Journée du chandail orange: un chef offensé par des obligations du fédéral

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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Le chef de la Nation crie de James Smith se dit offensé par l'exigence d'Ottawa que le matériel promotionnel des événements de la Journée du chandail orange financés par le gouvernement fédéral porte la marque du gouvernement.
Kirby Constant a indiqué à La Presse Canadienne que la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation vise à honorer les survivants des pensionnats et des externats, ainsi que ceux qui n'ont jamais pu rentrer chez eux, et à souligner l'héritage de ces institutions dans les communautés des Premières Nations aujourd'hui.
La Nation crie de James Smith a reçu environ 6700 $ du ministère fédéral du Patrimoine canadien pour organiser des événements dans la communauté à l'occasion de cette journée qui s'est tenue le 30 septembre. Parmi les événements organisés, on compte une marche commémorative, une cérémonie de la suerie, un festin et un cours de perlage. Une partie de cet argent a également servi à verser des honoraires aux gardiens du feu.
Ce financement était toutefois conditionnel à l'apposition de la marque du gouvernement du Canada sur le matériel promotionnel, pratique courante pour les projets financés par Patrimoine canadien.
«La reconnaissance est une condition de financement», indiquait un courriel du gouvernement envoyé à la Première Nation.
Kirby Constant estime que forcer sa communauté à remercier publiquement Ottawa pour le financement destiné à commémorer le sombre héritage du système des pensionnats autochtones qu'il a contribué à créer est contraire à l'esprit de réconciliation.
Il a dit qu'il avait l'impression que le gouvernement lui mettait des mots dans la bouche.
«Voilà vos 6700 $, mais vous devez inclure cela au bas de votre programme, juste pour montrer que le Canada agit, a raconté M. Constant. Je m'imagine aller dans un pensionnat (et que quelqu'un me dirait) : 'Vous ne pouvez pas prononcer ces mots, mais ici, vous devez prononcer ces mots.'»
Le gouvernement fédéral, en grande partie en partenariat avec l'Église catholique, a financé le système des pensionnats autochtones. Environ 150 000 enfants autochtones ont été forcés de fréquenter ces écoles, souvent en proie à des abus et situées loin de leurs communautés d'origine. Le dernier pensionnat a fermé ses portes en 1996.
La Commission de vérité et réconciliation, créée dans le cadre d'un règlement juridique entre le gouvernement fédéral et les survivants des pensionnats, a conclu que ces écoles visaient à anéantir les cultures autochtones.
On estime que 6000 enfants sont morts pendant leur séjour dans ces pensionnats, mais les experts du Centre national pour la vérité et la réconciliation, qui continuent d'examiner des millions de dossiers, affirment que le nombre réel pourrait être bien plus élevé.
En plus de la reconnaissance du financement fédéral, M. Constant est également tenu de soumettre un rapport sur les activités organisées par sa communauté.
Selon un document du gouvernement fédéral envoyé à la Nation crie James Smith, les projets financés par le ministère doivent viser trois objectifs: sensibiliser davantage la population aux pensionnats, honorer les survivants et ceux qui ne sont jamais revenus, et offrir un espace de dialogue pour favoriser la guérison.
Dans un communiqué envoyé par courriel, un porte-parole de Patrimoine canadien a déclaré que tous les bénéficiaires de financement sont tenus de mentionner la provenance des fonds.
«Cette reconnaissance garantit la transparence des dépenses gouvernementales et souligne le rôle du gouvernement dans le soutien des initiatives bénéfiques aux communautés et aux citoyens, a écrit Ines Akué. Nous reconnaissons et respectons les préoccupations soulevées et continuerons d'orienter nos actions en tenant compte de cette réalité complexe.»
M. Constant a souligné qu'il continue lui-même de vivre avec les séquelles des pensionnats, ayant grandi sans apprendre sa langue ni comprendre sa culture.
«(Le gouvernement fédéral) nous a vraiment fait du mal, et je le constatais quotidiennement», a-t-il témoigné.
Il a ajouté qu'il s'efforçait de changer cet héritage avec ses propres enfants en les incluant dans les cérémonies traditionnelles et en intégrant davantage de spiritualité dans leur vie.
«Mais nous devons aussi nous adapter à cette culture occidentale, où nous devons être éduqués. C'est un peu comme emprunter deux chemins à la fois», a conclu M. Constant.
Alessia Passafiume, La Presse Canadienne