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Démence et parkinson: nouvelles pistes pour un dépistage hâtif

durée 11h06
23 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Des travaux réalisés à Montréal pourraient mener, pour certains patients, à un diagnostic et à une prise en charge plus rapides de deux troubles neurodégénératifs, la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy.

Cette percée concerne plus spécifiquement les patients atteints d'un trouble du comportement du sommeil paradoxal isolé, un problème qui apparaît habituellement vers 50 ou 60 ans, et où les personnes crient, se débattent ou rêvent tout haut pendant leur sommeil, parfois au point de blesser leur partenaire.

Le professeur Shady Rahayel et son équipe de l'Université de Montréal ont constaté qu'une imagerie de résonance magnétique de routine permet de déterminer lesquels de ces patients développeront éventuellement un parkinson ou une démence à corps de Lewy.

«Ça semble anodin de dire que 'mon mari bouge pendant son sommeil', mais on sait que la majorité de ces patients vont développer soit la maladie de Parkinson, soit la démence à corps de Lewy», a dit le professeur Rahayel, qui enseigne à la faculté de médecine de l'UdeM et est chercheur au Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.

Presque neuf patients sur dix atteints de ce trouble du sommeil développeront ainsi, dans la quinzaine d'années après leur diagnostic, l'un de ces deux troubles neurodégénératifs, mais il était jusqu'à maintenant impossible de prédire leur trajectoire.

La première étude a été réalisée par la doctorante Violette Ayral auprès de 428 participants de cinq pays, dont le Canada. Les travaux ont porté sur le système glymphatique du cerveau, un réseau qui évacue les déchets métaboliques pendant le sommeil, dont certaines protéines liées à la neurodégénérescence.

Un dysfonctionnement de ce système pourrait mener à l'apparition de troubles comme le parkinson en favorisant l'accumulation de déchets dans le cerveau.

Les chercheurs ont découvert, lors d'une IRM, que les patients chez qui la circulation des fluides est plus faible du côté gauche du cerveau présentent un risque 2,4 fois plus élevé de développer un parkinson. Aucune association n'a été constatée avec la démence à corps de Lewy.

«On a vu que les patients qui ont ce trouble du sommeil, qui n'ont pas encore le parkinson, qui n'ont pas encore la démence à corps de Lewy, ont déjà (...) un index glymphatique plus réduit, avec une probabilité plus élevée de développer le parkinson spécifiquement», a résumé le professeur Rahayel.

La deuxième étude a été publiée par la doctorante Celine Haddad. Les chercheurs ont alors mesuré, toujours par IRM, la quantité d’eau non retenue par les cellules du cerveau qui circule librement entre elles, plus précisément dans une région clé pour la pensée et le raisonnement: le noyau basal de Meynert.

Cette eau libre peut témoigner de changements microscopiques précoces, comme l'inflammation ou la perte cellulaire, et constitue une mesure indirecte de la détérioration des neurones.

Après un suivi de près de neuf ans, les résultats ont montré que les patients qui présentaient une augmentation significative de cette «eau libre» multipliaient par huit leur risque de démence à corps de Lewy, une maladie neurodégénérative qui combine des symptômes de la maladie de Parkinson (tremblements, rigidité) et de la maladie d'Alzheimer (troubles cognitifs, confusion, hallucinations).

La démence à corps de Lewy représente la deuxième cause de démence dégénérative après l'alzheimer.

Ces travaux constituent «les plus vastes études internationales jamais menées sur l'imagerie cérébrale chez les personnes atteintes de trouble comportemental en sommeil paradoxal isolé confirmé par polysomnographie», a-t-on assuré par voie de communiqué.

Ils démontrent qu'on pourrait prédire, avec une résonance magnétique de routine, quel patient évoluera vers quel trouble, ce qui permettrait de lui offrir dès le début le suivi et les soins les plus appropriés, a dit le professeur Rahayel.

«Avec les deux études ensemble, on a un marqueur pour le parkinson et un marqueur pour la démence à corps de Lewy, a-t-il expliqué. On peut dire que tel patient, c'est probablement une démence qui s'en vient, et tel patient, probablement un parkinson.»

Cela permettrait, dans un premier temps, de prescrire les bonnes molécules aux bons patients au bon moment, a indiqué le professeur Rahayel, notamment en évitant d'y aller un peu au hasard si on ne sait pas quel sort attend le patient.

Les patients seraient aussi en mesure de prendre des décisions plus éclairées pendant qu'ils en sont encore capables, s'ils savent qu'ils risquent de perdre une bonne partie de leurs facultés au cours des prochaines années, a-t-il ajouté.

On sait enfin que le parkinson commence à s'installer dix ou quinze ans avant l'apparition des premiers symptômes moteurs les plus connus. D'autres symptômes — comme une perte d'odorat, une dysfonction érectile ou une constipation chronique — arrivent bien avant les tremblements ou la rigidité musculaire. Un trouble du comportement du sommeil paradoxal isolé pourrait s'ajouter à la liste.

Une règle d'or de la médecine stipule que plus on intervient tôt, meilleur sera le pronostic du patient, mais il n'y a rien de simple à donner un médicament à un patient qui n'est pas encore malade, a souligné le professeur Rahayel.

«Dans mon laboratoire, on est face à des personnes qui ont un trouble de sommeil, a-t-il conclu. On veut les empêcher d'avoir une maladie, mais on ne sait même pas s'ils vont développer l'une ou l'autre. Donc, c'est un peu d'essayer de prévenir l'invisible, et avec ce genre de technique, on arrive à voir quelque chose qui était invisible.»

Les conclusions de ces deux études ont été publiées par les journaux médicaux Neurology et Alzheimer's & Dementia.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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