La lutte contre le blanchiment d'argent au service du combat contre le fentanyl

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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — L'agence canadienne de lutte contre le blanchiment d'argent affirme avoir divulgué plus de 100 renseignements financiers exploitables à l'appui d'enquêtes sur le trafic d'opioïdes illicites entre novembre dernier et la fin mars de cette année.
Dans son rapport récemment déposé pour 2024-2025, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada indique que la communication de renseignements à ses partenaires des forces de l'ordre ne représente qu'une partie des efforts déployés pour freiner la prolifération du fentanyl.
Ce centre fédéral, communément appelé CANAFE, repère l'argent lié au blanchiment et au terrorisme en analysant chaque année des millions de données provenant de banques, de compagnies d'assurance, de courtiers en valeurs mobilières, d'entreprises de services monétaires, de courtiers immobiliers, de casinos et d'autres institutions.
L'agence communique ensuite les renseignements financiers obtenus à ses partenaires, notamment la Gendarmerie royale du Canada, le service canadien du renseignement de sécurité, et d'autres services de police.
Ces renseignements servent également à la Cellule de coordination des opérations et de renseignement, un organisme fédéral qui réunit les services de police et de renseignement et les ministères afin de lutter contre le crime organisé transnational, le blanchiment d'argent et le trafic de stupéfiants.
Dans son rapport annuel, la directrice de CANAFE, Sarah Paquet, indique que l'agence a réaffecté des ressources existantes pour mettre sur pied une équipe rapide de production de renseignements afin de prioriser la diffusion de renseignements financiers liés aux opioïdes illicites et aux organisations criminelles transnationales.
CANAFE a également mis à la disposition du bureau de Kevin Brosseau, responsable canadien de la lutte contre le fentanyl, un expert en criminalité financière pour appuyer ses efforts visant à combattre le financement illicite associé à cette drogue.
L'agence a aussi aidé des entreprises à cerner et à évaluer les risques de blanchiment d'argent associés aux opioïdes illicites, à mettre en œuvre des mesures pour gérer ces risques et à déclarer les transactions pertinentes à CANAFE, selon le rapport.
CANAFE s'attaque au fléau des opioïdes depuis des années. Début 2018, l'organisme a averti que des trafiquants exploitaient les entreprises canadiennes de services monétaires pour acheter du fentanyl à l'étranger et blanchir ensuite les fonds par l'intermédiaire des banques et caisses populaires.
Ses efforts les plus récents font suite aux inquiétudes exprimées par l'administration américaine concernant l'afflux de fentanyl vers les États-Unis – une critique que le président américain Donald Trump a utilisée pour justifier les droits de douane imposés au Canada.
M. Brosseau a expliqué que, même si le Canada n'est pas une source importante de fentanyl entrant aux États-Unis, de petites quantités peuvent tout de même avoir des effets dévastateurs.
Le rapport annuel du CANAFE indique que les renseignements financiers de l'organisme ont également contribué plus largement à des enquêtes liées au blanchiment d'argent, notamment des enquêtes sur la traite des personnes, le vol de véhicules, le financement du terrorisme et les menaces à la sécurité du Canada.
Ces renseignements ont mené à plus de 200 enquêtes majeures et à des centaines d'autres enquêtes au Canada et à l'étranger, ajoute le rapport.
Le CANAFE a émis 23 avis de violation l'an dernier pour non-respect des lois et règlements, pour des pénalités totalisant plus de 25 millions $. L’agence indique avoir également signalé 32 cas de non-conformité directement aux forces de l’ordre en vue d’éventuelles enquêtes criminelles – un nombre record depuis la création de l'organisme en 2000.
«La lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est un impératif moral et social, a soutenu Mme Paquet dans le rapport. Qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants, de fraude, de vol de véhicules, de traite de personnes ou d’exploitation sexuelle d’enfants sur Internet, ces crimes menacent nos collectivités et nos citoyens les plus vulnérables. »
Jim Bronskill, La Presse Canadienne