Des détracteurs de l'accord énergétique impatients d'avoir des élections à T.-N.-L.


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Par La Presse Canadienne, 2025
ST. JOHN'S — L'imminence des élections provinciales à Terre-Neuve-et-Labrador constitue une occasion privilégiée pour le public d'exiger la transparence concernant le nouvel accord énergétique avec Hydro-Québec, voire de l'interrompre, selon ses détracteurs.
Jack Harris, ancien député du NPD, fait partie des nombreux anciens politiciens, fonctionnaires et dirigeants du secteur de l'énergie de la province à s'opposer publiquement à l'accord de principe, affirmant qu'il reproduit les erreurs désastreuses du passé.
Alors que des élections sont prévues dans les prochains jours, M. Harris espère que le public exigera davantage de débats publics sur l'accord et votera en fonction de ses positions.
«Nous parlons en fait de répéter, en toute connaissance de cause, soi-disant, l'échec du Haut-Churchill du point de vue de Terre-Neuve-et-Labrador», a indiqué M. Harris lors d'une récente entrevue, faisant référence à l'accord énergétique déséquilibré de 1969 avec le Québec, qui hante la province de l'Atlantique depuis des décennies.
«Nous n'avons pas besoin de faire cela, cela n'est pas une fatalité, et nous serions fous de le faire», a-t-il ajouté.
Le gouvernement libéral de Terre-Neuve-et-Labrador a présenté le nouveau protocole d'entente avec Hydro-Québec comme un changement radical pour une province aux prises avec une dette croissante. Le gouvernement prévoit que sa dette nette atteindra 19,7 milliards $ l'an prochain, dans une province d'environ 540 000 habitants.
Mais l'accord de principe avec la compagnie d'électricité du Québec ne fait pas l'unanimité.
Le comptable Mike Wilson a démissionné d'un comité nommé pour superviser les négociations des contrats définitifs et a avancé qu'une meilleure entente était possible. Il a également affirmé que l'indépendance du comité était «compromise» et que ses rapports ne répondraient pas aux attentes du public.
Le chef progressiste-conservateur Tony Wakeham s'est engagé à faire examiner le projet d'accord par un tiers indépendant si son parti remporte les élections.
«Sur la base de cet examen indépendant, j'exigerai de meilleures conditions pour Terre-Neuve-et-Labrador», a déclaré M. Wakeham dans un courriel de collecte de fonds ce mois-ci.
Et M. Harris a cosigné une lettre avec huit autres personnes, dont un ancien directeur de Newfoundland and Labrador Hydro, affirmant que l'accord sous-estime les ressources de la province. Elle demande au conseil d'administration de l'entreprise de mettre fin à l'accord ou de démissionner.
En réponse, Newfoundland and Labrador Hydro a déclaré que les critiques comportaient des inexactitudes fondées sur des «hypothèses et interprétations erronées».
«En tant que Terre-Neuviens-et-Labradoriens ayant grandi ici, nous n'accepterons jamais de revenir sur les 50 dernières années et n'accepterons rien de moins qu'un accord équitable», peut-on lire dans un message publié sur le site web de l'entreprise.
Neuf chefs d'entreprise ont également écrit une lettre au premier ministre John Hogan la semaine dernière, affirmant que l'accord est équitable, équilibré et bénéfique pour la province. Les critiques ont simplifié à outrance cet accord complexe, indique la lettre.
L'accord de principe vise à mettre fin 16 ans plus tôt qu'il ne l'était auparavant à un contrat signé en 1969 qui permet à Hydro-Québec d'acheter la majeure partie de l'énergie de la centrale de 5428 mW de Churchill Falls, au Labrador, à des prix défiant toute concurrence.
Newfoundland and Labrador Hydro paie les mêmes tarifs, mais ne reçoit qu'une fraction de l'électricité — environ 525 mégawatts — malgré le fait qu'elle détienne environ les deux tiers de la société mère du barrage.
En 2019, l'entente a généré près de 28 milliards $ de profits pour le Québec et environ 2 milliards $ pour Terre-Neuve-et-Labrador.
En vertu de la nouvelle entente, Newfoundland and Labrador Hydro obtiendrait davantage d'électricité de la centrale, jusqu'à 1630 mégawatts d'ici 2061. Les prix augmenteraient également : Hydro-Québec paierait, selon les prévisions, 33,8 milliards $ en dollars actuels au cours des 50 prochaines années pour sa part d'électricité.
Ce prix sera lié au marché et à d'autres facteurs, notamment le coût de l'énergie qu'Hydro-Québec paie pour d'autres sources, a indiqué Newfoundland and Labrador Hydro.
Hydro-Québec dirigerait également de nouveaux projets d'aménagement le long du fleuve Churchill, notamment une centrale hydroélectrique de 2250 mégawatts proposée à Gull Island. Les services publics formeraient une nouvelle société pour posséder et exploiter Gull Island, dont Newfoundland and Labrador Hydro détiendrait 60 %. Hydro-Québec obtiendrait 90 % de l'électricité pendant 50 ans, payant des tarifs liés au coût de construction de l'installation.
Un espoir avec les élections
David Vardy, ancien président de la Régie des services publics de la province, espère que la population profitera des élections pour exiger que le gouvernement libéral réponde aux critiques croissantes et prouve qu'il agit dans l'intérêt public.
La démission de M. Wilson du comité de surveillance a soulevé des questions auxquelles le gouvernement doit répondre, estime M. Vardy.
Il craint que le protocole d'entente ne donne une fois de plus trop de contrôle à Hydro-Québec en échange d'argent facile.
«Je crains que nous soyons perçus comme étant à genoux, financièrement, et qu'Hydro-Québec ait profité de nous», a mentionné M. Vardy.
Un porte-parole de M. Hogan a déclaré que le protocole d'entente est le fruit d'années de négociations et de nombreux conseils indépendants d'experts juridiques, financiers et énergétiques.
Ce sera «l'enjeu électoral, a-t-il mentionné aux journalistes le mois dernier. C'est ce dont nous devons parler en tant que province.»
John Hogan devrait déclencher des élections cette semaine.
Sarah Smellie, La Presse Canadienne