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Barreau du Québec: la CAQ «compromet la protection des droits fondamentaux»

durée 20h00
9 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

QUÉBEC — Le projet de constitution du Québec du gouvernement caquiste compromet «la protection des droits fondamentaux», soutient le Barreau du Québec dans son mémoire déposé mardi soir en commission parlementaire.

L'ordre professionnel qui représente les avocats reproche ainsi au projet de loi 1 de porter atteinte à l'indépendance des tribunaux, de museler des organismes de la société civile, de compromettre le droit à l'avortement et de «fragiliser l'architecture même des droits fondamentaux», comme on peut le lire dans le document de près de 40 pages.

Déposé au début d'octobre par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, le controversé projet de constitution québécoise veut notamment interdire à des organismes d’utiliser des fonds publics pour contester des lois considérées comme fondamentales pour le Québec, telles que la loi sur le français, langue officielle du Québec, ainsi que la loi sur la laïcité de l’État.

«Des centaines d'organismes au service de la société civile seraient muselés», craint le Barreau concernant l'interdiction qui serait faite aux organismes.

La proposition législative enchâsse aussi le droit des femmes à l'avortement, ce qui a suscité un vent d'opposition auquel l'ordre professionnel apporte également sa voix.

«L'état du droit actuel protège adéquatement le droit des femmes et il n'y a pas de vide juridique», lit-on dans le mémoire.

«Toute nouvelle législation ou modification législative pour réaffirmer nommément le droit à l'avortement comporte des risques dont le principal est d'ouvrir la porte à d'éventuelles limitations à ce droit», tranche le document qui a été rédigé avec la contribution de nombreux juristes.

«En clair, les risques encourus surpassent les bénéfices d'une loi ou d'un ajout législatif pour réaffirmer le droit à l'avortement.»

Le Barreau est tout aussi sévère concernant les droits fondamentaux.

Il estime que la hiérarchisation induite dans le projet de loi va les fragiliser. Il y voit une «mise en concurrence des droits collectifs et individuels» qui favoriserait «les premiers au détriment des seconds».

Il s'inquiète entre autres que la Charte québécoise des droits et libertés aurait à être interprétée «en harmonie avec les droits collectifs de la nation québécoise» et que les tribunaux eux-mêmes auraient «l'obligation de concilier droits individuels et droits collectifs».

Le Barreau soutient qu'à plusieurs égards, l'ébauche de constitution «porte atteinte à l'indépendance des tribunaux», notamment en créant un Conseil constitutionnel, dont les membres seraient nommés par le gouvernement, afin de donner des avis sur l'interprétation à donner à l'éventuelle constitution - et qui entrerait en concurrence avec les tribunaux existants.

Le Conseil constitutionnel serait donc «de nature politique» et composé de membres avec des «qualifications inadéquates», a dénoncé le Barreau.

Enfin, l'ordre professionnel déplore que «l'absence de mention ou de prise en compte des droits constitutionnels des peuples autochtones crée de l'imprévisibilité juridique et compromet le respect du principe constitutionnel de réconciliation».

Le projet de loi fera l'objet de très longues consultations en commission parlementaire, les plus longues de l'actuelle législature, puisque pas moins de 211 interlocuteurs se feront entendre.

Les hostilités entre le Barreau et le gouvernement Legault étaient déjà bien lancées depuis un moment.

La semaine dernière, M. Jolin-Barrette avait lui-même appelé le Barreau à plus de nuance.

Il était inédit qu'un ministre de la Justice au Québec s'en prenne ainsi directement à l'ordre professionnel des avocats.

Le ministre reprochait au bâtonnier Marcel-Olivier Nadeau d'avoir comparé le Québec à des régimes autoritaires, comme la Corée du Nord et l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), l'État communiste instauré à la place de l'empire russe de 1917 à 1991.

Me Nadeau avait dit qu'il voulait plutôt «recadrer le débat», non pas sur si le Québec est en train de devenir une dictature, mais plutôt «à quel point on est prêt à défendre un État de droit fort».

Selon le bâtonnier, le Québec est un État occidental menacé comme les autres États occidentaux par la montée du populisme.

«On ne doit en ce sens tolérer aucune dérive autoritaire propre à ébranler les fondements d'un État de droit», avait-il mis en garde.

Un État de droit fort, c'est un État dans lequel la liberté d'expression est forte, la liberté d'association est forte, le droit de s'adresser aux tribunaux est fort, et c'est ce qui est menacé par les propositions législatives du gouvernement, avait-il résumé.

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne

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