Des affaires classées résolues grâce aux progrès de l'analyse de l'ADN

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Pendant des décennies, le meurtre de Marie-Chantale Desjardins, 10 ans, à Rosemère, a hanté les enquêteurs et sa famille. Son corps, portant des traces de violence, a été retrouvé en 1994, son vélo appuyé contre un arbre, quatre jours après son retour de chez une amie.
L'affaire s'est conclue cette année par la condamnation de Réal Courtemanche pour meurtre au deuxième degré. Il s'agit de l'un des nombreux meurtres très médiatisés du Québec récemment résolus grâce aux progrès de l'analyse de l'ADN.
Ces techniques suscitent l'espoir de résoudre non seulement d'autres affaires non élucidées, mais aussi des affaires en cours, affirme la directrice générale de la biologie/ADN du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale.
Bien que la police reste discrète sur les stratégies exactes employées pour identifier les meurtriers, le juge dans l'affaire Desjardins a déclaré que «les progrès scientifiques et les percées majeures dans le domaine de la biologie judiciaire» ont permis d'identifier l'ADN de Courtemanche à partir des preuves recueillies sur les lieux du crime.
Diane Séguin, qui dirige la section biologie/ADN du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, indique que son équipe analyse une cinquantaine d'affaires non élucidées par année et qu'elle a aidé la police à en résoudre entre huit et dix au cours des deux dernières années.
Elle explique que la résolution d'affaires est due à l'amélioration des techniques d'extraction d'ADN et à la généalogie génétique, soit la comparaison de l'ADN prélevé sur les lieux du crime avec des banques de données d'ADN publiques composées de profils téléchargés par des citoyens effectuant des recherches sur leurs racines familiales.
«Je suis optimiste… plus les gens déposeront leur ADN dans ces banques et accepteront de participer à la recherche criminelle sur les restes humains, plus il y aura de correspondances et d'enquêtes résolues», a affirmé Mme Séguin.
Les affaires non résolues ne représentent qu'une petite partie du travail du laboratoire, qui traite entre 30 000 et 40 000 éléments de preuve chaque année. À partir de ces éléments, 4000 à 5000 profils ADN sont téléchargés dans une base de données nationale, le fichier de criminalistique.
Profils en ligne et généalogie génétique
Dans les affaires non résolues comme dans les affaires en cours, explique Mme Séguin, la première étape consiste à télécharger un profil ADN extrait d'un élément de preuve prélevé sur une scène de crime dans la base de données nationale afin de vérifier s'il correspond à celui d'un délinquant connu et condamné.
Elle a précisé que le laboratoire prélève parfois des échantillons d'ADN sur des éléments de preuve vieux de plusieurs décennies qui n'ont jamais été analysés auparavant, ou extrait un nouveau profil grâce à l'équipement plus sensible d'aujourd'hui. L'augmentation considérable du nombre de profils dans la base de données accroît les chances d'identification, a-t-elle souligné.
Mme Séguin indique que le laboratoire effectue également des recherches patronymiques, consistant à comparer l'ADN inconnu à une base de données reliant les profils génétiques aux noms de famille. Bien que le processus soit imparfait, il permet parfois d'associer un profil ADN à un nom de famille.
Si les chercheurs trouvent une correspondance entre des preuves recueillies sur les lieux du crime et un échantillon d'ADN téléchargé sur un site web public, même s'il ne s'agit que d'un parent éloigné du suspect, les enquêteurs peuvent commencer à reconstituer un arbre généalogique grâce à la généalogie génétique.
En septembre, cette technique a permis d'identifier le meurtrier de Catherine Daviau, 26 ans, assassinée dans son appartement de Montréal en décembre 2008. Selon un communiqué de la police, un échantillon d'ADN prélevé sur les lieux du crime s'est avéré apparenté à des profils présents dans des bases de données publiques.
Cela a finalement permis aux enquêteurs de se concentrer sur Jacques Bolduc, décédé en 2021 en prison alors qu'il purgeait une peine sans lien avec cette affaire. L'enquête a révélé que Bolduc ne connaissait pas la victime, mais qu'il avait répondu à une annonce en ligne qu'elle avait publiée pour vendre sa voiture.
Mme Séguin a affirmé que les résultats de la généalogie génétique ne constituent qu'une piste à transmettre à la police pour l'aider à orienter ses enquêtes et qu'il revient aux policiers de recueillir davantage de preuves.
À l'avenir, elle espère utiliser la généalogie génétique dans des affaires plus récentes afin d'éviter que les crimes ne tombent dans l'oubli.
«Par exemple, si nous avons une série d'agressions sexuelles et que l'auteur est inconnu… il pourrait récidiver, a-t-elle détaillé. Il est donc important de travailler sur les affaires non résolues, mais aussi sur les affaires actuelles afin de prévenir d'autres agressions.»
Elle a précisé que les citoyens qui souhaitent contribuer à la résolution d'affaires peuvent le faire en téléchargeant leur profil ADN dans les bases de données utilisées par le laboratoire, FamilyTreeDNA ou GEDmatch, et en autorisant son utilisation par les forces de l'ordre.
Des progrès technologiques fructueux
La Sûreté du Québec affirme que les progrès réalisés en matière d'analyse ADN lui ont permis d'arrêter un suspect en septembre et de l'accuser d'homicide involontaire dans une affaire de cambriolage survenue en 1979 à Causapscal, dans le Bas-Saint-Laurent. En juillet, la police a pu prouver qu'un corps retrouvé en 1997 à l'Île-du-Prince-Édouard était celui d'un Québécois porté disparu l'année précédente.
En septembre, le Service de police de la Ville de Gatineau a annoncé l'arrestation d'un suspect dans le meurtre de Valérie Leblanc, 18 ans, survenu en 2011. Son corps avait été retrouvé dans les bois près d'un campus collégial, après ce que le coroner a décrit comme une fracture du crâne causée par un coup à la tête. La police a indiqué que cette avancée était due à de «nouvelles techniques d'enquête», sans préciser si l'ADN en faisait partie.
Si certains experts, comme Mme Séguin, souhaitent voir l'utilisation de la généalogie génétique se généraliser, Michael Arntfield, criminologue à l'Université Western et ancien enquêteur de police, affirme qu'il existe également une tendance à vouloir rendre cette technique obsolète.
Il explique que certains groupes, dont l'Association canadienne des chefs de police, ont milité pour l'élargissement de la liste des crimes pour lesquels l'ADN du contrevenant doit être déposé dans la base de données nationale. Actuellement, seuls quelques crimes graves figurent sur la liste. Selon M. Arntfield, cette mesure soulève des questions de droits civiques et de respect de la vie privée, mais permettrait également de résoudre les crimes beaucoup plus rapidement.
«Avec une adhésion croissante à cette technique, on pourra presque un jour abandonner le terme d'affaire non résolue, car, notamment si elle est utilisée pour les homicides commis en temps réel, une affaire ne sera jamais considérée comme non résolue», a-t-il soutenu.
Morgan Lowrie, La Presse Canadienne