les deux pays ont rétabli leurs principaux envoyés.
«La nomination de hauts-commissaires est la bienvenue, car nous renouons nos liens. Nous avons discuté de nouvelles mesures à cet égard», a écrit M. Jaishankar dans un message publié sur les réseaux sociaux après la réunion.
La ministre Anand a précisé que, si l'Inde et le Canada «continuent de renforcer leurs relations diplomatiques», il s'agit d'un processus graduel qui se déroule uniquement parce que l'Inde prend au sérieux les préoccupations d'Ottawa concernant la répression transnationale et l'ingérence étrangère.
«L'approche progressive garantira en tout temps un dialogue sur l'application de la loi entre le Canada et l'Inde au niveau officiel, afin que les intérêts du Canada en matière de sécurité publique ne soient jamais négligés», a-t-elle mentionné.
La conseillère à la sécurité nationale du Canada, Nathalie Drouin, a rencontré son homologue indien à New Delhi le mois dernier, tandis que de hauts fonctionnaires indiens ont également accueilli le sous-ministre d'Affaires mondiales Canada, David Morrison, haut fonctionnaire du service extérieur.
Les responsables ont discuté des moyens de promouvoir les échanges commerciaux et de garantir que les préoccupations en matière de sécurité puissent être résolues sans compromettre les relations bilatérales. Les deux parties ont décrit ce processus comme un processus de rétablissement progressif de la confiance.
Les relations entre le Canada et l'Inde ont été gelées pendant des mois après qu'Ottawa a accusé New Delhi d'avoir joué un rôle dans l'assassinat d'un militant sikh près de Vancouver en juin 2023.
En octobre 2024, les relations se sont encore davantage fragilisées lorsque la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a déclaré détenir des preuves solides reliant une campagne de violence et d'intimidation ciblant les Canadiens aux «plus hauts niveaux» du gouvernement indien.
L'Inde a rejeté cette allégation et a affirmé qu'Ottawa avait laissé des extrémistes sikhs proférer des menaces et commettre des actes de violence dans les deux pays. New Delhi a également accusé Ottawa de ne pas en faire assez pour empêcher une répétition de l'attentat d'Air India de 1984.
Chaque pays a expulsé des diplomates dans un échange de représailles pendant le conflit.
Le calme est apparu en juin, lorsque Mark Carney a invité le premier ministre indien, Narendra Modi, au Sommet du G7 en Alberta. Les deux pays ont ensuite convenu de rétablir leurs hauts diplomates et d'entamer des discussions sur les forces de l'ordre.
Certains groupes de la diaspora sikhe ont exprimé leur inquiétude à l'idée qu'Ottawa partage des informations sensibles avec New Delhi.
Collaborer sur certains points avec Pékin
Quant à sa visite à Pékin, Mme Anand s'attend à ce que les discussions avec son homologue Wang Yi portent sur la défense et la sécurité, le commerce et l'environnement. Ces échanges s'appuieront sur une première discussion en juillet, au cours de laquelle ils ont discuté de géopolitique et de commerce.
«En ce qui concerne la Chine, bien sûr, notre relation est également complexe, mais d'une manière différente, a-t-elle avancé. Notre approche est la suivante: nous coopérerons avec la Chine là où nous le pouvons, mais nous la défierons là où nous le devons.»
M. Carney a mentionné lors de la campagne électorale d’avril que «la plus grande menace pour la sécurité du Canada est la Chine». Depuis son arrivée au pouvoir, il a toutefois relancé un groupe de travail avec la Chine visant à régler les problèmes commerciaux.
Ces échanges interviennent alors que Pékin continue d’imposer des droits de douane sur le canola canadien, en réponse aux droits de douane imposés par Ottawa sur l’acier et les véhicules électriques chinois.
Depuis la libération de deux Canadiens en 2021, après plus de 1000 jours de détention, en représailles à l’arrestation d’une dirigeante de Huawei à Vancouver à la demande des États-Unis, Pékin a progressivement levé les restrictions de voyage imposées aux Canadiens en visite en Chine et aux groupes chinois en visite au Canada.
M. Carney a déclaré la semaine dernière qu’Ottawa devrait être «plus clair sur les domaines dans lesquels nous nous engageons» avec la Chine, ajoutant que le Canada pourrait collaborer «étroitement» avec la Chine sur les questions d’énergie, de changement climatique et de fabrication de base, tout en maintenant des «garde-fous» en matière de sécurité nationale.
Ses commentaires sont intervenus la veille de sa rencontre avec le premier ministre chinois Li Qiang à l'ONU.
Lors d'une réception à Ottawa marquant la fête nationale chinoise, l'ambassadeur de Chine au Canada a laissé entendre vendredi que les relations bilatérales étaient sur la bonne voie.
«Grâce aux efforts conjoints des deux parties, la tendance à la baisse des relations bilatérales s'est inversée et une amélioration constante a commencé», a déclaré l'ambassadeur Wang Di.
L'ambassadeur a souligné la rencontre entre M. Carney et le premier ministre Li Qiang, qui a convenu de privilégier les progrès communs plutôt que les divergences.
«La Chine est disposée à travailler avec le Canada dans la même direction, à donner suite au consensus important atteint par les deux dirigeants lors de leur rencontre, à faire progresser les relations bilatérales sur la bonne voie et à répondre aux besoins de développement de chacun, afin d'apporter de réels bénéfices aux deux peuples», a-t-il précisé.
David Morrison a souligné lors de la rencontre de vendredi que la rencontre entre M. Carney et M. Qiang témoigne d'une approche «pragmatique et constructive» pour relancer la relation.
«Les choses ont changé au cours de la dernière année et les relations bilatérales sont sur la bonne voie, a-t-il affirmé. Bien que nos gouvernements ne soient pas toujours d'accord sur tous les sujets, nous devons œuvrer (…) pour les intérêts que nous partageons, d'une manière qui soutienne nos deux peuples.»
Dylan Robertson, La Presse Canadienne