Cancer du sein: l'INESSS recommande le dépistage à 45 ans, mais pas tout de suite


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — L'INESSS recommande d'intégrer les femmes de 45 à 49 ans au Programme québécois de dépistage du cancer du sein, mais pas immédiatement. Parce que cela engendrerait une surcharge pour le réseau de la santé, les experts recommandent de d'abord réduire le taux de rappel — qui est le plus élevé au Canada — et de procéder à une modernisation du système informatique du programme.
Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a mandaté l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) pour analyser un éventuel élargissement du programme de dépistage au Québec. L'avis de l'INESSS a été publié lundi après-midi.
«Au terme de la délibération, les membres du comité se sont ralliés de façon unanime autour de la formulation d’une recommandation principale visant la réduction des taux de rappel et des délais des examens ainsi que la modernisation du système informatique du programme avant de procéder à l’ajout systématisé d’une cohorte supplémentaire. Une fois ces étapes achevées, ils considèrent qu’une approche d’intégration progressive pourrait être envisagée, en visant dans un premier temps les femmes âgées de 45 à 49 ans», peut-on lire dans l'avis.
L'INESSS spécifie que ses travaux n’ont pas visé à prendre position en faveur ou en défaveur du dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de moins de 50 ans.
«On nomme des enjeux et des problématiques auxquelles on va devoir s'attarder. Il est fort possible que l'abaissement de l'âge du dépistage du cancer du sein au Québec ait un certain impact sur les ressources, mais ce qu'on vient proposer dans nos recommandations, c'est le scénario qu'on pense qui est le plus réaliste dans notre contexte», explique en entrevue avec La Presse Canadienne Catherine Truchon, directrice des services de santé de l’INESSS.
Le taux de rappel élevé, un obstacle majeur
Les membres qui ont travaillé sur le rapport ont insisté sur les répercussions qu’aurait l’ajout d’un volume important de femmes au Programme québécois de dépistage du cancer du sein, «considérant les difficultés déjà présentes dans plusieurs régions en ce qui concerne l’accès en temps opportun aux examens de dépistage, mais également aux examens complémentaires».
Cela augmenterait les délais pour toutes les clientèles requérant des services en imagerie, en pathologie et en chirurgie, pas seulement pour le cancer du sein. Le taux de rappel élevé est un obstacle majeur pour un dépistage efficient, écrivent les auteurs de l'avis.
«Le taux de rappel, c'est quand une femme va passer sa mammographie, puis elle se fait rappeler quelques jours après ou une semaine après. [...] La femme retourne, va passer un autre type d'examen, une résonance magnétique ou une échographie. Des fois même, elle va être rappelée pour un deuxième examen complémentaire», décrit Mme Truchon.
«De façon générale, ces examens complémentaires ont l'air normaux, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de cancer de détecté à la fin. Ça embourbe un peu le système tous ces examens, qui, au final, ne sont pas pertinents», dit-elle.
Mme Truchon souligne qu'il est normal d'avoir un certain taux de rappel, que c'est prudent d'aller confirmer certaines choses, mais au Québec, il est particulièrement élevé et il faudrait faire d'autres analyses pour savoir pourquoi.
Pour la première mammographie, 22 % des femmes ont été rappelées, soit plus de trois fois la cible fixée à 7 % par l'Institut national de santé publique du Québec. Pour les mammographies subséquentes, 8,5 % des femmes ont été rappelées, ce qui est également supérieur à la cible de 5 %.
Depuis 2017, le Québec est la province ayant le plus haut taux de rappel au Canada. Pour réduire les taux de rappel, actuellement, un bilan annuel des taux de rappel est remis à chaque radiologue comme mesure de rétroaction.
L'idée qu'un deuxième radiologue lise les mammographies est perçue comme une «intervention prometteuse», mais en raison du manque de main-d'œuvre, cette mesure est difficile à implanter au Québec à court terme, indique l'avis.
Les invitations pour la mammographie par courriel ou texto?
Des enjeux ont été soulevés concernant la capacité des systèmes informatiques actuels à soutenir une augmentation du volume de données avec l'ajout de nouvelles patientes qui se font dépister. On ne sait pas exactement en quoi consiste la mise à jour requise, mais déjà, l'ajout de la tranche d'âge 70 à 74 ans (en janvier 2024) avait requis des travaux sur la plateforme du programme.
Dans la modernisation du système informatique, l'INESSS suggère de rendre possible l'envoi des invitations par courriel ou par message texte. Pour l'instant, les femmes âgées de 50 à 74 reçoivent une lettre par la poste dans laquelle elles sont invitées à aller passer une mammographie aux deux ans.
«Puisque la majorité des autres provinces et territoires offrent déjà l’accès au dépistage à partir de 40 ou 45 ans, les membres du comité ont reconnu l’importance d’éviter la création d’iniquités entre le Québec et le reste du Canada», indique l'avis de l'INESSS.
Toutefois, l'INESSS souligne que l'élargissement du dépistage en bas de 50 ans «se chiffrerait à plusieurs centaines de millions de dollars» et que «le réseau de la santé et des services sociaux fait face à d’énormes restrictions budgétaires».
À quand le dépistage à 40 ans?
L'Institut ne se prononce pas quant à l'élargissement dans un deuxième temps du dépistage aux femmes âgées de 40 à 44 ans. «On va suivre les données d'épidémiologie, l'incidence du cancer. Il est vrai que l'incidence du cancer a augmenté dans les groupes d'âge inférieurs à 50 ans, particulièrement chez les 45-49 ans. On verra comment ça va évoluer chez les 40 à 44 ans. Peut-être qu'on fera une phase de travaux ultérieurement, mais on n'a pas projeté ça dans nos recommandations», explique Mme Truchon.
Le cancer du sein est la deuxième cause de décès par cancer chez les Canadiennes. Un cancer sur six est détecté chez les femmes de moins de 50 ans, selon la Fondation cancer du sein du Québec.
Au Canada, pour chaque tranche de 1000 patientes dépistées, sept vies seront sauvées si on dépiste entre 50 et 69 ans. Si on dépiste aussi entre 40 à 49 ans, ce sont neuf vies qui seront sauvées.
Pour l'instant, on ne sait pas quand l'élargissement du dépistage à 45 ans pourrait entrer en vigueur au Québec ou quelles seraient les cibles du ministre de la Santé pour mettre cela en œuvre. Le cabinet du ministre de la Santé a indiqué que ce dernier allait faire savoir s'il allait de l'avant avec l'avis au cours des prochaines semaines.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne