Des groupes craignent un abandon de la promesse libérale d'une assurance-médicaments


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Certains défenseurs des soins de santé craignent que le gouvernement libéral ne revienne sur sa promesse de créer un régime universel d'assurance-médicaments à payeur unique.
Frédérique Chabot, directrice générale d'Action Canada pour la santé et les droits sexuels, a rapporté que des conversations avec des représentants du gouvernement la portent à croire qu'Ottawa envisage sérieusement une approche différente qui offrirait une couverture aux personnes sans assurance privée.
«Une approche qui vise à "combler les lacunes" n'est pas un bon investissement pour les Canadiens et ne constitue pas une solution qui améliorera réellement les résultats en matière de santé comme le ferait un véritable régime universel d'assurance-médicaments à payeur unique», a-t-elle affirmé.
Un groupe d'experts a recommandé en 2019 la création d'un régime universel à payeur unique où le gouvernement fédéral couvrirait le coût des médicaments par l'intermédiaire du système d'assurance-maladie.
L'Institut C.D. Howe a publié son propre rapport la semaine dernière, appelant Ottawa à envisager de réduire le programme à un modèle mixte, similaire à celui du Québec, qui offrirait une couverture gouvernementale aux personnes sans assurance privée.
Le rapport indique qu'un tel modèle serait une option plus réaliste pour un gouvernement dont les priorités budgétaires ont changé.
Le Bureau du directeur parlementaire du budget prévoyait en 2023 qu'un programme universel complet à payeur unique coûterait environ 39 milliards $ en 2027-2028, soit 13,4 milliards $ de plus que le coût actuel du système fédéral de paiement des médicaments et autres financements.
Mme Chabot a tenu une conférence de presse en compagnie d'autres experts sur la colline du Parlement lundi, le jour même du lancement d'une campagne publicitaire ciblant les élus pour réclamer des mesures concernant l'assurance-médicaments.
Message contradictoire
Jason MacLean, président de la Coalition canadienne de la santé, a soutenu que le premier ministre Mark Carney et son gouvernement envoient des messages contradictoires sur ce dossier depuis les élections d'avril.
«Nous avons été distraits par les pressions et toute cette affaire de droits de douane», a-t-il expliqué, ajoutant que l'assurance-médicaments était promise par «la majorité des députés libéraux actuellement en poste».
La Loi sur l'assurance-médicaments a été adoptée en octobre dernier par le gouvernement libéral minoritaire dans le cadre de son accord particulier avec le NPD.
La première phase prévoyait qu'Ottawa négocie avec les provinces et les territoires pour couvrir le coût des contraceptifs oraux et de certains médicaments contre le diabète.
Des accords d'assurance-médicaments ont été conclus avec la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard et le Yukon, mais les négociations ont été bloquées avec le lancement de la campagne électorale au printemps. Ces quatre accords représentent plus de 60 % des 1,5 milliard $ prévus pour l'assurance-médicaments dans le dernier budget.
Les libéraux réélus se sont engagés à investir des milliards de dollars dans la défense nationale et à lancer un examen des autres dépenses gouvernementales, alors que le Canada fait face aux conséquences d'une guerre commerciale avec les États-Unis.
La ministre de la Santé, Marjorie Michel, et le cabinet de M. Carney ont refusé de s'engager à signer d'autres accords d'assurance-médicaments au cours de l'été, se contentant de protéger ceux qui étaient déjà en place.
Plus tôt ce mois-ci, le premier ministre a indiqué aux journalistes lors d'une conférence de presse à Edmonton que les accords restants seraient signés «aussi rapidement et équitablement que possible».
«Des messages contradictoires ne font qu'engendrer confusion et méfiance. Les Canadiens méritent d'être informés clairement de ce qui est négocié et de ce que cela signifie pour eux», a déclaré M. MacLean.
La loi oblige l'agence nationale des médicaments à établir une liste de médicaments essentiels au niveau national et à élaborer une stratégie d'achat en gros afin de faire baisser les prix.
Olivier Surprenant, analyste à la Coalition solidarité santé, une organisation québécoise, a souligné que le régime d'assurance-médicaments de la province est de plus en plus coûteux et que le modèle mixte crée des inégalités pour les patients.
Il a également soutenu que les menaces de droits de douane sur les produits pharmaceutiques du président américain Donald Trump rendent d'autant plus importante la collaboration entre les provinces et les territoires pour l'achat de médicaments.
La Loi sur l'assurance-médicaments prévoit également la création d'un comité d'experts chargé d'étudier la meilleure façon de créer un régime universel. Ce comité doit remettre son rapport à la ministre Michel d'ici le 10 octobre. Le rapport sera rendu public.
M. MacLean a déclaré que la Coalition canadienne de la santé souhaite voir des mesures concrètes dans ce dossier dans le prochain budget fédéral, et il a exhorté le gouvernement à ne pas «céder à la pression» des entreprises, des industries pharmaceutiques et des assurances, qu'il a qualifiées de «mauvais acteurs dans ce débat, faisant passer les profits avant les gens».
Sarah Ritchie, La Presse Canadienne