L'alimentation pourrait rendre le glioblastome plus vulnérable aux traitements


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Des modifications apportées à l'alimentation du patient pourraient augmenter l'efficacité des traitements utilisés pour combattre un impitoyable cancer du cerveau, démontre une nouvelle étude.
La médecine moderne est essentiellement démunie face au glioblastome, et l'espérance de vie des patients n'est que d'une année ou deux.
Des chercheurs de l'Université du Michigan ont toutefois récemment constaté, lors d'expériences sur des souris, qu'on pouvait rendre les tumeurs plus vulnérables aux traitements de radiothérapie et de chimiothérapie en retirant de l'alimentation des petites bêtes deux acides aminés, la glycine et la sérine.
«Ils ont validé que certains nutriments sont plus utilisés par la tumeur que par le cortex du cerveau, a commenté la professeure Maya Saleh, une chercheuse de l’Institut national de la recherche scientifique qui a récemment obtenu une subvention majeure de 1,2 million afin de mieux comprendre ce cancer. Ça, c'est nouveau, et c'est un très bon début.»
Le cerveau utilise normalement le sucre pour fabriquer des acides aminés, les éléments constitutifs des protéines. Cependant, les cancers du cerveau semblent désactiver cette voie et se contentent de récupérer ces acides aminés dans le sang.
Les chercheurs ont donc décidé de vérifier si des souris soumises à une alimentation à teneur réduite en acides aminés répondraient mieux aux traitements.
Quand on a retiré de leur alimentation la sérine et la glycine, la réponse des souris à la radiothérapie et à la chimiothérapie a été meilleure et les tumeurs étaient plus petites que chez les souris témoins nourries à la sérine.
Les chercheurs croient qu'il pourrait être possible d'interférer avec la consommation des tumeurs de ces acides aminés sans pour autant nuire aux cellules cérébrales saines qui en ont aussi besoin.
«Dans des modèles murins, la restriction alimentaire en sérine (...) ralentit la croissance de la tumeur tout en affectant de manière minimale les métabolites du cortex», résument ainsi les auteurs dans les pages de la prestigieuse revue Nature.
Ces travaux, ajoutent-ils, pourraient avoir «d'importantes implications cliniques». La restriction de la sérine alimentaire pourrait ainsi contribuer à ralentir la croissance du glioblastome et «nos études sur la souris suggèrent que l'association de la déplétion en sérine de l'environnement et de la chimioradiation pourrait maximiser l'efficacité (des traitements)», soulignent-ils.
Cela étant dit, a souligné la professeure Saleh, il y a encore beaucoup de travail à faire avant de déterminer s'il s'agit d'une stratégie viable pour combattre la maladie chez les humains.
«Il y a beaucoup de variabilité entre les patients, a-t-elle rappelé. Il y a des tumeurs qui s'en fichent complètement de cet aliment-là, qui vont combler leurs besoins ailleurs.»
Mais lorsqu'on endommage les tumeurs, lorsqu'on fragmente leur ADN (par exemple, avec un traitement de radiothérapie), «c'est à ce moment qu'elles vont prendre le plus de nutriments, la tumeur a besoin de réparer ses cellules, et dans ce contexte-là, si on déprime la sérine, ça semble avoir un effet», a dit Mme Saleh.
D'autres études seront maintenant nécessaires pour voir s'il est possible de reproduire ces résultats, a-t-elle ajouté, parce que «sans essais cliniques, on ne peut pas dire aux patients de cesser de manger de la sérine».
Il ne faut pas non plus perdre de vue que le cancer est passé maître dans l'art de déjouer les différentes offensives qui visent à le détruire.
«Il faut voir comment les tumeurs s'adaptent, parce que malheureusement, il y a eu plein d'études (...) comme ça, avec des espoirs où (l'alimentation) pouvait tout changer, mais malheureusement en clinique, ce n'est pas encore adapté, a conclu la professeure Saleh. Donc, il faut attendre et voir si ça fonctionne dans un essai clinique, si la tumeur ne réagit pas, n'utilise pas d'autres sources de nutriments pour s'adapter, mais c'est sûr que c'est encourageant.»
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne