Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Césarienne: nouvelle technique proposée, meilleure pour la santé de la mère

durée 03h00
14 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — La technique la plus couramment utilisée à travers le monde pour refermer l’utérus après une césarienne entraîne tellement de complications à long terme qu’il est grand temps de la remettre en question, conclut une revue de la littérature sur le sujet à laquelle a participé un chercheur de Québec.

Si cette technique n'est plus vraiment utilisée au Québec depuis une vingtaine d'années, a dit le docteur Emmanuel Bujold, qui est professeur à la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, elle reste très populaire à l'échelle de la planète.

«Depuis vingt ou trente ans, on observe à travers le monde que les taux de complications après une césarienne (atteignent) des taux vraiment impressionnants, a-t-il indiqué. Et effectivement, il y a trente ou quarante ans, une nouvelle technique est devenue très populaire et pourrait expliquer l'augmentation très rapide des complications.»

Depuis une cinquantaine d'années, après une césarienne, les médecins recousent ensemble la muqueuse utérine et les muscles qui l’entourent, puisqu'on considérait qu'il n'était pas nécessaire de recoudre les tissus individuellement.

Cette méthode a l’avantage d’être simple et rapide: elle ne prend que deux ou trois minutes à compléter, ce qui limite les saignements chez la mère. En revanche, «le tissu cicatriciel qui en résulte ne permet pas de restaurer l’intégrité anatomique et fonctionnelle de l’utérus», a-t-on souligné par voie de communiqué.

L'utérus est pourtant composé de trois couches distinctes: l'endomètre, le myomètre et la séreuse. Il n'est pas plus logique de les recoudre rapidement, sans les séparer, qu'il le serait de recoudre la peau, les graisses et les muscles dans le désordre après une lacération, a fait valoir le docteur Bujold.

«On referme tout ensemble parce que ça va beaucoup plus vite. Mais évidemment, quand on mélange les tissus ensemble, ça fait un mauvais 'mix', ça ne guérit pas bien», a-t-il ajouté.

Le docteur Bujold et son collègue, le docteur Roberto Romero, qui est chef du département de recherche sur la grossesse à l'Institut national pour la santé de l'enfant et le développement humain des Instituts nationaux de la santé des États-Unis, ont constaté que l'utilisation de la technique la plus en vogue ouvre la porte à de multiples complications au fil des années qui suivent.

Les séquelles qui peuvent survenir lors d’une grossesse subséquente à une césarienne comprennent ainsi l’attachement anormal du placenta à l’utérus (jusqu’à 6 % des femmes), ce qui augmente le risque d’hémorragie grave et d’hystérectomie; la rupture utérine (jusqu’à 3 %), ce qui peut conduire à la mort du nouveau-né; et la prématurité (jusqu’à 28 %).

Les femmes peuvent aussi être affectées par des douleurs pelviennes (jusqu’à 35 %), des saignements postmenstruels (jusqu’à 33 %) et de l’endométriose/adénomyose (jusqu’à 43 %).

«Parce que le changement s'est fait progressivement au cours des années, les complications ont augmenté progressivement», a dit le docteur Bujold pour expliquer pourquoi il a fallu tant d'années avant de constater que la technique la plus populaire n'était peut-être pas la meilleure.

La technique de fermeture proposée par les docteurs Bujold et Romero consiste à suturer ensemble les tissus de même nature: la couche musculaire de l’utérus est suturée à deux endroits, et une troisième suture est pratiquée pour refermer l’enveloppe qui entoure cet organe.

Cette technique est plus longue que l'autre ― elle prend de cinq à huit minutes ―, mais elle n'est pas vraiment complexe à maîtriser, a dit le docteur Bujold. La perte de sang supplémentaire qu'elle engendre est marginale, assure-t-il.

Et une fois l'intervention complétée, «l'utérus à la fin ressemble à l'utérus au début», a rappelé le docteur Bujold.

Les deux chercheurs estiment que «la restauration méticuleuse et adéquate de la structure de l’utérus est plus importante que la vitesse de l’intervention» et que la «santé reproductive future des femmes qui subissent une césarienne doit être la priorité».

Au Québec, a dit le docteur Bujold, la technique la plus populaire n'est pas la même que celle utilisée ailleurs dans le monde, et on observe d'ailleurs dans la province moins de complications graves qu'ailleurs.

«Au Québec, le changement qu'on propose va être relativement mineur, a-t-il dit. Mais aux États-Unis et ailleurs, on parle d'un virage à 180 degrés.»

À l’échelle de la planète, un enfant naît par césarienne à chaque seconde, rappelle le chercheur. Au Canada, environ le quart des enfants naissent par césarienne, soit pratiquement le double de ce qu’on observait il y a trois décennies, ce qui justifie, selon les auteurs de l'étude, qu'on s'assure d'utiliser la meilleure technique possible.

Les conclusions de cette revue sont publiées dans une édition spéciale de l’American Journal of Obsterics & Gynecology.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

app-store-badge google-play-badge