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Des communautés de l'Ontario offrent des incitatifs pour attirer du personnel médical

durée 08h59
5 août 2024
La Presse Canadienne, 2024
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5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

Alors que les petites communautés de l'Ontario peinent à recruter des médecins et des infirmières, une ville a adopté une stratégie prometteuse: leur donner «un sac d'argent d'avance».

C'est l'incitatif offert à Huntsville, en Ontario, où les autorités locales affirment qu'elles accorderont une prime de signature de 80 000 $ à tout médecin de famille qui accepte de travailler dans la ville pendant au moins cinq ans.

D'autres communautés utilisent des tactiques similaires.

Blanche River Health, à Kirkland Lake, une municipalité de l'est de l'Ontario, offre 2000 $ à toute personne, n'importe où dans le monde, qui recommande avec succès un médecin ou une infirmière pour travailler à l'hôpital.

À Dryden, en Ontario, une ville isolée située à plus de 1700 kilomètres au nord-ouest de Toronto, le programme de primes aux médecins du centre de santé régional comprend actuellement 37 500 $ pour une aide aux frais de réinstallation. En combinaison avec des subventions provinciales distinctes, les médecins déménageant à Dryden pourraient recevoir jusqu'à 155 000 $ pour un engagement de quatre ans.

Les experts en santé préviennent que, même si ces initiatives sont compréhensibles étant donné la grave pénurie de médecins à laquelle sont confrontées les communautés ontariennes, elles risquent d'alimenter une compétition de type «Hunger Games» pour le personnel médical, exerçant ainsi une pression supplémentaire sur les municipalités déjà à court d'argent.

Une urgence d'agir

Bob Stone est le conseiller local qui a dirigé la nouvelle initiative de primes de Huntsville. Le plan, approuvé par le conseil en mai, vise à attirer dix médecins.

Deux mois plus tard, M. Stone a déclaré que sept médecins avaient exprimé leur intérêt et que plusieurs étaient sur le point de signer des contrats.

«Cela fonctionne déjà, nous sommes très excités. Dès que nous aurons réellement signé un contrat, nous allons le dire au monde entier», a-t-il souligné.

M. Stone a expliqué que Huntsville était confrontée à l'urgence d'agir. Avec l'allongement des listes d'attente pour les médecins et le départ à la retraite de plusieurs médecins en activité, près d'un tiers des 21 000 habitants de la ville risquent de ne pas avoir de médecin de famille, a-t-il déclaré.

Selon les modalités approuvées par le conseil, tout médecin reprenant un cabinet existant reçoit 60 000 $. Les médecins qui ouvrent un nouveau cabinet reçoivent 80 000 $. Les fonds proviennent du budget municipal, a précisé M. Stone.

«Nous leur donnons cette somme d'argent dès le départ, parce que c'est ce qui va vraiment les inciter à s'installer ici», a-t-il expliqué, rappelant que la prime est liée à un engagement de cinq ans.

Jorge VanSlyke, président et directeur général de Blanche River Health, qui dessert Kirkland Lake, a déclaré que son programme de référence communautaire avait conduit à une augmentation des demandes de renseignements sur les occasions disponibles, mais a noté qu'il était trop tôt pour dire si le programme fonctionnera. «On ne sait pas encore si cela sera un succès ou non, mais notre objectif à l'heure actuelle est de ne rien négliger dans nos efforts de recrutement.»

Le système de primes critiqué

Ian Culbert, directeur général de l'Association canadienne de santé publique, a déclaré que le rôle croissant des incitatifs pour attirer les médecins place les communautés considérées comme moins désirables dans «une situation impossible».

Bien que de tels programmes existent depuis des décennies dans certaines communautés rurales et nordiques, ils se sont sensiblement accélérés depuis la pandémie.

«C'est une force très négative en ce qui concerne l'équité en matière de santé. Cela crée des règles du jeu inégales et cela vient d'un sentiment de désespoir», a affirmé M. Culbert.

M. Culbert ne reproche pas aux communautés d'offrir des primes, étant donné la responsabilité de fournir des soins de santé aux résidents.

Mais il soutient qu'il existe de meilleures façons de remédier à la pénurie de médecins en milieu rural, notamment l'annulation de la dette étudiante liée aux années de service dans une communauté, ou la présentation aux étudiants en médecine des avantages du travail en milieu rural par le biais de programmes à court terme pendant leurs études de médecine.

Il a également déclaré que la province doit faire davantage pour combler les écarts causés par son financement de la santé par habitant.

Pour le président de l'Association médicale de l'Ontario, le docteur Dominik Nowak, la première étape doit être de remédier à la pénurie générale de médecins de famille.

M. Nowak a souligné qu’un Ontarien sur cinq n’a pas de médecin de famille et que ce pourrait bientôt être un sur quatre. Cette pénurie a déclenché une réaction en chaîne qui a vu moins de personnes obtenir un diagnostic précoce d'une maladie grave, ce qui exerce finalement une pression accrue sur les hôpitaux.

M. Nowak soutient plusieurs mesures qui, selon lui, permettraient aux médecins de voir plus de patients, notamment le recours au personnel administratif pour alléger la paperasse, qui consomme actuellement en moyenne 19 heures par semaine.

Il est également en faveur d'un système de soins en équipe, dans lequel les infirmières, les pharmaciens, les physiothérapeutes et autres travaillent de manière plus collaborative pour soutenir les médecins.

M. Nowak a réclamé davantage de soutien provincial pour augmenter le nombre de médecins. Il a dénoncé le recrutement basé sur les primes, le qualifiant de «cadre de type Hunger Games dans lequel les communautés doivent rivaliser pour obtenir des médecins et où les communautés recrutent des médecins d'une communauté dans la leur».

Des incitatifs élaborés

Entre-temps, les programmes d'incitatifs sont de plus en plus élaborés.

Dans la municipalité de Marmora and Lake, à environ 200 kilomètres à l'est de Toronto, les médecins se voient offrir, entre autres mesures incitatives, des logements au bord de la rivière et des cliniques sans frais.

Et à Huntsville, M. Stone a déclaré qu'il y avait plus que de l'argent disponible: plusieurs restaurants ont offert des chèques-cadeaux de 500 $ aux nouveaux médecins, un concessionnaire automobile offre une voiture gratuite pendant un an et un complexe hôtelier de la région a proposé une adhésion gratuite à un club de golf.

Puisque Huntsville ne veut pas voler les médecins de ses voisins, les médecins de Muskoka et des municipalités environnantes ne sont pas admissibles, mais partout ailleurs, cela est permis.

«Oui, c'est une compétition, et nous faisons de notre mieux pour nos propres citoyens, a-t-il soutenu. Et je suis désolé pour les autres qui rencontrent les mêmes difficultés.»

La Presse Canadienne