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COP27: «Avec la Russie, ce sera une rencontre difficile», selon Steven Guilbeault

durée 10h00
5 novembre 2022
La Presse Canadienne, 2022
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2022

MONTRÉAL — Ottawa s’attend à ce que les discussions sur les changements climatiques soient compliquées par la guerre en Ukraine.

La COP27 s’ouvre dimanche à Charm-el-Cheikh, en Égypte, et le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, ne s’attend pas à y trouver une attitude bienveillante ou même collaboratrice chez ses vis-à-vis russes. 

«Avec la Russie, évidemment, ce sera une rencontre difficile. Ça n'a jamais été facile avec la Russie, mais maintenant, c'est une toute autre affaire», a-t-il reconnu dans une entrevue avec La Presse Canadienne à quelques jours de l’ouverture de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques.

«Dans les meilleures conditions, les négociations internationales sur les changements climatiques sont très compliquées et ce ne sont clairement pas les meilleures conditions maintenant», a-t-il laissé tomber.

Chine: moins difficile 

M. Guilbeault note que même avec la Chine, les pourparlers sont rarement aussi difficiles.

«Nous avons des relations très tendues avec la Chine, mais la ministre (des Affaires étrangères, Mélanie) Joly et le premier ministre (Justin Trudeau) reconnaissent que dans des dossiers comme les changements climatiques et la biodiversité, nous devons travailler avec les Chinois. Nous devons travailler avec tout le monde parce que c'est dans notre propre intérêt de le faire.

«Je crois qu'il y a une reconnaissance grandissante qu'il est dans le meilleur intérêt de tous de travailler ensemble pour trouver des solutions», a avancé le ministre.

Le Canada en déficit de crédibilité

Le ministre sait par ailleurs que le Canada ne pourra prétendre à un quelconque leadership à cette conférence car il a un sérieux déficit de crédibilité à combler. Malgré les beaux discours, le bilan carbone du Canada n’est pas à la hauteur de ses prétentions, loin de là. 

Les émissions de gaz à effet de serre (GES) canadiennes, qui étaient de 600 mégatonnes d’équivalent en CO2 en 1990, ont pratiquement toujours augmenté depuis cette date pour atteindre 738 mégatonnes en 2019. Une baisse notable, à 672 mégatonnes, a bien été enregistrée en 2020, mais il s’agit là de l’année où tout s’est arrêté à cause de la pandémie et qui ne pourrait, donc, être invoquée pour prétendre à un soudain mouvement de réduction des émissions.

Or, le gouvernement de Justin Trudeau a promis en avril 2021 de réduire de 40 % à 45 % ses émissions de GES d’ici 2030 par rapport aux 741 mégatonnes de 2005.

«On n'a jamais vraiment essayé»

Pourquoi le Canada, dont les émissions ont augmenté durant 21 des 30 dernières années malgré les engagements de les réduire, serait-il cru? «Parce qu'on n'a jamais vraiment essayé», répond sans broncher le ministre Guilbeault. 

Il énumère d’un trait: la taxe sur le carbone pour laquelle son gouvernement s’est battu avec succès jusqu’en Cour suprême; les réglementations sur les émissions de méthane, un puissant GES et sur les carburants propres; la mise en place (toujours en cours) de plafonds sur les émissions dans le secteur du pétrole et du gaz; la réglementation sur l'électricité propre à net zéro d'ici 2035; des réglementations sur les véhicules à zéro émissions.

«Nous en sommes à plus de 100 milliards $ d'investissements dans les transports en commun, l'électrification, les énergies propres, renouvelables. Toutes ces choses ne se sont jamais produites dans l'histoire du pays», dit-il alors qu’il est encore beaucoup trop tôt pour mesurer les effets de ces mesures dont certaines restent à compléter.

Des partis qui font semblant

«Il faut continuer d'aller de l'avant», poursuit-il, profitant de l’occasion pour dénoncer les partis politiques au Canada et aux États-Unis «qui croient que l'on peut faire semblant de combattre les changements climatiques en ne faisant rien, que l'on est en faveur de combattre les changements climatiques, mais que l’on n’est pas en faveur de réduire la dépendance aux combustibles fossiles, à mettre un prix sur la pollution et à investir dans les technologies propres».

Steven Guilbeault reconnaît cependant que de «renverser la vapeur sur les émissions dans un grand pays comme le nôtre prend du temps». Il croit toutefois être en mesure de présenter des résultats concrets à court terme, particulièrement en ce qui a trait aux émissions de méthane.

Principal composant du gaz naturel, le méthane est le deuxième gaz à effet de serre le plus commun au Canada et représente à lui seul environ 15 % de nos émissions totales de GES. Il a toutefois un impact plus puissant que le CO2 puisqu’il emprisonne plus de 70 fois plus de chaleur sur une période de 20 ans que la quantité équivalente de dioxyde de carbone.

Méthane: succès attendu à court terme 

C’est le secteur pétrolier et gazier qui est la plus importante source d’émissions de méthane et Ottawa s’est donné comme cible de réduire ces émissions de 75 % d’ici 2030, «ce qui est, sinon la plus ambitieuse, l'une des plus ambitieuses cibles au monde».

Steven Guilbeault est extrêmement optimiste par rapport à cet objectif.

«On commence à voir une réduction dans le méthane, dont les émissions ont commencé à diminuer. Nous allons probablement atteindre notre cible de 2025, à tout le moins le bas de la fourchette de 40 %, avant 2025.»

D’ailleurs, la mesure des émissions de méthane devient de plus en plus précise grâce notamment à la détection par satellite mise au point par des entreprises de pointe comme la montréalaise GHGSat, qui s’est engagée à rendre publiques sans frais ses données sur le méthane.

«L'implication de GHGSat nous donne de la crédibilité», soutient le ministre, qui reconnaît du même souffle que l’auto-déclaration ou l’auto-évaluation par les entreprises n’est pas toujours aussi rigoureuse qu’elle le devrait.

La détection de méthane par satellite a toutefois ses limites. Si elle est supérieure pour identifier les émissions provenant de l’usage du charbon, de l’industrie du pétrole et du gaz et des sites d’enfouissement – les sources les plus importantes – elle ne peut pour autant prendre de mesures des émissions plus diffuses de source naturelle comme la fonte du pergélisol.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne